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Interdiction de publicité sur les produits pharmaceutiques : Le cas Wendlarima Hermann Sawadogo et les explications du CSC

Publié le mardi 6 octobre 2020 à 21h55min

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Interdiction de publicité sur les produits pharmaceutiques : Le cas Wendlarima Hermann Sawadogo et les explications du CSC

Depuis quelques jours, des informations font état de ce que Wendlarima Hermann Sawadogo, connu également comme chercheur en phytothérapie, a maille à partir avec l’Ordre des médecins, qui a déposé une plainte devant le Conseil supérieur de la communication (CSC) au sujet de son activité. Pour en savoir davantage (et dans l’éventualité de la réaction des deux autres parties), nous avons approché le directeur de la publicité de l’instance nationale de régulation des médias (le CSC), Blagnima Traoré. Au-delà du cas en l’espèce, il a été question de la réglementation générale en la matière.

Lefaso.net : Pouvez-vous nous dire pourquoi est-il interdit de faire de la publicité d’un certain nombre de produits, notamment les produits pharmaceutiques ?

Blagnima Traoré : Je pense que c’est pour protéger la population et c’est une question de santé publique. Vous avez bien souligné « produits pharmaceutiques ». Pour avoir accès à ces produits, il faut d’abord aller voir un médecin, qui prescrit une ordonnance avant que le patient n’aille payer le produit. Autrement dit, l’acquisition du produit doit être recommandée par un spécialiste de la santé, reconnu par les textes en vigueur.

Donc, inutile de faire la publicité d’un produit, dont l’accès même est réglementé. La publicité se fait, mais auprès des professionnels de la santé ; les délégués médicaux sont-là pour faire la publicité auprès des médecins et ce sont ces derniers qui prescrivent les produits pour qu’on aille les payer en pharmacie. Si la publicité est autorisée auprès du grand public, les malades auront tendance à aller acheter les produits pharmaceutiques directement et les administrer eux-mêmes. Cela pourrait créer des problèmes de surdosage, d’automédication par exemple. Il est donc inutile de faire la publicité des produits dont l’accès est réglementé.

Comment le CSC suit cet aspect, en termes d’organisation ?

Nous avons un dispositif à l’interne qui nous permet d’enregistrer d’abord tout ce qui se passe dans les médias, ensuite d’observer et d’analyser le contenu. C’est donc à travers l’observation des contenus publicitaires que nous décelons des manquements à la réglementation.

On voit dans des espaces publics des individus qui, par divers moyens (crieurs publics, mégaphones...), s’adonnent à de la publicité autour de produits pharmaceutiques. Votre action s’étend-elle à ces espaces ou c’est uniquement pour ce qui passe par les médias ?

En principe, l’instance de régulation nationale régule le contenu publicitaire à travers les médias. Du coup, nous ne sommes pas habilités à y intervenir ; notre champ d’intervention est circonscrit. Ce qui se passe dans les espaces publics doit relever de la compétence d’autres structures. En réalité, la loi dit que le CSC assure la régulation du contenu publicitaire en collaboration avec d’autres structures. C’est dire donc également que la loi n’a pas donné compétence exclusive au CSC pour réguler ce domaine, d’autres structures peuvent intervenir pour réguler le domaine comme par exemple les mairies et l’Agence nationale de régulation pharmaceutique.

Quel constat global faites-vous sur le terrain ? Les médias sont-ils respectueux de la réglementation en la matière ?

Certains médias ne sont pas respectueux de la réglementation. Jusqu’à présent, certains médias continuent de faire la publicité de produits, qui est pourtant soumise à une réglementation.

Quels peuvent être les sanctions encourues par un média qui s’adonnerait à une telle violation ?

Il y a plusieurs paliers de sanctions. Quand vous prenez la loi organique N°015-2013/ AN du 13 mai 2013 portant attributions, composition, organisation et fonctionnement du CSC, elle dispose à son article 46 que « Tout manquement aux dispositions législatives et réglementaires régissant les activités de communication fait l’objet d’une mise en demeure du Conseil supérieur de la communication ».

Le Conseil supérieur de la communication prononce, en fonction de la gravité du manquement, une des sanctions suivantes :

- la suspension de la publication, de l’édition, de la diffusion ou de la distribution du ou des services d’une catégorie de programme, d’une partie du programme ou d’une ou plusieurs séquences publicitaires pour un mois au plus ;

- la suspension de la publication, de l’édition, de la diffusion ou de la distribution du ou des services d’une catégorie de programme, d’une partie du programme ou d’une ou plusieurs séquences publicitaires pour trois mois au plus ;

- une sanction pécuniaire dont le montant est fixé dans les différents cahiers des charges et des missions ;

- le retrait de l’autorisation d’exploitation ou l’interdiction de la publication.

Ces sanctions sont prononcées sans préjudices de l’application des dispositions pénales contenues dans les textes en vigueur.

Donc, le premier niveau de sanction, c’est la mise en demeure. La sanction est fonction de la gravité de la faute.

Avez-vous déjà eu recours à la sanction extrême ?

Nous n’avons pas encore eu recours à la sanction extrême du fait qu’un média ait violé la réglementation en matière de publicité.

Parlant de produits pharmaceutiques, faut-il comprendre que la réglementation s’étend aux produits de la médecine traditionnelle ?

L’article 31 de la loi N°080-2015/CNT portant règlementation de la publicité au Burkina Faso dispose que « Toute publicité de produits pharmaceutiques ou produits de la médecine traditionnelle est interdite auprès du grand public sous réserve de l’obtention du visa délivré par le ministre en charge de la santé. Le visa peut être suspendu en cas de publicité mensongère ou trompeuse. Les conditions de délivrance du visa sont précisées par voie réglementaire. Par conséquent la réglementation s’étend aux produits de la médecine traditionnelle.

Il faut signaler que la loi n’a pas interdit la publicité des produits pharmaceutiques ou de la médecine traditionnelle (c’est d’ailleurs le rôle des délégués médicaux) ; ce qui est interdit, c’est la publicité auprès du grand public, qui est soumise à l’obtention d’un visa délivré (par le ministère de la Santé) pour produit. Le ministère peut donc autoriser la publicité d’un produit, sur la base d’un certain nombre de motivations précises.

Que renferme la notion de « publicité » ?

L’article 2 de la loi 080-2015/CNT portant réglementation de la publicité au Burkina Faso dit que constitue une opération de publicité, toute inscription, forme, image ou son destinés à informer le public ou à attirer son attention sur une marque, un produit ou un service ; tout dispositif dont le principal objet est de recevoir lesdites inscriptions, formes, images ou son. C’est aussi toute exposition publique à but publicitaire.

Donc, dès que vous passez dans un média et vous attirez l’attention du public sur un produit, le produit est identifié (vous vantez ses mérites) et vous indiquez là où on peut le trouver, c’est une forme de publicité. C’est ce que font certains tradi-praticiens dans les médias.

Parlant de ces cas, nous avons une affaire qui fait bruit, concernant Wendlarima Hermann Sawadogo, qui aurait maille à partir avec l’Ordre des médecins, et des médias seraient également interpellés pour la publicité de ses produits. Pouvez-vous nous en dire davantage sur cette affaire ?

Effectivement, l’Ordre des médecins a porté une plainte devant le CSC, qui l’a traité et a auditionné les médias par lesquels monsieur Wendlarima Hermann Sawadogo (je dis bien monsieur, puisqu’il reconnaît qu’il n’est pas pasteur, que ce sont les gens qui l’appellent ainsi) est passé. Quand nous avons analysé le contenu des émissions incriminées, nous nous sommes rendu compte que M. Sawadogo présente son centre de santé, fait la promotion de ses produits et a un dépôt pharmaceutique. Il fait d’abord la promotion de la médecine traditionnelle, qui est réglementée, soumise à l’obtention d’un visa.

Ensuite, il fait la publicité d’un centre de santé, qui reçoit des malades ; ce qui est interdit. On ne fait pas la publicité d’un centre de santé (ce qui fait que vous ne verrez pas la publicité d’une clinique). Il fait en outre la publicité d’une officine pharmaceutique (c’est dans le même ordre que vous n’aurez pas la publicité d’une pharmacie). Voyez-vous, à lui seul, il cumule plusieurs infractions : publicité de la médecine traditionnelle, publicité d’un établissement sanitaire, publicité d’une officine pharmaceutique, exercice illégal de la médecine traditionnelle, usurpation de titres de professeur et de chercheur.

Avez-vous parlé au mis en cause ?

En réalité, le CSC n’a pas affaire au mis en cause, il a affaire aux médias qui ont diffusé des publicités interdites ou règlementées. Mais il faut souligner que depuis 2016, Wendlarima Hermann Sawadogo passe dans les médias, en évitant ceux qui ont été interpellés par ce fait. Donc, quand un média est interpellé et qu’il lui refuse désormais de diffuser ces émissions publicitaires, il part voir un autre. Il se présente comme un spécialiste, qu’il reçoit des étudiants de la première à la septième année (ce qui est démenti par l’Université) …, ainsi de suite.

Comme il présente de faux papiers, dans ses émissions il dit que lui, il enseigne à l’ENSP (Ecole nationale de santé publique), qu’il a telle ou telle autre autorisation en la matière. Quand il part vers les médias, il brandit tout cela. Même le titre de pasteur, il a avoué devant le président du CSC qu’il ne l’est pas, que ce sont les gens qui l’appellent ainsi. Donc, dans sa démarche pédagogique, le CSC avait décidé de s’entretenir avec l’intéressé, lui-même. Nous lui avons dit que comme son activité est réglementée et qu’il passe régulièrement dans les médias, il doit se conformer à la loi. Il avait donc promis qu’il allait arrêter. C’était vraiment dans le cadre d’une démarche pédagogique et de sensibilisation du CSC.

Votre interpellation de Wendlarima Hermann Sawadogo date de quand ?

C’était en fin 2019.

A quel moment l’Ordre des médecins a saisi le CSC ?

L’ordre des médecins a saisi le CSC le 1erseptembre 2020.

On remarque qu’il n’est pas le seul à procéder ainsi via les médias !

Effectivement, on a l’impression que les médias interpellés récidivent. Ce sont les mêmes qui acceptent de recevoir d’autres tradi-praticiens. On a l’impression que ce sont des médias qui ont délibérément choisi d’aller contre la loi régissant l’activité publicitaire au Burkina Faso.

C’est dire donc que le CSC doit renforcer la communication sur la question en direction des médias !

Je dirais plutôt qu’il faut passer aux sanctions pour les dissuader à ne plus recommencer. Nous avons entendu plusieurs fois des médias, nous les avons interpellés, fait des mises en demeure, passé des communiqués de presse pour rappeler les règles. Cette année, nous avons fait passer des communiqués de presse plusieurs fois. Pour dire donc que tant qu’on se limite à la démarche pédagogique, des médias vont toujours récidiver, au détriment des populations notamment les malades.

Une personne malade est une personne vulnérable qu’il faut forcement protéger. Dans le cas de Wendlarima Hermann Sawadogo, on a l’impression qu’il a bien orchestré son affaire ; il trouve des gens pour faire des témoignages en disant qu’ils avaient telle ou telle maladie et qu’ils ont trouvé la guérison auprès de celui-ci, qu’ils n’ont plus recours aux produits de la médecine moderne, etc.

Outre ce domaine lié à la santé, y a-t-il d’autres domaines dans lesquels des médias doivent se conformer ?

Nous avons par exemple le domaine de l’alcool ; en dessous de 10% du taux d’alcool, on peut faire la publicité, mais au-delà, la publicité est interdite. Nous avons épinglé des médias dans ce sens également. Il y en a qui ont diffusé des publicités de vin, de caves à vins, etc. Nous avons également le cas des produits éclaircissants dont la publicité est totalement interdite. Pour les produits cosmétiques, leur publicité est réglementée, elle est soumise à un visa du ministère de la Santé. Pour le moment, nous n’avons pas encore épinglé de média qui a diffusé une publicité de produits éclaircissants, parce que ça pose un problème d’interprétation.

On a vu des produits cosmétiques qui, pour certains sont éclaircissants, et d’autres non ; parce que disent-ils que pour les produits éclaircissants, il y a une mention spéciale qui est portée sur l’emballage. Donc, il y a des réflexions plus profondes à mener à ce niveau. Il y a également la publicité du tabac, des armes à feu et des munitions qui est interdite. Enfin, il faut noter que la publicité des établissements d’enseignements est également soumise à l’obtention préalable d’un visa délivré par les ministres de tutelle technique.

Quelles sont les difficultés auxquelles vous faites face dans la réglementation de façon générale ?

C’est le risque d’être mal compris. Vous avez des gens qui pensent que c’est utile de connaître la meilleure clinique de Ouagadougou pour que dès qu’ils tombent malades, ils s’y rendent. D’autres aimeraient connaître le bon tradi-praticien. Il y en a qui pensent que nous sommes contre la médecine traditionnelle ; alors que non, c’est simplement qu’on demande le respect de la réglementation en la matière, car les raisons qui ont amené le législateur à légiférer sont très valables.

Quel message avez-vous à l’endroit des médias à ce sujet ?

C’est de les inviter au strict respect de la réglementation en vigueur en matière de publicité, notamment de la loi 080-2015/CNT portant réglementation de la publicité au Burkina Faso. Désormais, tout contrevenant se verra appliquer les sanctions prévues en la matière ; parce que le CSC a suffisamment pris du temps pour sensibiliser, rappeler au respect des textes en vigueur, mais on se rend compte que certains ont délibérément décidé de violer la loi.

Entretien réalisé par Oumar L. Ouédraogo
Lefaso.net

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