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Disparition d’Air Afrique : plus de 179 Burkinabè exigent leurs droits

Publié le mardi 4 octobre 2005 à 07h13min

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Le feuilleton a connu plusieurs épisodes. Au moment où on le croyait
définitivement fini, il resurgit dans la partie où des acteurs, lassés de tourner
en rond dans l’arrière scène ont décidé de passer sous les projecteurs.

C’est
dans ce sens que les ex-travailleurs burkinabè de Air Afrique qui étaient à
l’étranger, notamment en Côte d’Ivoire, veulent que leurs dirigeants pensent à
eux.

Air Afrique. Un nom qui rend nostalgiques biens des habitués des transports
aériens. Il fait penser au temps jadis, où les majestueux appareils blanc-vert
frappés de la tête d’antilope ailée, étaient encore présents dans les cieux. Ils
desservaient l’Afrique, qu’elle soit du Nord, du Sud, de l’Est ou de l’Ouest,
pour le bonheur et des Africains et des non Africains.

Seulement, cela
n’arrangeait pas tout le monde, notamment certaines compagnies dont Air
Afrique rongeait sérieusement le gâteau. Air Afrique qui "en faisait chaque
jour un peu plus" a décidé de "continuer là où les autres s’arrêtent". Malheur
pour elle qui a dû faire un atterrissage forcé et définitif en 2002, la mauvaise
gestion et la gabegie aidant.

Clouée au sol, Air Afrique vide passagers et employés dans la rue. Des
grèves de protestation et autres mouvements de revendication ont amené la
plupart des 11 Etats qui constituaient la multinationale aérienne, à se
pencher sur le cas de leurs ressortissants qui y travaillaient. Si presque
partout, les ex-agents de Air Afrique sont satisfaits, ou tout au moins en partie,
c’est loin d’être le cas au Burkina. Comme le disent des chanteurs ivoiriens,
"les moutons se promènent ensemble, mais ils n’ont pas le même prix".

En
effet, s’obstinant dans un système inexplicable de deux poids deux mesures,
l’Etat burkinabè a choisi d’écouter les nationaux qui travaillaient à Air
Afrique-Burkina, ignorant simplement les Burkinabè de Air Afrique affectés
dans d’autres pays.
Evalués à environ 300, les Burkinabè de Air Afrique qui travaillaient ailleurs,
se sont-ils expatriés d’eux-mêmes ? N’ont-ils pas été mutés dans ces pays
pour raisons de travail ?

En allant à l’extérieur, ces travailleurs ont-ils perdu la
nationalité burkinabè ? "L’Etat n’a rien fait pour nous. Moi je suis rentré avec
une seule valise contenant quelques habits". Le regard lointain, ce jeune
burkinabè, abandonné par Air Afrique, sur le tarmac de l’aéroport de
Port-Bouët à Abidjan, a commencé à ressasser des souvenirs amers. "Au
moment où nous avions le plus besoin de notre pays, il n’y avait rien derrière
nous", a continué notre interlocuteur.

Découragés mais pas désespérés

Les travailleurs des autres pays étaient-ils logés à la même enseigne ? "Pas
du tout. Mieux, l’Etat malien par exemple s’est occupé du rapatriement de ses
ressortissants et de leurs biens en 2003. Au Sénégal, tous les travailleurs ont
été pris en compte. Leurs droits ont même été recalculés et injonction a été
faite à l’exécutif, par l’Assemblée nationale, de payer tous les travailleurs,
rubis sur ongle. Dans le même temps, les compagnies Air Sénégal et Air
Ivoire ont repris dans leurs effectifs, de nombreux déflatés sénégalais et
ivoiriens".

Ce condensé du témoignage d’un ex-travailleur burkinabè de Air
Afrique devrait ressembler, trait pour trait, à celui des autres agents. Les
anciens d’Abidjan sont aujourd’hui environ 179 après quelques décès
enregistrés dans leurs rangs.
Après s’être débrouillés pour revenir au bercail en octobre-novembre 2002,
au temps fort de la crise ivoirienne, ces Burkinabè, devenus étrangers chez
eux, n’ont eu aucune oreille attentive à leurs problèmes.

Or les difficultés, ils
en rencontrent énormément. C’est même leur quotidien. Se loger, se soigner,
se nourrir, se vêtir et s’occuper de leurs familles respectives, sont devenus les
cinq besoins fondamentaux dont la réalisation est une gageure pour ces
ex-travailleurs de Air Afrique. Bien qu’ils se soient constitués en association,
ils sont fuis comme des pestiférés et aucune autorité ne semble être en
mesure de les écouter, a fortiori régler leurs problèmes. Leurs droits ne sont
même pas calculés alors qu’en principe, cela devrait l’être, et payés.

La vente
et l’exploitation sur trois ans maintenant, du patrimoine de Air Afrique devrait
le permettre. Découragés, mais nullement désespérés, ces "victimes"
burkinabè du crash d’Air Afrique ont tapé aux portes de ministres, du
Médiateur du Faso (Feu Jean-Baptiste Kafando), etc. Ils attendent toujours.
Toutefois, ils sont confiants que les plus hautes autorités de ce pays,
notamment le chef de l’Etat, penseront à eux". Cri du coeur de naufragés qui,
malgré la force de la tempête, espèrent que la bouteille qu’ils ont jetée à la
mer tombera dans des mains salvatrices.

Air Afrique n’a pas pu être sauvée. Les employés burkinabè de l’extérieur,
abandonnés par la défunte multinationale aérienne, mourront-ils également
dans le dénuement matériel total et le chagrin ? Pourvu que l’avenir donne
tort aux plus pessimistes, même si le ciel est encore bien sombre pour les
"anciens air africains d’Abidjan."

Par Morin YAMONGBE
Le Pays

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