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Crise ivoiro-ivoirienne : Trois ans de vaines palabres

Publié le lundi 19 septembre 2005 à 07h33min

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Gbagbo, Mbeki, Chirac

Trois ans après le déclenchement de la crise sociopolitique qui déchire la Côte d’Ivoire (le 19/09/2002) tous les espoirs pour une résolution rapide de celle-ci ont été déçus. La faute à tous les "docteurs" qui ont, chacun à son tour, posé un mauvais diagnostic.

Aussitôt après le soulèvement armé du 19 septembre 2002, la Communauté internationale dans sa grande majorité s’est laissée subjuguer par le discours national-populiste de Laurent Gbagbo et ses séides. "C’est une guerre impérialiste" conçue et planifiée de l’extérieur et exécutée par des "apatrides", ont prétendu tous les sympathisants du camp présidentiel.

Férus de sciences politiques et habiles rhétoriciens, ces professeurs d’université, vieux compagnons de l’opposant historique au père fondateur, savaient pertinemment que le "péril extérieur" est un puissant vecteur de mobilisation des "masses populaires" autour d’un régime politique, fut-il fasciste. Hitler comme Mussolini l’ont bien expérimenté lors de la décennie 30 et au début des années 1944-1945 avec ces cohortes fanatisées qui ont conduit l’humanité là où on sait.

Plus loin, même si comparaison n’est pas raison, la cause étant juste cette fois c’est cette même idéologie nationaliste qui a permis à George Washington de fédérer tous les patriotes américains contre "l’envahisseur" anglais, préfigurant la gestation puis la naissance du plus grand Etat du monde. Gbagbo, Koulibaly, Affi N’Guessan et les autres avaient donc "tout bon", même si dans le cas ivoirien, c’était bel et bien "le voleur qui criait au voleur".

Parvenu au pouvoir dans les conditions que l’on sait (climat socio-politique délétère sur fond d’ivoirité aigüe) l’on pensait que le vécu d’opposant historique de Gbagbo au père fondateur lui ferait tirer parti de cette expérience en se plaçant en force centripède entre le PDCI de Bédié et le RDR d’Alassane Ouattara. Las et comme l’a si bien dit notre dernier invité de la rédaction, le ministre d’Etat, Salif Diallo, "le président Gbagbo n’a pas été le militant Gbagbo".

Le "camarade Laurent" fera l’option du raidissement et de la frilosité gouvernant la Côte d’Ivoire comme un parti politique, voire un clan. Toute chose qui va exacerber la même logique d’ivoirité avec cette histoire d’identification des Ivoiriens dont l’objectif final ne trompe personne.

La vérité rougit les yeux...

Autre acte manqué, le Forum de réconciliation avorté de décembre 2000, avec à la clé le vrai-faux coup d’Etat de janvier 2001 qui venait alourdir le déficit des droits humains en Côte d’Ivoire. Et comme le "décapitage" de l’armée se faisait au fil de ces vrais-faux coups d’Etat, on imagine que la moindre étincelle pouvait faire exploser la poudrière. C’est à ce brasier politico-ethnique qu’est venu se greffer le soulèvement armé du 19 septembre 2002.

En un mot, on a assisté à la défaillance de l’Etat, la gestion inefficace des affaires publiques, le déséquilibre des pouvoirs par le biais de la "clanisation", l’oligarchisation de ce même pouvoir et la régression de la démocratie tous identifiés dans le concept de l’ivoirité. Dans cette occurrence, et même si "prospective n’est pas prophétisme" on ne peut occulter cet exercice politique en Côte d’Ivoire.

Il est apparu que même si c’était aux Ivoiriens eux-mêmes de décider dans quelle mesure ils veulent s’engager dans un processus de prévention et de gestion de leur conflit, la volonté à manquer à ce niveau. La récente polémique sur l’après 30 octobre, date d’échéance du mandat de Gbagbo, est illustrative de cette assertion. La constitution ivoirienne ne tranchant pas clairement sur la question, chacun tire la couverture à lui.

Gbagbo a "confisqué" la gestion de la transition à son seul profit, malgré les tares sus-mentionnées, dont son régime s’est rendu coupable. Echaudée par les roublardises du "boulanger", l’opposition (légale comme armée) pose comme condition sine qua non de résolution de la crise son départ. C’est donc à nouveau la quadrature du cercle, rendu plus vicieuse par les positions partisanes de la médiation sud-africaine. Séduit ou aveuglé par le national-populisme de Gbagbo, Mbeki le "combattant de la liberté" est persuadé que celui-ci mène le "bon combat".

La preuve qu’il ne connaît pas le dossier ivoirien, lui qui pense que la votation des lois suffit à régler un problème qui se situe dans les esprits. Ce n’est pas pour rien et certainement pas par jalousie que les leaders ouest africains veulent le dessaisir du dossier au profit d’experts plus avertis. Une réunion de la CEDEAO est prévue dans les jours à venir à Abuja, de même qu’un conseil de paix et de sécurité à Addis-Abeba. Ces deux fora doivent être le lieu d’en appeler à la mise en place d’institutions et de structures décisionnelles démocratiques neutres, garantes de la paix, de l’intégrité physique et un environnement équitable et respectueux des droits fondamentaux.

Cela est impossible avec le pouvoir actuel, traversé par des courants contraires et la division (défection d’officiers loyalistes, crise de confiance au Sommet de l’Etat). Les sanctions ne faisant plus peur à personne en Côte d’Ivoire, il faudra aller au-delà de celles-ci. On pourrait articuler de façon précise et détaillée les conditions de l’aide privée (coopération, aide humanitaire) et de celle publique (crédits du FMI et Banque mondiale, pressions pour "passer la main").

Il faut "pousser gentiment" Gbagbo vers la sortie (personne n’a parlé d’ostracisation) sinon le serpent continuera indéfiniment à se mordre la queue. Compte tenu de la multi-ethnicité de la Côte d’Ivoire, on assisterait non pas à une "rwandisation" du pays, mais de toute la sous-région. La prochaine réunion d’Abuja est capitale à plus d’un titre.

Boubakar SY
Sidwaya

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Vos commentaires

  • Le 19 septembre 2005 à 21:37, par Jacques Digbeu-Lohourou Badlor En réponse à : > Crise ivoiro-ivoirienne : Trois ans de vaines palabres

    Parce qu’elle n’ a aucune credibilite, la CEDEAO n’ est d’aucun recours. Au rebours de Thabo Mbeki, l’ organisation aux ordres entendait gerer le dossier ivoirien au seul benefice de la France et de ses sous-prefets de presidents. Son echec etait previsible. A quoi servirait-il encore de se tourner vers elle sinon que pour tenter de sauver la mise a une France deroutee par le genie du leader sud- africain ? On ne peut que dire merci a Thabo dont la tenacite et l’ esprit d’ equite permettent aujourd’hui de demasquer le jeu cynique des croises encagoules de la Franceafrique. Ce president a du souffrir dans sa chair de notre indignite...joyeuse. Et tout ca pour quoi ? Pour le plaisir du demiurge blanc et... la haine de leur frere tout en oberant les chances de developpement de leur propre sous-region. Masochisme quand tu ...les tiens !!!Tout ce qui nous reste a faire aujourd’hui, c’ est de poser un acte resolu de repentance pour notre conduite affligeante envers un dirigeant africain precieux que nous avons souille de notre irresponsabilite legendaire et de notre soumission neocoloniale.

    Quant a votre couplet "gbagbo dehors", une belle carriere l’ attend. La verite du terrain, on le sait, a toujours raison des incantations !!!

    Jacques Digbeu-Lohourou Badlor,USA

  • Le 20 septembre 2005 à 11:17, par amon En réponse à : > Crise ivoiro-ivoirienne : Trois ans de vaines palabres

    Incroyable ! mais vous les journalistes burkinabé comment vous faire comprendre que augurer tous les maux d’egypte à la cote d’ivoire ne fait que faire souffrir en premier lieu les pays de la sous-region burkina-faso compris .
    aux dernières analyses on nous apprend que malgré ces trois années de guerre , la Cote d’ivoire continue à bien se porter , le pays est gouverné malgré qu’il soit virtuellement coupé en deux ! La partie sud reste assez productive alors que la partie nord au sud du burkina d’ou sont venus les rebelles s’enfonce de plus en plus dans la plus sombre des misères ...dans un retard de 30 ans developpement ...
    Certains de vos dirigeants politiques eclairés qui l’ont compris multiplient des vas et vient afin de faire comprendre aux burkinabé mélés à cette etrange sauce djoublé de lacher du lest car ce coup d’état à déjà échoué ...
    votre presse devrait aider les ivoiriens à tourner la page et non allumer le feu ...

    à bon entendeur salut !

    Amon un ivoirien fier de l’etre ...

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