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Burkina Faso : « Il faut une réconciliation au niveau de l’armée. Ce n’est pas l’armée qu’on a connue sous Blaise Compaoré », Me Hermann Yaméogo

20 octobre 2020, 23:57, par Mechtilde Guirma

À Hess,

Je ne sais pas de quelle religion vous êtes, ni de quelle doctrine. Je ne voudrai pas le savoir. Mieux je n’essaierai même pas de deviner qui vous êtes. En effet si je l’essayais, c’est dire que je me mettrais dans une position de cogitation intense pour analyser vos réactions : la qualité d’abord, car il y en a. Ensuite le genre, situer le milieu, d’où vos réactions pourraient venir. Et quand j’aurais trouvé tout cela, je serai tentée de chercher à vous dénicher. Mais à quoi cela me servirait-il ? À la colère, puis à la vengeance et de nouveau, je me mettrais à cogiter ma mode de réaction. Et paf ! Voilà l’impunité. Et vous partez sans même savoir qui vous a tué. Dans un premier temps, je me croirais vengée et jouirais de ma « victoire ». Mais ce n’est qu’illusions, voilà un autre Hess qui surgit. C’est pour ça que les Mossé (et même toute l’Afrique d’ailleurs) disent que dès que le sang coule, il s’avérerait difficile de le stopper, car de vengeance en vengeance, toute la Société y passerait (et c’est déjà en effet arrivé dans l’histoire). C’est pourquoi nos ancêtres ont trouvé des mécanismes pour contrevenir et contrecarrer le premier flot, quitte à user des sacrifices coûteux (parfois jusqu’au suicide du chef de famille, ou le roi se donne la mort pour supplier le pardon à/et pour son peuple). Et c’est cela dans toutes les sociétés. C’est ce que Maître Hermann a brillamment décrit, depuis des origines de notre démocratie à nos jours. En effet, j’ajoute à cette description la formation des liens sociaux au Burkina-Faso à travers la parenté à plaisanterie où le véritable bâtisseur de la paix est sans conteste, le pardon lui-même quels qu’en fût la gravité des fautes. Des liens familiaux développés après de véritables tueries. De nos jours, un ciment social et politique : « Tu es mon esclave, ah non c’est toi qui est le mien » et tout se termine par une tape dans la main voire un partage de noix de cola ou d’un verre, ou mieux un repas et parfois tout se termine par des accolades avec la promesse de se revoir encore un autre jour si « Dieu le veut » dit-on souvent. Un ciment social et politique qui va jusqu’à conclure des alliances pour le vivre ensemble dans tous les domaines de la vie. Ah ! « Si Dieu le veux ! ». Tien « le nom de Dieu » dans un vœux, sans même se soucier un seul instant, de sa présence dans la relation et parmi les hommes alors que chaque jour son nom est prononcé à tout vent dans les usages courants : Wend na tassé=Aurevoir (que Dieu te ramène sain et sauf chez toi), Wend na lé wiligd-taaba ou encore Wend na kit id lé yâ taaba=À bientôt ou à très bientôt (Que Dieu fasse qu’on se revoit encore etc.). Parcourrez tout l’Afrique et vous trouverez ces expressions à connotation théophore qui émaillent leurs relations sociales. Pour Maître Hermann donc, je pense, qu’il a voulu aussi montrer que cela n’a pas toujours, hélas, été aussi calme qu’on le pensait (des violences esclavagistes à celles colonialistes en passant aussi par celles des gouvernants). Que cela ait fait des vagues ou des ravages, la résilience légendaire des Peuples burkinabé n’en a guère été écornée, au vu même des séquelles laissées par l’un des plus vieux coronavirus « intellectuel » du 20ème siècle, le plus destructeur de vie, déconstructeur des sociétés et de familles : C’est le courant « marxiste-léniniste » qui a balayé toute l’Afrique avec ses conséquences macabres de guerres, de génocides, d’exilés, de destructions de liens sociaux et familiaux (le mariage, nos coutumes notre savoir vivre ensemble, les émigrés, les enfants sans repères, les jeunes désœuvrés, l’économie dévastée). Et le nouveau, cette fois sanitaire, en fait autant sinon pire avec les mêmes conséquences, mais ne semble pas encore avoir entamé cette résilience des Burkinabé. Pour ma part, je pense que maître Hermann veut expliquer que les burkinabé sont de nouveau capables de s’élever au-dessus de la mêlée, tout comme nos ancêtres le faisaient, pour sauver cet acquis (du vivre ensemble) qui nous a permis de bâtir une société, que dis-je, une Nation multiculturelle exemplaire et admirée de tous les autres Peuples et même enviée. Voilà ce que moi j’ai saisi du message de maître Hermann. Et cela ne peut se faire sans l’aide de Dieu. Ah ! Encore Dieu que j’ai failli oublié. Oui Dieu est la source vitale de nos cultures africaines. De nos traditions ancestrales à nos religions d’aujourd’hui (l’Islam et Christianisme) où il y a quand même une personnalité centrale : Jésus-Christ, le « Messie » Sauveur du monde : « Souffle » et l« ’Oint » de Dieu. Pour nous chrétiens, il a souffert, a été condamné à mort, crucifié, il a adressé une dernière prière à son père en faveur de ses bourreaux : « Père pardonnez-les, car il ne savent pas ce qu’ils font ». Et du haut de sa Croix glorifiée par ces dernières Paroles saintes, divines, en remettant Son Âme à Dieu, le monde fut sauvé. Il confirmait ainsi Son Message d’amour laissé au humain durant sa mission sur la terre : « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés ». Il l’appuya par d’autres préceptes (Le Sermon sur la Montagne) où le pardon est la ligne directrice en commençant par nous pardonner nous-mêmes pour qu’une vie ne soit plus sacrifiée : tiens ! Tout comme au temps de nos ancêtres. Bizarre, non !!! C’est précisément comme si eux, nos ancêtres, vivaient déjà de cette réalité avant même de Le connaître comme Prophète (Messie-Christ), Prêtre (Sauveur) et Roi (l’oint de Dieu) et n’attendaient que Lui-même la confirme un jour quand Il viendrait : Car Il avait déjà été annoncé dès le départ par le Dieu d’Abraham : Ed YaabrambWendé (en moré) en diminutif : YaWe (YAWE ou YAVÉ).
Monsieur Hess, je sais que vous n’êtes pas Obtusément obscurantiste comme un certain « keko ». Vous êtes un homme de culture, mieux de science à ce que je sens et devine, je sais aussi que vous savez vous rallier aux études scientifiques bien argumentées. C’est pourquoi je vous comprends : Votre approche du pardon est une quête de compréhension et non un refus (ce qui est plus pragmatique) : « Pourquoi le pardon ? ». Mais il arrive que cette quête rencontre les limites de l’esprit humain et ne trouve pas de réponse, car la Science ne peut à elle seule résoudre l’énigme de la vie qui est pour les uns aussi dogmatique que pragmatique : « c’est la vie » disent –ils, en conséquence, et son corollaire : « À quoi même ça sert la vie ? ». Pour les croyants, la vie est un mystère relié à celui de la création. Une Œuvre divine. Et pour les chrétiens ce mystère rejoint celui de l’incarnation et du mystère pascal (le Sacrifice du Christ sur la croix). C’est pourquoi pour eux tous : « LA VIE VAUT LA PEINE D’ÊTRE VÉCUE. ELLE EST SACRÉE, NUL N’A LE DROIT DE SE SUBSTITUER À DIEU POUR l’ENLEVER » (c’est paradoxale par rapport à votre quête j’en conviens, bien volontiers). C’est pourquoi le transcendant vient, souvent au secours de la science, débloquer une situation et remettre la vie en cour selon le principe même du vivre ensemble et sauver ainsi l’espèce humaine de l’extinction. À ce moment des principes fondamentaux s’imposent à l’esprit humain : la quête du « Pourquoi (aller au pardon) ? », cède alors la place à la question existentielle du « Comment (aller au pardon) ? » Et le cours qui jalonne toute la vie humaine comme un fleuve à travers ses dédales et obstacles contournés, a toujours donné raison, dans l’histoire des Peuples, au transcendant.


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