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Côte d’Ivoire : trois ans de gâchis

Publié le mardi 20 septembre 2005 à 07h56min

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C’est un drôle d’anniversaire que l’on a célébré hier en Côte d’Ivoire. Si du
côté des Forces nouvelles, le 19 septembre marque le début d’une lutte pour
une reconnaissance citoyenne, du côté d’Abidjan, cette date est le symbole
d’une invasion du pays par des "assaillants" et le commencement d’une
résistance nationale.

Trois ans après que Guillaume Soro et ses compagnons
ont occupé une moitié de la Côte d’Ivoire, un dialogue de sourds continue
donc de prévaloir entre les différents protagonistes de la crise. Les milliers de
kilomètres parcourus à travers le monde, les longues journées de
discussions et de négociations, les multiples médiations et même les actions
belliqueuses sporadiques n’ont pu rapprocher les positions.

De sorte que la
Côte d’Ivoire demeure une poudrière à la fois identitaire et militaire, qu’une
petite étincelle peut faire exploser à tout moment. Et, en ce 3e anniversaire
de la rébellion, tous les ingrédients d’une déflagration semblent à nouveau
réunis.

Laurent Gbagbo ayant tourné en bourriques chefs d’Etat, médiateurs
et autres organisations internationales, on a passé trois ans à tourner en
rond. Gbagbo a mis toute son intelligence au service de son régime,
aujourd’hui réduit à une poignée de fidèles que protège une garde
prétorienne. En cinq ans d’expérimentation du pouvoir, Gbagbo n’a jamais su
devenir l’homme d’Etat, soucieux de renforcer l’oeuvre de construction du
"Vieux", comme le laissaient penser ses années d’opposant.

L’on devrait
même remonter jusqu’en 2000, pour comptabiliser les années de gâchis de
la Côte d’Ivoire post-houphouétiste, puisque l’élection de Gbagbo a fait le lit
au chaos que connaît le pays.
Mais on ne peut occulter le rôle de la France dans cette descente aux enfers,
depuis le soutien des socialistes qui a permis l’élection de Gbagbo, jusqu’à
l’interposition de la Force Licorne qui a pérennisé son pouvoir.

La France qui
croyait bien faire - éviter la guerre civile, sauver un régime légitime et
protéger les biens français - a malheureusement commis une triple erreur dès
le départ, qui lui coûte cher aujourd’hui, tant du point de vue de son prestige,
de ses dépenses militaires que de ses intérêts économiques.

En minimisant sa force militaire, en reniant toute légitimité au mouvement
rebelle et en lui déniant tout projet politique, les conseillers de Chirac l’ont
induit en erreur, ce qui a favorisé l’enlisement de la crise, avec les
soubresauts mortels pour les soldats, la chasse à ses ressortissants et le
sentiment anti-français que l’on sait.

Les erreurs de la diplomatie et des
stratèges militaires français ont même permis à Gbagbo de rebondir, au
moment où il était au plus profond de la vague. Surfant sur un nationalisme
anti-colonial (qui reste à clarifier), Gbagbo a retourné sa défaite militaire de
l’Opération Dignité contre le nord en un vaste mouvement anti-français qui
recrute ses sympathisants au-delà des frontières nationales.

Muammar
al-Kadhafi et, surtout, Thabo Mbeki, sont littéralement tombés sous le charme
de ce nouvel adversaire de la "néo-domination", selon le mot de Me Hermann
Yaméogo, un autre de ses admirateurs. Comme bien d’autres médiateurs,
Mbeki a aussi été embobiné par le pouvoir ivoirien, ce qui, en dernier ressort,
a compromis sa mission. Résultat : c’est l’impasse totale, avec surtout, en
ligne de mire, cette date butoir du 30 octobre pleine d’incertitudes. Comme au
premier jour de la rébellion.

La France, qui porte une lourde responsabilité morale dans la situation,
saura-t-elle éviter l’explosion ? En tout cas, une chose est sûre, un brin de
regret commence à animer certains Français, à l’image de ce proche du
dossier, qui se demande dans le dernier JAI, si la France n’aurait pas "dû
laisser le processus se dérouler jusqu’à son terme sans intervenir". Cela, en
laissant loyalistes et rebelles s’affronter. La France a une chance de se
rattraper. L’échéance du 30 octobre lui en donne l’occasion. Saura-t-elle
prendre la bonne décision ?

"Le Pays"

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