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<I>La chronique du fou</I> : Petit poisson burkinabè veut devenir dragon

Publié le vendredi 23 septembre 2005 à 07h37min

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En visite en Malaisie, le Premier ministre, Paramanga Ernest Yonli, a dû être
bercé par la muse du modèle de développement de ce pays. Toujours est-il
qu’il a promis de s’en inspirer pour faire du Burkina, une puissance
économique régionale en dix ans.

De deux choses l’une : ou la prestation du Premier ministre, même faite à
l’extérieur, était destinée à la consommation intérieure et signifiait une invite
aux Burkinabè à se retrousser les manches, à l’instar des peuples d’Asie,
travailleurs, comptant d’abord sur eux-mêmes. Sur ce point, il n’y a rien à dire.

Au Burkina aussi, il est permis de rêver, surtout quand on sait que les rêves
apparemment fous et incompris ont parfois débouché sur de grandes
avancées. Du reste, depuis la nuit des temps, les Burkinabè ont donné la
preuve de leur ardeur au travail à telle enseigne qu’ils ont souvent été
sollicités pour apporter leur force de travail aux grands chantiers coloniaux et
post-coloniaux. On ne peut qu’être d’accord avec le Premier ministre.

Quel
citoyen serait mécontent d’un chef de gouvernement ambitieux pour son pays
 ? Ou bien il s’agit de ces effets d’annonces et de ces annonces sans effets
destinés à éblouir les investisseurs étrangers qui, dans les faits, risquent
d’être déçus, une fois sur le terrain. En effet, les Burkinabè sont tellement
habitués à ces rendez-vous mille fois manqués avec l’émancipation et le
bonheur qu’ils se demandent si cette échéance sera effective.

Les Burkinabè
retiennent encore, dans leur mémoire collective, l’image de ces fantômes de
promesses non tenues et qui avaient pour noms, éducation, autosuffisance
alimentaire, eau et santé pour tous en l’an 2000, réduction de la pauvreté d’ici
à l’an 2015 alors que cette dernière fait un pas en avant et mille pas en
arrière.
En fait, des concepts importés, clefs en main, des prêts-à-porter imposés par
ceux-là mêmes qui refusent le développement de l’Afrique, tout en sachant
que l’émancipation de notre continent conduirait à leur propre ruine.

Tant que
l’Afrique ne se serait pas débarrassée de son complexe congénital et
néocolonial qui consiste à s’en remettre aux anciennes puissances
colonisatrices qui ont trouvé une forme insidieuse et subtile de sa
recolonisation, elle serait toujours à la traîne. Evidemment, n’ayant pas eu un
passé colonial, du moins en Afrique, la Malaisie ne peut être accusée de
vouloir imposer des traités inégaux avec l’Afrique.

On peut donc accorder au
Premier ministre et aux autorités malaisiennes, la présomption de bonne foi
quant à leur désir de coopérer dans l’intérêt réciproque des populations des
deux pays. Cependant, les Burkinabè attendent de voir. Les mois qui
viennent permettront de savoir quelle dynamique interne le gouvernement
burkinabè va développer pour atteindre les objectifs visés par le Premier
ministre.

En d’autres termes, comment entend-il s’y prendre pour créer un
environnement propice aux éventuels investisseurs malaisiens ? A ce sujet,
on ne peut s’empêcher de se remémorer les mésaventures de cet opérateur
économique burkinabè qui a fini par jeter l’éponge en voulant établir un pont
entre lui et un opérateur économique malaisien.

Handicapé et découragé par
les lourdeurs procédurières pour obtenir une autorisation d’importation de
produits malaisiens en échange de l’exportation de produits burkinabè vers la
Malaisie, le cas de cet homme en dit long sur le comportement
contreproductif de nos Etats. Et Salif Diallo a raison de dire que le problème
de l’Afrique, c’est l’Etat. Il sait bien de quoi il parle, lui-même étant un maillon
incontournable dans la conduite des affaires de l’Etat. Pour que la
coopération entre la Malaisie et le Burkina soit équitable, profitable aux deux
parties, il faut que le Burkina prenne des mesures de salubrité politique,
économique, morale, sociale et culturelle.

Si le poisson burkinabè espère
grossir comme le dragon malaisien, il lui faut parer au plus urgent. Notre pays
est-il prêt à nettoyer ses écuries en euthanasiant tous les secteurs
corruptogènes, en détruisant complètement le virus de la morale agonisante,
en déchargeant l’administration de ces agents pistonnés et en encourageant
les agents consciencieux, en mettant en place une fiscalité équitable, non
sélective, non discriminatoire qui consiste à frapper les plus faibles tout en
encourageant par tous les moyens, tous ces tricheurs masqués derrière des
casquettes politiques et politiciennes, en démasquant tous ces prête-noms et
ces sangsues, cagoulés et en liberté non surveillée, qui font la pluie et le
beau temps et qui écument notre environnement socio-économique.
Tout un vaste programme qui signifie qu’il ne suffit pas d’aller au charbon tout
en restant au bord de la mine en évitant de sentir les odeurs étouffantes de la
suie.

C’est dire qu’avant tout, nous ne pouvons pas tirer avantage de la future
coopération entre la Malaisie et notre pays si nous laissons l’impression de
vivre dans un pays insaisissable et débridé où, sur tous les plans, chacun va
de son côté, comme dans un véhicule sans conducteur et sans phares, sur
une route sans panneaux indicateurs. C’est bien de s’inspirer de l’expérience
de réussite d’autrui, encore faut-il se demander le pourquoi d’une telle
réussite.

Au-delà de tous les arguments qu’on peut développer, une chose
est sûre. Il nous faut changer nos habitudes. Les Asiatiques, les Malaisiens
donc, sont des hommes qui ont gardé intacts les fondements de leur culture
grâce auxquels ils résistent aux éclaboussures et à la souillure de certains
préceptes de l’Occident, sans pourtant rejeter ce qu’ils estiment bon d’intégrer
à leur âme. Grâce à cette culture qui a su résister, les Asiatiques ne souffrent
pas de paresse intellectuelle.

Sait-on qu’il y a à peine 40 ans, les produits
japonais, qu’une certaine génération africaine conditionnée par la
propagande occidentale anti-japonaise appelait donc "Jampon", la pacotille
donc, s’imposent aujourd’hui à l’échelle planétaire. Les bases d’une
coopération, singulièrement entre la Malaisie et notre pays et généralement
entre l’Asie et nous, suppose que nous mettions des moyens politiques,
juridiques, moraux et psychologiques pour rassurer nos éventuels
partenaires.

Sinon, nous continuerons à être victimes de l’expérience
douloureuse des opérateurs économiques nationaux gagnés par le
découragement face à une administration tatillonne et à des investisseurs
étrangers empressés de payer leur billet retour à cause des goulots
d’étranglement contre lesquels ils buttent. Il n’est un secret pour personne
que la crise ivoirienne aurait pu transformer notre pays en base de repli de
certains investisseurs étrangers. Malheureusement, faute d’assurance et de
visibilité, tous ceux qui ont fui la Côte d’Ivoire ont préféré atterrir ailleurs.

L’enclavement de notre pays ne saurait constituer le seul prétexte pour
contourner notre pays. Certains opérateurs économiques, même nationaux,
quand ils ont raison face à certains dossiers qui les opposent à l’Etat, ont
l’impression d’être devant Dieu.

Parfois, lorsqu’ils ont raison, l’Etat traîne le
pas, histoire de les entraîner tranquillement sur la trajectoire de la faillite et de
la mort. Quel est l’investisseur étranger qui accepterait de s’aventurer sur un
terrain aussi miné et où l’Etat ne perçoit aucune urgence à payer les factures
des entreprises locales dont les plus politiquement faibles sont régulièrement
harcelées par le fisc ? En attendant que des garanties soient données à ces
investisseurs étrangers, pourquoi ne pas mobiliser notre épargne nationale ?

Cela suppose entre autres, le rapatriement des avoirs occultes de certains
dirigeants placés dans les banques étrangères et échappant à toute
législation nationale. Il semble par ailleurs qu’au Burkina, la lutte syndicale
est telle qu’elle effraierait certains investisseurs étrangers. Si cela est avéré, il
appartient à l’Etat de trouver un modus vivendi qui ne lèse aucune partie.

Le fou

Le Pays

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