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La SOTRACO minée par des intérêts contraires

Publié le mercredi 28 septembre 2005 à 08h28min

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Les jours de la SOTRACO sont-ils comptés ? s’était interrogé L’Observateur Paalga dans sa livraison du vendredi 09 septembre. En effet, selon notre confrère, la société de transport serait l’objet d’intrigues dont l’enjeu tournerait autour du poste de la directrice générale Mme Damiba Honorine.

Alors que l’on avait presque vendu sa peau, le conseil d’administration tenu le 15 septembre dernier n’a pas cru devoir remettre en cause son mandat.

La nouvelle s’était répandue comme une traînée de poudre. Mme Damiba Honorine, celle que l’on présente comme la dame de fer du secteur du transport, " mangée " par des requins de son conseil d’administration. Le fait en soi n’a rien d’extraordinaire si le mobile ne choquait pas par son caractère grossier.

Quand on connaît l’histoire de cette boîte dont nous sommes à la troisième tentative de sauvetage, on ne peut que s’inquiéter de ce climat de défiance qui empoisonne les rapports entre partenaires. Après un moment de flottement autour des problèmes réels ou supposés qui échauffent les esprits dans la boîte, l’interview accordée à notre confrère Le Pays par le délégué du personnel de la SOTRACO, M. Luc Mano apporte un début d’explication publique à ce qui n’était alors que le fait d’acteurs de l’ombre.

Que reproche-t-on à la directrice générale ?

Dans les griefs qui sont reprochés à Mme Damiba, M. Luc Mano énonce : les 5 bus offerts par la commune qui ont englouti déjà 8 millions sans pouvoir générer quelque chose en retour, l’octroi d’un prêt de 250 millions pour l’acquisition de 20 bus, l’achat au comptant de 10 ordinateurs à hauteur de 10 millions de FCFA, le remplacement de son véhicule de fonction par une BMW plus coûteuse, l’application des services coupures au moment où le parc était éprouvé, la scission en deux de la ligne 2B allant de la place Naaba Koom à la trame d’accueil des déguerpis de Ouaga du projet ZACA, entraînant une baisse du taux de remplissage, passant de 67% à 30% et " modifiant de façon spontanée les habitudes de consommation de la clientèle."

Partant de ces griefs déjà colportés par Ouaga-la rumeur, quelque temps avant la tenue du conseil d’administration, certains avaient déjà mis à prix la tête de la directrice générale dont ils attendaient l’éviction avant septembre. Sa reconduction tacite amène à penser que ces griefs ont été jugés bien légers par les administrateurs qui, plus que quiconque, paraissent bien placés pour en connaître l’exacte mesure. Les dépenses qui sont par exemple reprochées à Mme Damiba, en particulier celles afférentes aux 5 bus offerts par la commune, l’acquisition des 20 bus, l’achat des 10 ordinateurs, ainsi que le véhicule de fonction BMW auraient été décidées en conseil d’administration.

C’est le même conseil d’administration qui aurait donné le feu vert pour le prêt de 250 millions octroyé par un des actionnaires à un taux de 9% (qui dit mieux !) pour l’acquisition de 20 bus d’occasion. Sur la pertinence du choix des bus d’occasion, les avis n’étaient pas unanimes, mais avec cette somme, on n’aurait pas pu avoir plus de deux bus neufs. Il fallait donc faire un choix face à la demande. Le problème, c’est que des 20 bus commandés et payés, 6 n’ont pas été livrés. Les travailleurs ont là-dessus certes le droit de savoir ce qu’il est advenu de ces bus ou à tout le moins ce qui s’est passé exactement. Mais si l’information n’est pas donnée, ils ne doivent pas se gêner pour la réclamer à qui de droit. On voit mal cependant comment ce fait peut constituer l’objet d’un différend, à moins qu’on ait la preuve que l’argent a été dissipé.

Quand aux autres éléments qui touchent à l’exploitation du réseau (pause au niveau des terminus, scission en deux de la ligne 2B), ce sont des options qui sont faites à partir de paramètres données, qui prennent en compte divers facteurs tels que la rentabilité ou la capacité de résistance des machines, toutes choses que la clientèle n’intègre pas forcément dans son analyse. On explique par exemple les pauses terminus par la nécessité de faire rouler moins de bus à certaines heures de fluidité au niveau du transport. Cette stratégie aurait permis d’économiser plus de 1000 litres de gaz oil par semaine. A un moment où le prix du carburant est constamment en hausse, ce n’est pas rien.

Le fractionnement de la ligne 2B s’expliquerait aussi par la longueur du trajet qui fait 14 km. En le coupant en deux, on dégage deux tronçons de 7 km chacun, ce qui est la moyenne actuelle en matière de longueur de ligne. Ce procédé permet de protéger les machines, sans compter qu’en terme de rentabilité, la société gagne, puisqu’il faut désormais deux tickets pour parcourir les deux tronçons alors qu’avec un seul ticket, on faisait les14 km. C’est un choix de gestion qui ne peut être contraire aux intérêts de l’entreprise, ni même à ceux des usagers, si tant est que la viabilité économique, condition de la pérennité du service public, est le souci de tous.

Evidemment, les administrateurs réunis en conseil le 15 septembre ont bien vu que le catalogue de griefs faits à la direction de SOTRACO sont bien loin des préoccupations de survie de la société. Celles-ci touchent notamment à la question des avantages et aux exonérations portant sur la TVA du chiffre d’affaires, les droits de douane sur les pièces de rechange, le tarif spécial sur le carburant et les lubrifiants et la revalorisation du prix du ticket.

Les dessous de la cabale

Notre confrère L’Observateur Paalga qui a levé le lièvre avait parlé d’un négociant belge. Nos propres investigations nous ont mis sur la piste de ce personnage qui aurait adressé une note au ministre délégué Patrice Nikièma dans laquelle il se plaignait des méthodes de gestion de la dame Damiba. L’homme aurait eu maille à partir avec la dame dans deux affaires au moins où elle n’a pas marchandé les intérêts de sa société. Dans la perspective du marché des 100 bus, la présence de Madame Damiba à la tête de la SOTRACO ruinerait les espoirs de certains de faire de juteuses affaires, tant la pratique des ristournes s’est solidement ancrée dans les milieux du négoce international.

Les enveloppes, c’est intéressant pour ceux qui en bénéficient, mais ça l’est moins pour les intérêts de l’entreprise. Dans les différentes commandes de bus, la première vague des 30 ainsi que la dernière en date, il y a une forte odeur de ristourne derrière chaque offre. C’est un milieu où se tissent de solides liens occultes, sur la base d’intérêts et de gros sous et où très souvent sont tapis dans l’ombre des acteurs tirant les ficelles. La dame Damiba a dû s’en mêler les pieds dans cette toile parce qu’elle n’aura pas su ou parce qu’elle n’aura pas voulu aller dans le sens de la marche.

Il est à craindre que le retard pris pour la livraison des six bus du lot des vingt ne soit lié à l’action de ces forces occultes. Il faut dire par ailleurs que certains acteurs au plan interne qui doivent estimer que Madame leur est redevable attendaient d’elle le retour d’ascenseur qui tardait à venir. Las d’attendre, certains auraient donc juré sa perte. Cette affaire n’est donc pas un banal conflit de vision opposant des travailleurs à leur direction. Il s’agit malheureusement d’une coalition d’intérêts privés, voire même individualistes dont la prospérité n’augure rien de bon pour l’avenir de la SOTRACO.

L’affaire est tellement nauséabonde au point que le conseil d’administration a enjoint ses membres de ne pas en parler à la presse. Nous en avons fait les frais à la suite de nos confrères du journal Le Pays, lorsque nous avons rendu visite à la directrice générale, le vendredi 16 septembre. Quand le débat est dans la rue, il ne sert plus à rien de jouer à ce jeu. Une telle attitude a seulement l’avantage de nourrir la suspicion et donc de crédibiliser la rumeur.

Germain B. Nama


Quand l’Etat se fait attendre à l’arrêt ...

La Société de transport en commun de Ouagadougou (SOTRACO) traverse une période difficile. Des vents forts et contraires soufflent sur la société. Ces vents n’ont pas encore atteint la magnitude de l’ouragan Katrina qui a dévasté l’Etat américain de la Louisiane mais, leurs secousses ne sont pas non plus moindres. Comme Katrina, on voyait la catastrophe venir mais, on n’a rien fait. Les difficultés de la Sotraco ne sont donc pas nouvelles.

Elles se sont simplement amplifiées avec le temps. A vrai dire, la société souffre d’une infirmité de naissance. Parc d’autobus très limité, un garage indigent en personnel et en pièces de rechange, un taux de remplissage des bus de l’ordre de 2% pendant les deux premiers mois de l’exploitation, des mesures d’accompagnement non mises en oeuvre par l’Etat, etc. Tout cela grève le fonctionnement de la société qui pourtant, doit remplir une des importantes missions de service public dans une grande ville comme Ouagadougou.

Créée le 24 juillet 2003, la Sotraco a démarré effectivement ses activités le 7 novembre de la même année. La naissance de cette société vient combler un vide dans le secteur du transport urbain collectif. En effet, la SOTRAO (Société de transport en commun Alpha et Oméga), une société privée qui a vu le jour en 1996 après la liquidation de la première compagnie de transport en commun du Burkina, la RNTC X9 créée en 1984, a fermé ses portes en 2000. Pendant trois ans, Ouagadougou était donc sans bus, compliquant davantage les problèmes de mobilité et de déplacement des populations de la ville.

Tenant compte de cette réalité, l’Etat a appuyé des opérateurs privés pour mettre sur pieds la Sotraco. Les appuis de l’Etat ont été de deux ordres. Dans un premier temps, il a mis à la disposition de la Sotraco un siège administratif et commercial constitué des anciens locaux de l’ex Centre régional de télédétection de Ouagadougou (CRTO) situé à Somgandé, un parc de 30 autobus neufs et de 5 autobus d’occasion de marque Volvo d’une capacité de 80 places chacun et un lot de pièces de rechange pour les premiers entretiens et réparations, un garage central de maintenance.

L’acquisition des 30 premiers bus et de pièces de rechange a été possible grâce à l’aide financière de la Belgique sous forme de prêt sans intérêt d’un montant d’environ 4 milliards de Fcfa. Dans un second temps, compte tenu de la mission de service public assignée à la Sotraco, l’Etat et la commune de Ouagadougou se sont engagés à prendre un certain nombre de mesures exceptionnelles en sa faveur. Ces mesures vont des avantages fiscaux et financiers à l’assainissement du sous secteur des taxis en passant par la réalisation d’investissements liés à l’adaptation et à la réhabilitation des routes.

De tous ces engagements, ceux relatifs aux avantages fiscaux et financiers étaient les plus attendus par la nouvelle société. Mais elle va déchanter car, jusqu’au dernier conseil d’administration tenu le 15 septembre dernier, seule l’exonération du payement de la taxe communale de stationnement était effective. Pendant donc les deux ans de fonctionnement, la Sotraco ne bénéficiait pas comme il était prévu, de l’exonération du payement de la TVA sur chiffre d’affaires, de l’exonération du payement des droits de douane sur les pneumatiques.

Elle n’a pas non plus bénéficié d’un tarif spécial pour le carburant et les lubrifiants. Le non respect de tous ces engagements conjugué à la baisse du prix des ticket de 200 à 100f à partir de décembre 2003 a considérablement grevé les recettes de la Société. En fin d’exercice 2004, elle a enregistré une perte nette de 775 570 594 Fcfa. Sur chaque passager, c’est 110 Fcfa de manque à gagner.

Cela résulte du décalage entre le prix du ticket de base qui est de 100 Fcfa et le coût de revient d’un voyageur transporté, qui est de 182, 83 Fcfa. Il faut souligner que le niveau actuel de la tarification est exactement celui de la régie X9 il y a 20 ans, alors que le prix du carburant a dû être multiplié par 3 depuis lors. Sans compter que la dévaluation du Fcfa de 1994 a renchéri considérablement les prix des bus et des pièces de rechange.

Des faiblesses à plusieurs niveaux

Le parc mis en exploitation est très insuffisant. En 2004, il n’ y avait que 30 bus pour desservir 6 lignes. Cette insuffisance n’a pas permis d’affecter plus de 4 bus sur chacune des lignes principales. Ce qui entraîne des temps d’attente très longs et des surcharges aux heures de pointe. L’étude de faisabilité prévoyait 50 bus pour 5 lignes. A la date d’aujourd’hui, la société dispose de 44 bus en état de fonctionnement. Il ne permet de couvrir que 30% du territoire communal.

L’exercice 2004 a enregistré plusieurs pannes de bus qui ont souvent conduit à des immobilisations prolongées. Les cas d’immobilisation prolongée pour cause de panne ont été liés soit à la gravité de la panne soit à la non disponibilité des pièces de rechange sur le marché local. Sur le marché international, la société éprouve également d’énormes difficultés pour l’acquisition de ces pièces du fait de leur coût élevé et du délai de livraison.

Polémique autour des bus

Au départ, la Sotraco a reçu de l’Etat 30 bus neufs pour démarrer. Par la suite, elle bénéficiera de 5 autres bus. Ces bus de marque Volvo ont été remis à la mairie de Ouagadougou, actionnaire à hauteur de 15% dans la société, pour les rétrocéder à la Sotraco. Seulement, ces cinq bus qui sont de seconde main n’ont pas tenu longtemps. Ils sont sur cale faute de pièces de rechange. La société a pris elle-même l’initiative de commander 20 bus.

La commande a été lancée en décembre 2004 grâce à un prêt octroyé par un des actionnaires, à savoir la BCB (Banque commerciale du Burkina). Les 20 bus devraient être livrés par lot avant un délai de six mois. Le premier lot est arrivé en février et en juin 2005, tous les 20 bus devraient en principe être au Burkina. Mais, ça n’a pas été le cas puisque 6 sont toujours en attente de livraison. Pourquoi ce retard ?

Selon la directrice Mme Honorine Damiba, c’est " un incident commercial qui peut arriver à toute entreprise". Mis à part cet " incident commercial ", il y a cette polémique concernant 100 bus qu’elle aurait commandés mais dont la livraison serait bloquée à cause de ristournes non payées à l’intermédiaire et aux agents du ministère des Infrastructures, des Transports et de l’Urbanisme.

Selon la directrice, la commande de 100 bus est un projet de l’Etat qui n’implique pas directement sa société. Elle se dit surprise par ces allégations car, le projet des 100 bus n’est même pas bouclé. Le gouvernement étant toujours en négociation avec les Pays-Bas, le partenaire en question. Elle reconnaît par contre appliquer une gestion austère qui consiste à réduire drastiquement les charges de fonctionnement. C’est ce qui a conduit à réduire le trafic les dimanches et les jours fériés

Idrissa Barry

L’Evénement

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