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Développement humain : L’Afrique, trop agricole pour exporter

Publié le lundi 26 septembre 2005 à 07h11min

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Le Rapport annuel au PNUD sur le développement humain est très sévère pour l’ordre économique mondial. Les pays à dominante agricole restent en marge, et ils sont nombreux en Afrique. Il leur faudrait pouvoir transformer leurs produits avant de les exporter. Plus facile à dire qu’à faire.

En 2005, il ne fait pas bon dépendre de ses exportations agricoles. Telle est une des conclusions centrales du Rapport 2005 sur le développement humain, publié par le Programme des Nations unies pour le développement le 8 septembre dernier. Or, c’est le cas d’un grand nombre de pays africains. "La plupart de ces pays, particulièrement en Afrique subsaharienne, dépendent d’une gamme de matières premières très restreinte, et dont les prix au niveau mondial sont en net déclin". La décision prise par l’Union européenne, d’abaisser les futurs droits de douane sur les bananes de 230 à 187 euros la tonne va ainsi pénaliser plus encore les pays ACP agricoles, au profit de l’Amérique Latine. A l’inverse, le Rapport relève que "une intégration aux marchés mondiaux réussie dépend de plus en plus du développement des capacités industrielles".

Pour les pays à dominante agricole, la facture se paie cash. Entre 1960 et 2002, la part des exportations en provenance d’Afrique dans le commerce mondial (excepté l’Afrique du Sud) est tombée de 0,9 à 0,3 %. Et les recettes de ces exportations ont baissé d’autant. Faute de pouvoir d’achat, la part des importations à destination de ce continent, a aussi chuté de 1 ,35 à moins de 0,5 %. Alors que l’Afrique représente environ 11 % de la population mondiale.

Aujourd’hui, la Belgique, avec ses 10 millions d’habitants, exporte deux fois plus que l’Afrique qui en compte 689 millions.

Industrialiser ? Facile à dire

Pourquoi certains pays s’industrialisent-ils, d’autres pas.

Raisons internes et externes se combinent. En interne, certains dirigeants politiques des pays en développement tentent de justifier leur soutien agricole en faisant référence à leurs objectifs de développement rural, affirment les auteurs du Rapport. Ces politiques privilégient l’agriculture, mais - c’est là que l’externe intervient -les matières premières des pays du Sud se vendent mal à l’étranger. Sur les marchés du Nord, elles se heurtent aux barrières que ces pays mettent à l’entrée des produits africains et aux subventions qu’ils accordent à leurs propres agriculteurs, permettant à ceux-ci d’exporter eux-mêmes en faussant la concurrence.

Le Rapport affirme donc qu’il vaut mieux exporter des produits industrialisés, porteurs d’une certaine technologie. Certains pays ont déjà fait des tentatives dans ce sens. Le Bénin avec le coton, la Côte d’Ivoire avec son café et son cacao... Dans ce dernier pays, avant la crise politique, jusqu’à 37% du cacao et 10% du café subissaient au moins une première transformation sur place. Pour les fruits, plutôt que de les exporter en frais, il est possible de les transformer en jus et en confiture ou de les mettre en conserve.

Mais pour investir dans la technologie, il faut des compétences, des fonds et une politique économique décidée. Les premières renvoient à l’éducation, dont le niveau est faible en Afrique, les deuxièmes aux capitaux disponibles. Or, là aussi, le continent africain est mal loti.

Les riches - il yen a - placent leur argent ou le dépensent, mais investissent peu dans des activités productives ; l’aide publique au développement diminue, et les capitaux privés sont attirés vers l’Asie et l’Amérique Latine, qui sont déjà des pôles de croissance.

On se trouve face à une sorte de cercle vicieux, comme le montre la référence du Rapport à la Corée, à la Chine et à Taïwan : c’est en exportant des produits fabriqués avec des techniques peu développées que ces pays ont gagné de quoi acquérir de la technologie et exporter d’autant plus. D’où la question que le Rapport ne pose pas explicitement. Ce que ces pays ont fait, l’Afrique peut-elle le réaliser aussi, sachant que les marchés sont déjà encombrés ?

Le développement avant le commerce

Ce Rapport brise, si besoin en est encore, un mythe, celui d’un progrès permanent dans le développement de tous les pays du monde. "Pendant une grande partie des 40 dernières années, affirme-t-il, les différences de potentiel humain se sont progressivement atténuées.

Partis de loin, les pays en développement rattrapent les pays riches dans des domaines tels que l’espérance de vie, la mortalité infantile et l’alphabétisation. " Un progrès, donc. Mais ajoutent aussi les auteurs du document, "l’écart de développement humain entre les pays riches et les pays pauvres augmente dans certains cas et diminue très lentement dans d’autres". Et ces écarts se creusent aussi entre des pays autrefois regroupés derrière la même appellation de Tiers Monde.

Contrairement à l’idée dominante, qui considère que la participation d’un pays aux échanges commerciaux, améliore automatiquement les conditions de vie de sa population, le Rapport constate que "les voies qui relient les échanges commerciaux au développement humain sont sinueuses". Ce qui lui permet d’affirmer, dans un titre audacieux : "Des règles injustes : le système commercial privilégie les pays développés". Une confirmation pour

certains, une révolution pour les hérauts du libre-échange.

André Linard (Syfia International)
L’Hebdo

* Il y a quelques années, la CNUCED affirmait au contraire que les investissements dans l’agriculture étaient insuffisants.

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