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Protection des consommateurs : "Que chacun joue sa partition !"

Publié le lundi 26 septembre 2005 à 06h44min

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Daniel Da Hien

L’année 2005 a été marquée par l’enquête parlementaire sur les produits de
grande consommation, la fermeture de certains huileries artisanales ainsi
que par le lancement d’une campagne nationale d’information des
consommateurs organisée par les trois associations (LCB, OCB, ACB) sous
l’égide de l’UEMOA. Avec Daniel Da Hien, vice-président de la Ligue des
consommateurs du Burkina, nous avons voulu avoir le point de vue des
consommateurs sur ces événements.

"Le Pays" : Quel est l’état de la consommation au Burkina Faso, du point de
vue des associations ?

D’entrée de jeu, je dirai que la consommation se porte très mal. Des
consommateurs sont nombreux à ignorer leurs droits fondamentaux. Il y en a
qui ne connaissent même pas un seul des 8 droits reconnus par les Nations
unies sous le nom de Principes directeurs de la protection des
consommateurs (PDPC).
Cela pourrait s’expliquer par le fait que les organismes en charge de la
protection des consommateurs manquent de moyens ou de volonté politique.
Il y a aussi que les responsables de ces structures n’ont pas toujours les
mains libres pour agir.

Vous avez des exemples ?

Les longues files d’attente devant certains services publics, le fait qu’il faut
soudoyer quelqu’un pour être servi, les médicaments de rue qui circulent en
toute impunité depuis des années, sont autant de dysfonctionnements qui
desservent les intérêts des consommateurs. Il y a du travail à faire auprès des
prestataires de services, des producteurs de biens et également auprès des
consommateurs pour faire bouger qualitativement la situation.

Cette année, il y a eu deux événements majeurs : le rapport parlementaire
sur les produits de grande consommation et la fermeture de certaines
huileries artisanales par le ministère du Commerce. C’est un signe que ça
bouge non ?

L’enquête parlementaire n’est pas tombée du ciel. C’est le résultat d’un
plaidoyer mené depuis de longue date par la Ligue des consommateurs du
Burkina (LCB). La représentation nationale, fort heureusement, a été très
attentive à la question. C’est une première. Et nous sommes heureux que les
préoccupations des consommateurs aient été prises en compte. Une enquête
a été menée et les résultats sont disponibles aujourd’hui.
Nous sommes satisfaits des résultats parce qu’ils correspondent à ceux que
nous avons trouvés également sur le terrain.

C’est donc une confirmation de ce dont la Ligue disposait déjà comme
informations ?

Oui, c’est cela. Mais ici, le fait que ce soit l’Assemblée nationale qui le dit est
très important.
Ce qui nous paraît intéressant c’est que l’enquête a donné des détails. Des
entreprises qui se croyaient intouchables ont été épinglées.
Les députés ont confirmé qu’on mange très mal au Burkina. Vous
constaterez qu’à 50%, les maladies qui frappent le Burkina sont liées à
l’alimentation. Cela veut dire qu’aujourd’hui, le Burkinabè n’est plus aussi
solide qu’il y a 50 ans. On croit vivre dans la modernité, consommer des
produits à la hauteur de son pouvoir d’achat, mais on s’empoisonne.

Dans ce contexte, comment sécuriser le consommateur ? Le rapport est clair.
Il faut maintenant agir.

Il faut éviter la confusion sur le travail des parlementaires. Nous sommes
dans une République jusqu’à preuve du contraire. Il y a un Pouvoir exécutif
qui est chargé de mettre en oeuvre un programme pour lequel il a été élu. Le
Législatif est chargé de légiférer pour permettre une bonne exécution de ce
programme. Le Pouvoir judiciaire est chargé de faire respecter la loi et de
réprimer les contrevenants. Nous les associations, avec la presse, ne
pouvons que dénoncer, attirer l’attention sur les manquements, lever le lièvre.
Une fois notre part de boulot effectuée, nous observons le gouvernement et le
Judiciaire. Eux détiennent les leviers de la force publique pour faire respecter
les textes.
Les sociétés épinglées par le rapport doivent se conformer à la loi. Ce sont
des contrevenants aux textes réglementaires.
L’Administration burkinabè est réglementée. Les constats faits dans le
rapport doivent être transmis à l’Exécutif pour agir, sinon cela n’aura servi à
rien.
S’il y a des moyens qui manquent pour agir, les députés sont bien placés
pour voter ces moyens-là au profit de l’Exécutif.

Il y a urgence, notamment au niveau de certaines eaux dites minérales.

Ce sont des actes criminels qui ont été recensés. Je crois que le Procureur
du Faso doit entrer en scène. La presse s’en est fait l’écho et tout le monde se
tourne vers les associations. Nous avons fait notre part de travail en
dénonçant ; que les autres fassent la leur. Les députés ont fait leur part de
boulot avec des experts en appui ; que l’Exécutif et le Judiciaire en tirent les
conséquences.
Le ministre du Commerce a une inspection générale chargée du contrôle. Il
en existe au ministère de la Santé, de l’Agriculture, même le bâtiment a un
laboratoire de contrôle. D’où vient alors qu’on soit si mal protégé ? Chaque
maillon doit effectivement jouer son rôle.
On nous vend de l’eau de puits à la place de l’eau minérale. C’est de la
tromperie sur marchandise. Imaginez le nombre de bébés auxquels on a fait
boire ces eaux dites minérales et cela n’émeut personne. C’est de
l’empoisonnement dans certains cas.

S’il est vrai que le rapport interpelle la justice et l’exécutif, ne les
consommateurs ne sont-ils pas les premiers à être interpellés ?

Tout à fait. Mais il y a d’abord ceux qui sont en charge de la gestion de la cité.
Cela dit, le consommateur doit s’informer et bien s’informer dans ses actes
quotidiens afin de se protéger. C’est le travail également des associations de
défense des consommateurs, de puiser les informations essentielles dans le
rapport et d’en informer largement le public.
Actuellement, (le 19 septembre) nous avons réuni une soixantaine de
membres pour une formation à la protection des consommateurs. Cette action
se tient dans le cadre du Programme qualité de l’UEMOA, financé par l’Union
européenne et exécuté par l’ONUDI. Mais elle pourrait être une des suites
que les associations vont réserver au rapport parlementaire. Il faut des
émissions et des débats pour sensibiliser tout le monde. Peut-être que dans
le lot des entreprises épinglées, il y a en qui ignoraient les dangers qu’elles
faisaient courir aux consommateurs.

Justement, trois associations de défense de consommateurs ont initié une
campagne nationale de sensibilisation et d’information ; de quoi s’agit-il
exactement ?

C’est une campagne qui est lancée sur tout le territoire de l’UEMOA dans le
cadre du volet promotion de la qualité du Programme qualité de l’UEMOA.
C’est dans ce cadre que cette campagne d’information se tient jusqu’en
décembre. Dans le cadre de l’intégration, les associations sont en train de se
mettre en réseau pour mieux coordonner leurs actions et mieux protéger les
consommateurs. Il s’agit de mettre en place un système pour informer le
consommateur en temps réel dans l’espace UEMOA. Le Programme qualité
tente donc de fédérer toutes les associations afin de défendre le droit du
consommateur comme un droit humain, en toute indépendance. Il s’agit
d’informer les consommateurs sur l’ensemble de leurs droits. Au Burkina,
nous avons prévu des conférences publiques, des conférences dans les
établissements à Ouaga et en province. Des émissions sont également
prévues dans ce cadre. Il s’agit de faire comprendre aux consommateurs
qu’ils ne sont plus seuls, et que c’est par leur action et réaction que nous
imposerons la qualité aux commerçants. Avant, le client était roi. Aujourd’hui
le client doit être dictateur. Il doit imposer ses choix. Les consommateurs ont
des devoirs dont celui de s’organiser, de se protéger et de s’informer.

N’avez-vous pas peur qu’il y ait une fracture ?

Non. Ce qui est recherché, c’est un partenariat responsable basé sur la
confiance entre le commerçant ou le producteur et le consommateur. Il faut un
espace de dialogue. C’est ce travail qu’il y a à faire. Parce que, si le client est
satisfait du produit, il reviendra.

Il y a donc lieu de savoir qui est consommateur et qui ne l’est pas. Le
boulanger qui fabrique du pain est-il consommateur de l’eau de l’ONEA ou de
la farine qu’il achète à l’export ?

Non. Nous disons que, est consommateur le destinataire final d’un produit. A
ce titre, nous sommes usagers des transports et services publics,
consommateurs de transports aériens, de l’électricité de la SONABEL. Ces
produits-là, on ne les mange pas mais on en est des consommateurs. Le
boulanger qui utilise l’eau pour pétrir le pain n’est pas consommateur de
l’eau. Nous ne le considérons pas comme consommateur. C’est celui qui va
acheter le pain en dernier lieu qui l’est.

Quelles sont alors vos priorités en matière de dénonciation ?

Nous mettons l’accent sur les services essentiels : l’eau, l’électricité, le
téléphone. A côté de cela, nous associons les céréales et les produits telle
l’huile. Vous avez constaté qu’avec la crise alimentaire, il y a de la
surenchère. Des personnes mal intentionnées vont jusqu’à chiffonner les
sacs de 100 kg pour réduire le poids réel. Il y en a qui ajoutent des cailloux
pour équilibrer le poids délesté. C’est de la fraude et c’est un acte criminel en
temps de crise. C’est pour cela qu’au niveau de la Ligue des consommateurs,
nous avons installé une bascule. Tous ceux qui veulent vérifier leurs poids
peuvent venir le faire, et nous allons recenser tous les cas suspects afin de
les dénoncer.
Dans le domaine de l’huile frelatée, nous nous associons à l’action du
ministère qui a entrepris de fermer toutes les unités de production qui ne sont
pas en règle. C’est une bonne chose et nous le félicitons. C’est ce que nous
demandons aux autorités de faire régulièrement. De gros bonnets ont été
épinglés. Il s’agit de la santé de millions de Burkinabè voire au-delà, puisque
nos produits circulent dans la sous-région.
Il y a aujourd’hui les médicaments de rue. Ce que nous ne tolérons pas, c’est
le fait qu’on laisse des analphabètes, des enfants vendre des médicaments
de cette façon. Vendre un médicament demande une certaine qualification.
C’est une affaire de professionnels.

D’accord avec vous. Mais cela fait des années que tout le monde dénonce,
mais il ne se passe rien ...

Parce que certains ne font pas leur travail. La vente de médicaments est
réglementée ; que la justice fasse son travail. Il s’agit de la sécurité des
populations. On ne peut pas lancer les médicaments génériques avec autant
de moyens et laisser cette situation en l’état. Il faut des opérations coups de
poing.

Il y a 3 associations dans le pays. Collaborent-elles ?

Oui, en dehors de la campagne que nous menons dans le cadre du
Programme qualité de l’UEMOA, il existe des parcelles de collaboration.
Nous nous retrouvons au niveau de certaines instances de concertation où
nous essayons de parler d’une même voix. Nous avons les mêmes objectifs
de défense des consommateurs mais chacun a son identité, son histoire.

La LCB bénéficie d’une subvention de l’Etat. En dehors de cette aide, d’où
viennent vos ressources ?

La LCB a 11 000 adhérents et avec une cotisation de 2 000 F CFA par an, on
ne peut pas faire grand chose. Nous avons la chance d’avoir été reconnu
d’utilité publique et nous bénéficions d’une subvention. A ce niveau, nous
sommes mieux loti que les autres. Mais la qualité d’utilité publique, c’est une
reconnaissance de l’Etat. C’est le résultat d’un travail sur le terrain. En dehors
de la subvention, nous recherchons des financements au Burkina et à
l’extérieur pour mener à bien nos actions. Il y a les Pays-Bas, l’Union
européenne et Consommers international où nous sommes membres avec
deux autres pays africains de l’espace francophone.

L’opinion reproche au rapport parlementaire de n’avoir pas donné des noms.
Quel est votre point de vue ?

C’est un rapport d’enquête. Le dossier complet a été transmis à son
commanditaire. Et c’est à lui de prendre ses responsabilités.
Personnellement, je pense que le gouvernement est en train de travailler sur
la base de ce rapport. Il y a d’autres analyses à faire pour prouver la
dangerosité de certains produits. La situation serait différente si c’était une
association de consommation qui avait fait l’enquête. Elle aurait donné tous
les résultats au nom du droit d’informer.

Un message aux consommateurs...

Un seul mot : vigilance ! Dans le doute abstenez-vous de consommer
certains produits.

Propos recueillis par Abdoulaye TAO

Le Pays

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