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Tanwalbougou : Risques très élevés d’affrontements intercommunautaires, selon la Commission nationale des droits humains

Publié le lundi 22 juin 2020 à 23h10min

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Tanwalbougou : Risques très élevés d’affrontements intercommunautaires, selon la Commission nationale des droits humains

Après une mission de monitoring (du 3 au 6 juin 2020) à Fada N’Gourma sur les évènements de Tanwalbougou, la Commission nationale des droits humains (CNDH) a rendu publiques, ce lundi 22 juin 2020 au cours d’une conférence de presse à Ouagadougou, les conclusions de sa démarche sur ces évènements qui continuent de soulever des commentaires controversés.

C’est conformément donc à son mandat de suivi de la situation des droits humains que, la CNDH, usant de ses prérogatives légales, s’est saisi des « allégations » de violation des droits humains d’une extrême gravité. Ainsi s’est déroulée du 3 au 6 juin 2020, une mission de monitoring conduite par son président, Kalifa Yemboado Rodrigue Namoano, et composée du rapporteur général, Antoinette Savadogo et du conseiller en droits humains, agent au secrétariat général, Kouzodon Dah,

« Après avoir minutieusement évalué les risques de protection à Tanwalbougou, la mission a décidé, contrairement à sa planification initiale de mener une mission d’établissement des faits à Tanwalbougou, de conduire plutôt ses entretiens dans le cadre d’une mission d’information et de monitoring à Fada. Concrètement, la mission a consisté en premier lieu en des entretiens individuels ou de groupes avec des acteurs administratifs, judiciaires, municipaux, des forces de défense et de sécurité, de la société civile et des personnes-ressources qui ont joué un rôle dans le déroulement et la gestion des évènements de Tanwalbougou. Les entretiens se sont déroulés selon la disponibilité et le cadre choisi par les acteurs. Au total, une trentaine d’acteurs ont été entendus », a situé le président de la CNDH, Kalifa Yemboado Rodrigue Namoano.

De cette mission, il ressort que Tanwalbougou constitue une véritable poudrière avec des communautés qui se regardent en chien de faïence et des risques très élevés d’affrontements intercommunautaires. Aucun membre des différentes communautés sur place ne peut jouir pleinement de sa liberté d’aller et venir sans risque d’être arrêté, exécuté ou enlevé, lit-on dans la déclaration liminaire livrée par le président de la CNDH.

« Il est pratiquement difficile pour un Moaga ou un Gourmantché d’aller au-delà de plus d’un kilomètre de Tanwalbougou sans être exécuté », rapporte la mission de la CNDH d’une personne-ressource de la communauté gourmantché.
« Il est quasiment impossible pour les membres de ma communauté d’accéder au marché, au moulin et au centre de santé de Tanwalbougou », recoupe-t-elle également d’une personne-ressource de la communauté peuhle.

La CNDH informe aussi que les communautés et les forces de défense et de sécurité présentes dans la localité, se rejettent mutuellement la responsabilité de la dégradation du climat sécuritaire et social, avec au quotidien, des assassinats et des enlèvements le long des axes reliant Tanwalbougou aux villages environnants.

L’urgence d’intervenir …

« Le foisonnement des groupes armés non identifiés dans la zone, leur présence sur certains axes routiers, sur la route nationale n°4 et dans les forêts constituent un danger permanent pour les populations civiles et les forces de défense et de sécurité elles-mêmes », décrit M. Namoano, précisant que le poste de gendarmerie de Tanwalbougou a connu quatre attaques, de décembre 2018 à mai 2020.

La mission de la CNDH a également indiqué que la présence des forces de défense et de sécurité aidées dans leurs opérations par les Volontaires pour la défense de la Patrie semble, selon des interlocuteurs, constitue pour une partie des habitants une source d’insécurité. Ce qui entraîne une « rupture totale de confiance » entre ces forces censées assurer la sécurité et les communautés. « Leurs interventions sont de plus en plus décriées, dénoncées et condamnées par une partie de la population qui se sent stigmatisée et particulièrement ciblée », dit-il.

Sur la question des douze personnes interpellées qui ont trouvé la mort à Fada N’Gourma, laCNDH déclare qu’à la lumière des faits recueillis, elle ne peut tirer une conclusion sur les circonstances de leur mort.

Cependant indique Kalifa Yemboado Rodrigue Namoano, il ressort des entretiens effectués que les personnes arrêtées affirment avoir subi des actes de torture et de maltraitance ; qu’elles étaient en jeûne aussi la faim et la soif ont été plus pressantes suite aux sévices subis ; que les cellules ne disposaient pas suffisamment d’aération pour permettre une circulation de l’air qui n’entrait que par le bas de la porte ; et enfin, l’absence de gendarmes à proximité des cellules au moment de leurs appels au secours.


Lire aussi : Affaire de Tanwalbougou : Les 12 victimes n’ont pas été exécutées, révèle le procureur


Forte de la situation, la CNDH a formulé des recommandations dont la « mise en œuvre urgente » contribuera, selon elle, à améliorer la situation sécuritaire et sociale et à renforcer la cohésion sociale.

Ainsi, au sujet des douze personnes décédées et pour le renforcement de la sécurité dans la zone, la CNDH invite la justice militaire à plus de célérité dans le traitement dudit dossier pour prévenir de tels actes ; renforcer le maillage sécuritaire de la région de l’Est, en particulier à Tanwalbougou et les capacités humaines et opérationnelles des forces de défense et de sécurité ainsi que des volontaires pour la défense de la patrie.

Aussi recommande-t-elle la prise de mesures pour améliorer la sécurité et les conditions de détention dans les cellules de garde-à-vue de la gendarmerie de Tanwalbougou ; le renforcement de la formation des volontaires et leur sensibilisation au respect de la dignité humaine et des droits humains. Toujours à ce titre, les responsables de la CNDH appellent à prendre des dispositions pour assurer la protection et la sécurité du Major-infirmier du CSPS (Centre de santé et de promotion sociale) de Tanwalbougou et son équipe, celles des témoins, notamment les huit personnes libérées le 5 juin 2020.

Pour le renforcement de la cohésion sociale et de la cohabitation pacifique, la CNDH recommande l’organisation d’une rencontre d’échanges entre le gouverneur, les responsables de la sécurité et les autorités coutumières et religieuses de Tanwalbougou ; la mise en œuvre au niveau local d’actions de communication sur la cohabitation pacifique, la cohésion sociale et le vivre-ensemble.

La CNDH invite en outre à la mise en route d’actions visant à restaurer la confiance entre, d’une part les forces de défense et de sécurité et toutes les populations, et d’autre part, entre les communautés elles-mêmes ; l’organisation d’un cadre de dialogue intercommunautaire entre toutes les forces vives de la localité ; le renforcement des capacités de la morgue (chambre froide convenable) de Fada N’Gourma.

O.H.L
Lefaso.net

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