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Crise ivoirienne : Obasanjo peut-il mieux faire que M’Beki ?

Publié le mercredi 21 septembre 2005 à 08h32min

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Même si le président Sud-africain Thabo M’Beki a affirmé qu’il continue la médiation dans la crise ivoirienne, les observateurs étrangers et sud-africains peuvent se rendre à l’évidence : la diplomatie sud-africaine a fait long feu dans ce dossier. Peut-être a-t-elle la capacité de rebondir car comme souligne l’adage "Il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas".

En tout cas en attendant, nombre de pays européens et la grande majorité des Etats ouest-africains reprochent les méthodes de l’administration sud-africaine qui a pris fait et cause pour le régime de Laurent Gbagbo.

Pourtant l’Afrique du Sud de Thabo M’Beki avait tout ou presque pour réussir cette médiation :

Pays situé en dehors du champ, elle avait l’avantage de ne pas être impliquée directement ou indirectement, démographiquement ou économiquement géographiquement ou sociologiquement dans les vicissitudes de la vie politique ivoirienne ;

anglophone, on pouvait difficilement la soupçonner d’être partie prenante dans les luttes d’influence que se livrent les chefs d’Etat francophones dans cette affaire ;
sa diplomatie était jusque-là plus crédible que celle du Nigéria parce que dirigée par des personnalités qui se sont agguerries pendant la lutte anti-apartheid sous la direction de l’African national congres (ANC) ;

en tant que pays qui a enterré l’apartheid, il y a seulement une quinzaine d’années, elle évalue mieux que quiconque le degré de frustration d’une grande partie des Ivoiriens qui se sentent exclus et étrangers dans leur propre pays ;
elle a réussi à réconcilier les frères ennemis burundais ; ce qui n’était pas gagné d’avance.

Tout ceci était un capital suffisamment convainquant aux yeux de la communauté internationale et que son traditionnel rival sur le continent qu’est le Nigeria pouvait difficilement contester.

Malheureusement, les fleurs de la diplomatie sud-africaine n’ont pas tenu la promesse des fleurs dans la crise ivoirienne pour avoir ignoré un certain nombre d’impondérables dans l’appréciation du cours des aléas politiques au pays de Félix Houphouët-Boigny.

Conséquence, tous les pays qui voyaient d’un mauvais œil le fait que la médiation avait été confiée à l’Afrique du Sud sont ragaillardis et donnent de la voix.

Des responsabilités partagées

Si, à n’en pas douter, l’Afrique du Sud a échoué, c’est bien parce que quelque part elle a été laissée à elle-même parles pays et les organisations internationales qui auraient pu de par leurs contributions suggestions et propositions, aider à redresser la barre.

Plusieurs raisons expliquent cela :
Il y a ces pays et organisations qui avaient totalement fait confiance à la médiation M’Beki et qui pensaient qu’il n’y avait point de raison de douter des compétences, de la sincérité et de bonne volonté de celui-ci. Or, d’une part, "la confiance n’exclut pas le contrôle" ; d’autre part, "le doute est salutaire ; ce n’est pas le doute mais c’est la certitude qui rend fou" dans la mesure où en cas d’échec d’une entreprise, les conséquences sont d’autant plus catastrophiques et insupportables qu’on n’y est pas préparé.

Il y a en outre ceux qui n’étant pas en odeur de sainteté avec l’Afrique du Sud ou désapprouvant le fait que la médiation ait été confiée à ce pays (et non à eux), avaient choisi de s’en désintéresser totalement en souhaitant, bien sûr, le fiasco. Ce qui leur permettrait de relever la tête en égrenant le chapelet de points d’échec pour maquiller leurs griefs justifiés ou non à l’endroit du pays de Nelson Mandela.
Il y a aussi ceux qui, préoccupés plus par leurs propres problèmes intérieurs ou s’en foutant éperdument de ce qui se passe dans la galère ivoirienne, ont décider de ne pas se mêler à cette affaire. Que M’Beki eut réussi ou qu’il ait échoué comme c’est de plus en plus admis ce n’est vraiment pas leur problème.

Il y a enfin ces pays et organisations qui, s’estimant petits, diplomatiquement et économiquement parlant, se tiennent à l’écart même si cela ne les empêche de ronronner de temps en temps dans leur coin.

Tous les pays et les organisations pouvant être rangés dans au moins une des catégories ci-dessus on n’est pas surpris de ce qu’il advient de la médiation M’Beki.

Quelle pourrait être la solution ?

Avec les maladresses et les déconvenues de la diplomatie sud-africaine et ce qui en est résulté, des voix se lèvent de plus en plus pour lui dire de jeter l’éponge ou d’en être dessaisse.

Parmi ces voix, on compte allègrement le Nigeria dont le chef de l’Etat ne s’est pas privé de dire, en marge du sommet des chefs d’Etat et de gouvernement des pays membres de l’Organisation des Nations unies (ONU), que l’Afrique du Sud a échoué et qu’elle doit passer la main à quelqu’un d.... (autrement dit au Nigeria).

On compte également la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) derrière laquelle se profile encore l’ombre du puissant Nigeria. Cependant, la question que l’on est en droit de se poser, c’est celle de savoir, qui, à défaut de l’Afrique du Sud, pourrait prendre le relais.

Question opportune s’il en est car la virulence des critiques du Nigeria et de la CEDEAO cache mal la volonté de supplanter le pays de M’Beki. Or, ces deux derniers n’ont pas toujours inspiré confiance dans la résolution ont souvent répondu aux impératifs de défense des intérêts nationaux nigérians et non à eux des populations victimes desdites crises.

L’exemple du rôle du Nigeria dans la crise libérienne au début des années 1990 donne à réfléchir. Effectivement après y avoir envoyé des troupes pour des raisons d’intérêt national mais sous le couvert d’une volonté d’instaurer la paix, les critiques et les déboires l’ont conduit à mettre sur pied un ECOMOG plus représentatif. Certes, Olosegun Obasanjo n’était pas au pouvoir.

Certes, le Burkina, la Côte d’Ivoire, la France et la Libye, pour avoir soit envoyé des troupes (clandestinement) pour soutenir Charles Taylon, soit trafiqué des armes au profit de ce dernier, soit fermé les yeux sur tous les coups tordus autour de cette affaire ne sont pas à blanchir ; mais tout cela ne fait pas automatiquement du géant nigérian une solution de recours crédible.

A moins que prenant en compte les échecs de sa propre diplomatie, les maladresses de la médiation sud-africaine, les sables mouvants de la politique ivoirienne et les points de vue de ses partenaires de la CEDEAO, il banisse l’arrogance et pratique l’humilité.

Plus facile à dire qu’à mettre en œuvre ceci est pourtant l’une des conditions sine qua non de la résolution de la crise ivoirienne dont les conséquences affectent toute l’Afrique de l’Ouest y compris le Nigeria qui compte une forte colonie en Côte d’Ivoire.

Zoodnoma Kafando

L’Observateur

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