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Burkina Faso : Le slameur Jovin Hien encourage à mettre la diversité culturelle au service de l’unité nationale

Publié le vendredi 21 août 2020 à 15h25min

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Burkina Faso : Le slameur Jovin Hien encourage à mettre la diversité culturelle au service de l’unité nationale

Depuis un moment, le vivre-ensemble au Burkina Faso n’est plus au beau fixe. De récents faits ont montré un repli identitaire qui s’est cristallisé peu à peu en négation de l’autre, voire en négation de la diversité culturelle et ethnique. Dans le but de contribuer à éloigner le pays des Hommes intègres du spectre rwandais, le slameur, Jovin Hien, étudiant en master II de philosophie à l’Université Joseph Ki-Zerbo de Ouagadougou, attache une attention particulière à tout ce qui touche à la vie de son pays, à travers le slam. Par cette interview qu’il nous a accordé ce jeudi 20 août 2020 à Ouagadougou, cet artiste magnifie, sous fond d’invite au peuple burkinabè, la diversité culturelle qui doit, encourage-t-il, être au service de l’unité nationale. « Nos différences au Faso sont une chance », lance Jovin Hien à travers ce texte ci-dessous.

Lefaso.net : D’où vous est venue l’idée de faire le slam ?

Jovin Hien : Mon rêve de slamer remonte au petit séminaire Saint Tarsicius de Diébougou (région du sud-ouest) sous les formes de la poésie. Très vite passionné par la poésie grâce aux chapitres de versification et de figures de style étudiées en classe, je pris goût à la lecture des grands classiques poétiques français. Je compris après qu’on pouvait les réadapter à notre style de vie, pour les rendre plus intéressants. Dès lors, ce rêve a commencé à devenir réalité. Aussi, aidé par l’écoute des slameurs et rappeurs contemporains français, tels Fabien Maraud dit Grand Corps Malade, Yousoufa, Bouba, etc. En plus de cela, la musique, et plus précisément le jeu de guitare et de piano, constitue mon passe-temps favori.

Comment arrivez-vous à concilier slam et études philosophiques ?

Il ne faut pas se leurrer, ce n’est pas chose aisée que de concilier les études philosophiques et la pratique du slam. A mes débuts, naturellement, les études ont subi un coup dur. Le slam est une maîtresse très possessive. Pourtant, il n’en est pas autrement de l’étude de la philosophie qui se veut aussi exclusive. Alors, vous comprenez que dans ces conditions, l’adaptation ne peut que s’opérer au quotidien, au prix de multiples efforts, de discipline et d’organisation. Aujourd’hui, je puis dire que les choses se sont relativement stabilisées. Mais quand on s’impose une certaine discipline de vie, on en vient à bout.

Qu’est-ce qui justifie le choix du thème « diversité culturelle au service de l’unité nationale » ?

Le choix porté sur le thème de la diversité culturelle au service de l’unité nationale n’est pas du tout anodin. Il tire sa source d’inspiration de la situation de crise identitaire et sanitaire que le Burkina Faso traverse. C’est donc répondant à l’appel d’un devoir citoyen collectif, que j’apporte ma contribution à la résolution du problème. Et j’espère du fond de mon âme que mes vers auront du sens à vos cinq sens et opéreront ainsi le changement social tant attendu.

Avez-vous déjà participé aux concours de slam au niveau national ?

Il m’est arrivé parfois de participer à des concours de slam dans le cadre du séminaire (grand séminaire saint Pierre-Paul de kossoghin), mais jusqu’alors, je n’ai pris part à aucune compétition d’envergure nationale en l’espèce. Cela est peut-être dû à mes occupations estudiantines et à mes passions musicales qui ne me laissent aucun répit. Jusqu’à présent, je pratique un slam de plaisance, juste pour la distraction et l’ambiance. Ce qui n’exclut toutefois pas la possibilité d’en faire à l’avenir un métier, dans la mesure où des opportunités nouvelles pourraient s’offrir.

Comment définissez-vous le slam ?

En ce qui me concerne, le slam peut être défini comme l’art de plaire ou de guérir à travers la rime et le rythme. En substance, le slam est pour moi, une thérapie de l’âme.

Comment parvenez-vous à composer vos textes ?

Le secret, s’il en est un, pour composer mes textes, c’est de transcrire la vie ordinaire en parole ; laissant ainsi parler mes sentiments et mes sensibilités. Cela implique d’être un fin observateur de l’homme et de sa vie. Il ne sera pas superflu de souligner que je tire le plus clair de mon inspiration sur des notes de guitare ou de piano, sans oublier la solitude au milieu de la nuit ; parce que j’aime lire tard dans la nuit.

Est-ce qu’on peut dire que le slam nourrit son homme ?

Sous d’autres cieux, le slam peut bel et bien nourrir son homme, au regard des facilités d’investissement et de financement en la matière. Mais dans un pays comme le Burkina où prévaut encore la lutte pour la survie, le slam peut facilement passer pour un luxe. Et dans ce cas, il pourrait avoir du mal à nourrir son homme, encore qu’il s’agit d’un art très peu connu du public, et par conséquent, délaissé par les investisseurs dans l’univers du show-biz.

Qu’avez-vous comme message pour les Burkinabè ?

Si j’ai un message qui me tient à cœur à l’endroit de tous les Burkinabè en ce moment, c’est de les inviter à marcher individuellement et collectivement vers la réconciliation nationale, la cohésion et la paix sociale par le biais de l’acceptation de l’autre et la tolérance de la différence. Ce n’est qu’à ce prix que nous pourrons œuvrer ensemble et efficacement à l’édification d’un Burkina meilleur.

Nous vous proposons en encadré (bas de page), une composition de l’artiste.

Interview réalisée par Dofinitta Augustin Khan(stagiaire)
Lefaso.net


Slam : au terminus ?
Comme l’eau qui coule, le temps s’écoule,
Et déroule dans son cours l’histoire qui moule
Les évènements dont l’espoir du Faso découle.
C’était hier, notre vivre-ensemble prenait le bus,
laissant sur les pages de nos mémoires une belle histoire ;
Mais aujourd’hui, tout semble prédire le terminus,
Il suffit de se voir au miroir pour y croire !
Le bus poursuit toujours le cours de son parcours,
Mais de nos jours, la vie n’est plus dans ses beaux jours
Car la haine nous a joué des tours, rien qu’au carrefour,
Elle a tué l’amour, changeant ainsi notre car en four !

Quand je pense que le meilleur s’envole ailleurs,
Ça me fout une de ces trouilles.
Mais quand je vois les heures passer au rétroviseur,
Une douce nostalgie me chatouille ;
Nostalgie de ces heures de chaleur et de bonheur
Partagées comme frères et sœurs de mêmes mère et père ;
Nostalgie de ces cœurs battant en chœur sans rancœur
Au rythme de cultures qui diffèrent, mais qui tolèrent et coopèrent.
Notre vivre-ensemble était comme un théâtre de tact
Et le dénouement, c’était qu’il soit drôle.
Nous étions les acteurs des différents actes,
Et chacun devait jouer son rôle ;
Et si jamais quelqu’un perdait le contrôle,
C’est que nous avions tous échoué : tel était pacte
C’est peut-être beau, peut-être sympa, quand on te raconte.
Mais il y eut des hauts et des bas, faut que tu te rendes compte.
Le tissu social s’est parfois rompu, mettant la haine à nu
Au vu et au su de tous, mais combien ne se sont-ils pas tu ?
Mais face à ceux qui ont sorti de terre la hache de guerre
Pour faire de notre patrie-mère un gros point noir sur Terre
Autant que nous sommes, nous devons nous unir d’abord
Pour clamer comme un seul homme « la patrie ou la mort » !,
Oui ! Conjuguer à l’imparfait nos différends serait parfait,
et si vous voulez mon avis en effet, ce serait plus que parfait !
Bref ! Juste pour que tu te rappelles que même le miel
Recèle dans son ventre un arrière-goût de fiel,
Sans oublier qu’avant que naisse un arc-en-ciel
avec tout son charme de lueurs et de couleurs,
Il faut auparavant que sa mère le ciel
Pleure de grosses larmes de douleurs !
Cet arc-en-ciel, je vois son image déjà éclore
Comme l’éclat de la lune, sur le grand album céleste.
Mais non ! Ce n’est pas juste une métaphore,
C’est notre vie commune, personne n’étant en reste.
Son identité c’est Fraternité et sa nationalité Solidarité
Car Burkinabè = Unité + Diversité, c’est ça la réalité !
Alors, s’il fallait redéfinir le vivre en commun, au Burkina
Je dirais sans réfléchir que c’est vivre comme un, croyez-moi !
Oui ! Notre vivre-ensemble est comme un théâtre de tact
Et le dénouement, c’est qu’il soit drôle.
Nous sommes les acteurs des différents actes,
Et chacun doit jouer son rôle ;
Et si jamais quelqu’un perd le contrôle,
C’est que nous avons tous échoué : tel est notre pacte.
Chaque matin, entre ma couche et la douche,
j’échange avec le vent quelques confidences.
Il n’a pas d’encre à la bouche, j’avoue que c’est louche
Mais il m’écrit à l’oral ses correspondances.
Avec lui, j’ai appris comme par hasard,
que nos différences au Faso sont une chance.
Mais je ne l’ai compris que quand plus tard,
Une chorale d’oiseaux tira de son sommeil le silence.
C’est ainsi qu’entre différents et différends, j’ai pris conscience
Qu’il n’y a pas qu’une différence de sens mais d’essence !
Alors je me suis dit que de nos concerts historiques,
Chaque Burkinabè aussi pourrait être une note tonique.
Et pour chanter nos partitions, pas besoin d’être identique
selon sa position, chacun peut y joindre sa voix ethnique
Mais à condition que Fraternité harmonise la musique,
Et quant au chef d’orchestre, que Solidarité reste l’unique !
Notre vivre-ensemble est comme un théâtre de tact
Et le dénouement, c’est qu’il soit drôle.
Nous sommes les acteurs des différents actes,
Et chacun doit jouer son rôle ;
Et si jamais quelqu’un perd le contrôle,
C’est que nous avons tous échoué : tel est notre pacte.
Oui ! Notre théâtre dans le bus devenait drôle de plus en plus
Ne précipitons donc pas le terminus au beau milieu du cursus
Car là est en train de se jouer le théâtre de notre destinée
Et chaque Burkinabé doit improviser sur la scène de notre unité
A l’ascenseur du slam, je sens monter à forte dose
En même temps que ma flamme mon inspiration !
Mais attention ! Faut que je fasse une petite pause
Question de reprendre mon souffle et ma respiration !

jovinhien@gmail.com
jovinho.hien@yahoo.fr

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