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L’infox du jour : Non, les Nations Unies n’ont pas mandaté Reed Brody pour « arrêter les commanditaires de l’assassinat de 146 Burkinabè »

Publié le mercredi 15 juillet 2020 à 22h35min

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L’infox du jour : Non, les Nations Unies n’ont pas mandaté Reed Brody pour « arrêter les commanditaires de l’assassinat de 146 Burkinabè »

Depuis le 8 juillet 2020, sur les réseaux sociaux, notamment Facebook, circule l’image du célèbre avocat américain Reed Brody. Selon la publication devenue virale, l’homme de droit est envoyé au Burkina Faso par les Nations unies « pour arrêter les commanditaires de l’assassinat des 146 Burkinabè lors des opérations du 3 février à Kaïn (…) et faire justice aux 200 victimes de Yirgou, assassinées par la milice Koglweogo créée par le MPP ».

La publication débute ainsi : « Reed Brody, le célèbre avocat mondialement reconnu comme chasseur de dictateurs, arrive au Burkina Faso. Des têtes vont bientôt tomber ». Avec à l’affiche, à droite de l’image, la photo du ministre de la Défense nationale, Cherif Sy. Et il y écrit : « Cherif Sy n’échappera pas à la Cour pénale internationale (CPI) ».

Qui est Reed Brody ?

Reed Brody est conseiller juridique et porte-parole de Human Rights Watch. On le surnomme également « le chasseur de dictateurs », parce qu’il traque sans relâche les dictateurs de tout genre. C’est ainsi que cet avocat américain est plus connu en Afrique dans les affaires des anciens chefs d’Etat, notamment Hissène Habré en 2015, Mengistu Haïlé Mariam en 1999 et sa nouvelle cible qui est l’ancien président gambien Yahya Jammeh, en exil en Guinée équatoriale. Il a également émis des hypothèses de poursuivre en justice les présidents George W. Bush et Donald Trump.

Reed Brody, comme tout avocat, défend les droits humains. Mais la majeure partie des cibles de l’avocat, ce sont les chefs d’Etat, qualifiés de dictateurs.
Dans la publication sus-évoquée, il est dit que Reed Brody « vient pour arrêter les commanditaires de l’assassinat des 146 Burkinabè lors des opérations du 3 février à Kaïn ».

En effet, dans un communiqué de l’état-major général des armées publié sur Lefaso.net, on peut lire qu’une attaque terroriste « dans la nuit du 3 au 4 février 2019, a fait quatorze morts au sein de la population civile (…) 146 terroristes tués dans les localités de Kaïn, Bomboro et Banh ». Cependant, le Mouvement burkinabè des droits de l’homme et des peuples (MBDHP) avait condamné des « exécutions sommaires d’au moins 60 personnes par l’armée » au cours de cette même opération. Aussi, le MBDHP avait demandé que justice soit faite.

Reed Brody conseiller juridique et porte-parole de Human Rights Watch

On peut aussi lire dans le post que Reed Brody « vient également pour faire justice pour les 200 victimes de Yirgou, assassinées par la milice Koglweogo créée par le MPP ». En effet, dans la nuit du 31 décembre 2018 au 1er janvier 2019, dans le village de Yirgou, suite à l’assassinat du chef dudit village, par ailleurs conseiller municipal de Barsalogho (commune dont relève le village), les représailles dirigées sur la communauté peuhle ont fait plusieurs morts : 46 selon le gouvernement et 216 selon le Collectif contre l’impunité et la stigmatisation des communautés (CISC). Parlant des milices Kogweogo, aucune preuve ne laisse entrevoir que le parti au pouvoir, le Mouvement du peuple pour le progrès (MPP), serait à l’origine de l’existence de cette milice.

Dans un récent rapport, Human Rights Watch (HRW) a dénoncé des « exécutions extrajudiciaires de 180 personnes ces derniers mois à Djibo, dans le nord du Burkina Faso, impliquant des forces armées burkinabè ». La directrice pour l’Afrique de l’Ouest de HRW, Corinne Dufka, déclarait que « les informations existantes désignent les forces de sécurité gouvernementales. Il est donc essentiel de mener des enquêtes impartiales ».

En réponse, dans un communiqué, le gouvernement burkinabè a déclaré que « pendant la période concernée par le rapport, certains terroristes ayant réussi à s’emparer des tenues et certains matériels des Forces armées nationales, se sont spécialisés dans l’instauration de la confusion au sein des populations ».

Dans tous les cas, dans les déclarations de Corinne Dufka, il n’est pas fait mention de l’envoi de Reed Brody au Burkina Faso. Le gouvernement non plus n’en a pas fait cas au dernier point de presse tenu le 8 juillet dernier, ni à travers un communiqué.

Edouard Kamboissoa Samboé
Lefaso.net

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