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Procureur général Vs Bâtonnier : « C’est une double violation de la loi », selon Me Rodrigue Bayala (SG du SYNAF)

Publié le mardi 9 juin 2020 à 23h06min

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Procureur général Vs Bâtonnier : « C’est une double violation de la loi », selon Me Rodrigue Bayala (SG du SYNAF)

Le 29 mai 2020, l’opinion publique était informée d’une correspondance du procureur général près la Cour d’appel de Ouagadougou demandant à tout procureur du Faso de son ressort territorial de couper les ponts avec les avocats. Une décision qui faisait suite au refus du Bâtonnier de commettre des avocats pour les assises criminelles, en réaction à la prestation de serment d’un nouvel avocat malgré les réserves de l’Ordre. Quelle est l’analyse du Syndicat des avocats du Burkina Faso (SYNAF) de cette situation ? Me Rodrigue Bayala, son secrétaire général, nous donne des éléments de réponse.

Lefaso.net : L’opinion publique a constaté des bisbilles entre le procureur général près de la cour de Ouagadougou et le bâtonnier. Quelle lecture le Syndicat national des avocats du Burkina Faso (SYNAF) fait de cette situation ?

Me Rodrigue Bayala : Tout avocat se sent interpellé par cette situation qui découle de la correspondance du procureur général qui demande de soustraire du rôle tout dossier dans lequel tout avocat est constitué. Vous conviendrez avec moi que ça porte atteinte directement au libre exercice de notre profession d’avocat. Ça, c’est la première lecture que j’ai, en tant qu’avocat et en tant que secrétaire général du syndicat des avocats. L’avocat doit pouvoir exercer librement sa profession, sans entrave aucune.

Deuxièmement, je constate que ça porte atteinte au droit du citoyen de recourir à un avocat. Si on demande les dossiers dans lesquels les avocats sont constitués, il va de soi que le citoyen qui veut se constituer un avocat ne verra pas sa cause jugée très rapidement. Cela porte également atteinte à ce droit là, qui est un droit constitutionnel pour tout Burkinabè de se faire assister par un avocat de son choix dès qu’il est interpellé.

Et cette garantie de droit de défense est rappelée également dans le règlement UEMOA (Union économique et monétaire ouest africaine) qui porte harmonisation des règles qui régissent la profession d’avocat dans cet espace. Pour nous, la décision du procureur général qui donne instruction à ses parquetiers de ne pas programmer les dossiers dans lesquels sont constitués les avocats, c’est une double violation de la loi. D’abord, le libre exercice de la profession d’avocat garanti par la loi et le libre choix du Burkinabè de se faire assister d’un avocat de son choix.

Nous avons tenu à le signifier au procureur général lorsque nous l’avons rencontré le 2 juin 2020. Nous lui avons signifié que sa décision nous posait un problème, quant au libre exercice de nos fonctions, au droit constitutionnel et les garanties fondamentales pour les Burkinabè.

Dans la correspondance, même si elle n’est pas adressée au syndicat des avocats, tout avocat se sent interpellé et concerné par les propos qui y sont tenus. Lorsqu’on vient traiter l’ensemble des avocats à travers leur représentant légal qui est le bâtonnier de « manque d’humanisme », c’est quand même très fort parce que quoique l’on dise, les avocats ne sont pas les subordonnés de la république.

La profession d’avocat est une profession libre et indépendante, et les avocats sont organisés dans le cadre de l’Ordre des avocats qu’on appelle le Barreau. A ce que je sache, le Barreau est une institution comme toute autre institution. Il y a beaucoup de modération et de considération mutuelle qui doivent régir les relations entre les différentes institutions. Nous avons aussi regretté que de tels propos aient été tenus à l’égard du Barreau.

Nous avons dit que nous n’avons pas à nous immiscer dans ce différend qui peut exister entre le Bâtonnier et le parquet général, mais en tant que le syndicat des avocats, nous sommes interpellés lorsque des propos pareils sont tenus. Nous pensons que les prochaines fois, chacun saura mettre de l’eau dans son vin pour éviter que nous soyons dans une telle situation.

D’aucuns pensent qu’il y a un problème particulier entre le procureur général et le bâtonnier qui découle du dossier Ousmane Guiro. Au niveau du SYNAF, avez-vous la même interprétation ?

Nous ne nous en tenons pas aux problèmes particuliers mais au principe. Nous ne saurons ni infirmer ni confirmer qu’il y a un problème particulier entre le bâtonnier et le procureur général, nous ne pouvons pas le savoir. Ce que nous constatons, c’est qu’il y a une violation de la loi, qui consiste à dire de retirer les dossiers dans lesquels les avocats sont constitués. Nous ne sommes pas allés jusqu’à ce point.

Avec l’insécurité que vit le Burkina Faso, certaines personnes pensent que les droits des citoyens sont en danger. Le cas de Tanwalbougou où douze présumés terroristes sont retrouvés morts dans leur cellule est une illustration. Quelle est l’analyse du SYNAF ?

Effectivement, c’est vraiment délicat. Aujourd’hui, nous nous retrouvons dans une situation sécuritaire très difficile, qui n’est pas connue de nos systèmes judiciaires ordinaires. Aujourd’hui, vous avez des attaques à main armée partout. Il va de soi que les procédures d’enquête doivent très spéciales ; il y a des lois qui sont adoptées pour ce type d’enquête de sorte qu’en matière de terrorisme par exemple, vous n’avez plus les règles ordinaires d’enquête prévues par le code de procédure pénale qui s’appliquent. Il y a des règles spécifiques.

Ce qui fait qu’aujourd’hui, il s’agit de trouver l’équilibre entre le respect des droits des personnes et la lutte contre le terrorisme. Aujourd’hui, le terroriste n’est pas le délinquant ordinaire, c’est-à-dire connu et identifié avec toutes les ramifications. Vous avez un délinquant spécifique qui se mêle à la population, qui est difficilement identifiable et qui nécessite des types d’enquête un peu plus spécifique donc la situation se trouve beaucoup plus compliquée.

Pour le cas de Tanwalbougou, nous avons fait une déclaration pour regretter qu’on se trouve dans une situation où douze personnes arrêtées, détenues pour les besoins de l’enquête, sont mystérieusement mortes entre les mains de la police judiciaire. Tout comme les onze morts dans la cellule antidrogue de Ouagadougou en juillet 2019, nous appelons les autorités politique et judiciaire à prendre les dispositions nécessaires pour que les personnes qui sont arrêtées puissent être dans des conditions nécessaires pour que leur vie et leur intégrité physique soient préservées.

Parce que si la personne est décédée, il va de soi que l’action judiciaire soit éteinte, puis que c’est la personne que vous voulez juger. Si elle est morte entre vos mains, ça veut dire que vous ne pouvez plus atteindre l’objectif que vous poursuivez. Alors que l’objectif, c’est de juger toute personne qui est interpellée pour l’acte qu’elle a commis et pouvoir prononcer la sanction nécessaire.

Donc chaque fois qu’il y a ce risque de violation des droits humains, le SYNAF arrive à faire ces déclarations depuis 2008 que le syndicat a été créé. En plus des déclarations, nous apportons notre assistance juridique aux familles des victimes qui nous sollicitent pour les accompagner dans le cadre de ces dossiers depuis l’affaire Justin Zongo en passant par toutes ces affaires assistées.

Interview réalisée par Cryspin M. Laoundiki
Lefaso.net

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Vos commentaires

  • Le 10 juin 2020 à 04:30, par Lucilius En réponse à : Procureur général Vs Bâtonnier : « C’est une double violation de la loi », selon Me Rodrigue Bayala (SG du SYNAF)

    Hum... Personnellement, je trouve que cette interview est non aboutie ; aussi suis-je resté sur ma faim. Qu’en est-il des raisons évoquées par le procureur pour justifier sa fatwa ? Est-il vrai que le bâtonnier a fait le choix de ne plus commettre d’avocats pour les sessions criminelles ? Pour quelles raisons, si c’est le cas ? Est-ce que l’avocat Bayala soutient-il cela ? N’est-ce pas une violation de la loi, en ce sens que cela prive des citoyens d’une défense à laquelle ils ont droit...etc ! Je pense que lorsqu’on a l’occasion d’avoir un des belligérants, c’est l’occasion de lui tirer des vers du nez, pour que l’opinion puisse se faire une idée de la brouille qu’il y a. Honnêtement, je trouve que c’est du travail bâclé, sans plus-value réelle pour vos lecteurs...

  • Le 10 juin 2020 à 06:38, par raogo En réponse à : Procureur général Vs Bâtonnier : « C’est une double violation de la loi », selon Me Rodrigue Bayala (SG du SYNAF)

    Arrêtez vos blas. blas. blas. le procureur à raison vous voulez tout monnayer alors que la loi est claire. C’est plutôt vous qui violé la loi par lui

  • Le 10 juin 2020 à 09:12, par Sarko En réponse à : Procureur général Vs Bâtonnier : « C’est une double violation de la loi », selon Me Rodrigue Bayala (SG du SYNAF)

    Monsieur du syndicat des avocats, si vous ne prenez pas de la hauteur par rapport à ce conflit, vous n’ allez jamais vous entendre avec le bâtonnier . Il n’ y a pas longtemps un des vôtres a mal traité la magistrature .Aujourd’hui c’ est le bâtonnier et vous le syndicat qui vous insurgez contre les magistrats.
    Pour avoir fait les mêmes écoles , les choses devraient bien se passer mais hélas.Mettez balle à terre .Cessez de vous attaquer. Le syndicat aurait du prendre de la hauteur .

  • Le 10 juin 2020 à 09:26, par Sango Noufou. En réponse à : Procureur général Vs Bâtonnier : « C’est une double violation de la loi », selon Me Rodrigue Bayala (SG du SYNAF)

    Bonjour à vous.Juste tout simplement dire que je suis d’avis avec l’analyse de Maître Rodrigue Bayala.la loi c’est la loi et tout ce qui est dit en contradiction avec elle,doit être immédiatement retiré ou rejeté.S’il n’y a pas un avocat pour assister,conseiller ou défendre surtout son client lors des affaires criminelles, où sont passés soit disant vos droits de l’homme que vous êtes sensés protéger ????

  • Le 10 juin 2020 à 10:21, par warzat En réponse à : Procureur général Vs Bâtonnier : « C’est une double violation de la loi », selon Me Rodrigue Bayala (SG du SYNAF)

    Nous, les lambdas, nous avons peur de vous, vous les frères , avocats, magistrats et autres greffiers....Votre langage est demeuré ésotérique, ce qui semble vous arranger car seuls vous compreniez ce que vous vous dites, alors que tout a évolué. Même au niveau de la religion, il y a bien longtemps que les messes en latin ne sont plus dites.
    Vous concernant voilà ce que nous entendons dire ou lisons ces derniers temps :
    - les jugements ne se tiennent pas parce que l’état ne met pas à votre disposition l’argent qu’il faut pour cela ;
    - certains d’entre vous proposent de classer des dossiers contre de l’argent ;
    - entre vous, vous êtes prêts à tordre le coup à vos règlements pour favoriser ou défavoriser l’un des vôtres ;
    - un verdict favorable à Ouaga par rapport à une affaire, peut être défavorable à Bobo pour la même affaire.
    Question : quel genre de Burkinabè êtes vous ?
    A mon humble avis, cette position de force que vous semblez avoir, va se retourner contre vous. Ce peuple est encaisseur jusqu’à un certain niveau. Vous avez donc intérêt, à taire vos querelles internes pour mieux vous occupez de vos vrais dossiers. En toute fraternité !!!

  • Le 10 juin 2020 à 11:35, par Le réaliste En réponse à : Procureur général Vs Bâtonnier : « C’est une double violation de la loi », selon Me Rodrigue Bayala (SG du SYNAF)

    En réalité, le métier d’avocat est un mal nécessaire et devant le prétoire, l’avocat est autorisé par la loi à défendre son client par "tous les moyens", c’est à dire la tromperie, le mensonge, etc.., tout ce qu’il peut faire pour réussir à prendre les juges de contre pied pour les convaincre. Aucun citoyen ne devant se présenter devant un tribunal sans avocat selon la loi, alors l’avocat ne chôme pas au Faso actuel où ce ne sont pas les dossiers qui manquent en ce sens que les vols ; la corruption à ciel ouvert, Coup d’Etat et bien diverses autres infractions font légion.
    Du reste, dans beaucoup de dossiers juteux, les personnes poursuivies ou les plaignants passent par les avocats pour soudoyer les juges. C’est bonnet blanc, blanc bonnet.

  • Le 10 juin 2020 à 12:17, par burkinameilleur En réponse à : Procureur général Vs Bâtonnier : « C’est une double violation de la loi », selon Me Rodrigue Bayala (SG du SYNAF)

    Laissez les continuer à s’entre déchirer. dans tous les cas vous ne pouvez plus rien avoir comme revendication avec l’ETAT, noble soient elles. Si tu crache étant couché, c’est où le crachat retombe ?

  • Le 10 juin 2020 à 14:54, par sitting bull En réponse à : Procureur général Vs Bâtonnier : « C’est une double violation de la loi », selon Me Rodrigue Bayala (SG du SYNAF)

    Allez vous constituer dans tout l’espace CEDEAO, il ya des dossiers et votre métier est libre. Vous n’avez pas besoin de prendre en otage les institutions du pays.
    il ya des gens qui ont refusé le métier d’avocat et tous ses avantages pour servir le pays et les justiciables, il faut les respecter, allez chercher vos honoraires dans l’espace CEDEAO.
    l’Afrique est dans l’impasse à cause de certains héritages quoi...Le principe est simple, un supposé fautif doit pouvoir se défendre, même sans assistance. On a vu au TPR ici, certains ont été acquités sans problème.
    Votre liberté doit vous servir pour respecter les institutions et non les bloquer. Vous n’êtes pas d’accord avec la prestation de serment d’un nouvel avocat, plaignez vous en justice. Vous bloquez son fonctionnement pour punir qui au juste ?

  • Le 10 juin 2020 à 20:24, par kiriki En réponse à : Procureur général Vs Bâtonnier : « C’est une double violation de la loi », selon Me Rodrigue Bayala (SG du SYNAF)

    Siting bull j’appuie votre idée. Y a pas qu’au Burkina que les avocats peuvent plaider. Les avocats burkinabé peuvent plaider ailleurs.il faut y aller ? Ne vous inquiétez pas pour les justiciables.

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