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Soins dentaires et Covid-19 : « La priorité est réservée aux urgences », selon Dr Aimé Désiré Kaboré, président de l’Ordre national des chirurgiens-dentistes du Burkina Faso

Publié le lundi 27 avril 2020 à 22h15min

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Soins dentaires et Covid-19 : « La priorité est réservée aux urgences », selon Dr Aimé Désiré Kaboré, président de l’Ordre national des chirurgiens-dentistes du Burkina Faso

Les soins bucco-dentaires sont parmi les plus risqués en cette période de Covid-19, car le contact entre le patient et le praticien est très étroit. Ce qui augmente le risque de contamination par la maladie à coronavirus. Quelles sont alors les précautions prises par l’Ordre national des chirurgiens-dentistes pour limiter les risques de propagation de Covid-19 lors de ces soins ? La fréquentation des cabinets dentaires a-t-elle baissé ? Ce sont des questions auxquelles Dr Aimé Désiré Kaboré, président de l’Ordre national des chirurgiens-dentistes du Burkina Faso, a bien voulu répondre. Lisez plutôt !

Lefaso.net : Depuis l’apparition des premiers cas de Covid-19 au Burkina Faso, avez-vous constaté une baisse de la fréquentation des cabinets dentaires ?

Dr Aimé Désiré Kaboré : Depuis l’apparition de la maladie à coronavirus, des instructions ont été données par le ministère de la Santé pour éviter la propagation de la maladie. Eviter la propagation de la maladie, suppose des gestes barrières, une distanciation sociale qui va permettre de ne pas contaminer son voisin. Ce faisant, avec la psychose et la peur de cette contagion, les patients, pour un début, ont décidé eux-mêmes de ne pas venir ou de ne pas honorer leurs propres consultations, de sorte à rester chez eux et éviter le contact. Néanmoins, certains continuent de venir, même quand il n’y a pas d’urgence, même pour des soins simples ou des visites simples systématiques.

On constate même que dans certains centres de santé bucco-dentaires, la fréquentation n’a pas cessé, parce que, vous le savez, on ne va pas cesser de le répéter, la carie dentaire, les maladies bucco-dentaires sont le quatrième fléau mondial après les cancers, les maladies cardiovasculaires et le VIH. En français simple, dans le monde, il y a beaucoup de gens qui souffrent de maladies dentaires et parmi le lot de maladies, la maladie dentaire est la quatrième qui affecte le plus de personnes dans le monde.

Lorsque vous avez mal à la dent, lorsque vous ne pouvez plus mastiquer, lorsque vous ne pouvez pas manger, il faut trouver une solution et ça devient une urgence. C’est aussi une urgence, lorsqu’un problème esthétique se pose. Ce matin, un patient m’a appelé parce que sa femme a cassé sa prothèse et souhaite que cette prothèse dentaire soit reprise. Ce patient me dit : « C’est vilain ». Je comprends que dans le confinement, quand il manque une dent à madame, ce n’est pas joli ; c’est vilain. Mais j’ai rétorqué à ce patient que la situation exige qu’il reste à la maison et que ce n’est pas une urgence traumatique ou infectieuse. C’est une urgence prothétique, ce n’est pas une urgence algique.

Pour limiter les risques de propagation du Covid-19, quelles sont les mesures prises par l’Ordre national des chirurgiens-dentistes, quand on sait que pour les soins, le dentiste est très proche de son patient ?

Nous suivions l’évolution de cette maladie dans le monde et nous savions qu’il fallait se préparer. Dès que la maladie est apparue au Burkina Faso, nous sommes entrés en relation avec le ministère de la Santé et nous avons, dès le 23 mars 2020, diffusé auprès de nos consœurs et de nos confrères, des recommandations pour la prise en charge au cabinet dentaire.

Au cabinet dentaire, ce qu’il faut retenir, c’est que nous sommes à environ 20 centimètres de notre patient. C’est très intime, le contact entre le patient et le praticien, mais aussi nous avons des instruments dits rotatifs. Nous avons des instruments qui génèrent des aérosols, des éclaboussures. Et dès lors que vous tournez ces instruments dans la bouche, ces éclaboussures qui sont contaminées avec le sang ou avec des régurgitations respiratoires ou pulmonaires peuvent être rejetées dans l’environnement des soins, sur ma blouse, sur la blouse du patient, sur le fauteuil et dans l’environnement. Et comme le Covid-19 est une nouvelle maladie et qu’elle est méconnue, on ne sait pas exactement comment cette maladie évolue.

Le virus est nouveau, il faut prendre des mesures de sorte à ne pas propager ce virus au cabinet dentaire. C’est ce que nous appelons la contamination croisée. Ces éclaboussures qui vont être sur la paillasse et qu’on y met les mains, on peut prendre ce qu’il y a dedans. Eu égard à cette méconnaissance, nous avons décidé, au niveau de l’Ordre, de suspendre tous les soins qui vont utiliser ces appareils rotatifs en les limitant aux gestes urgents, aux soins qui nécessitent une urgence.

Nous n’étions qu’au début de la pandémie, il n’y avait pas de raison de dire que nous fermons les cabinets. Un détartrage qui n’est pas urgent, ce n’est pas la peine de le faire, parce qu’il va générer des aérosols, des gouttelettes qu’on ne voit pas, mais qui se répandent dans l’environnement. Certains gestes qui ne sont pas urgents, il faut les reporter. Nous avons demandé à l’ensemble des chirurgiens-dentistes de reporter les soins qui ne sont pas urgents, de sorte aussi à déconfiner les salles.
Dans la salle d’attente des formations publiques, il y a souvent 20, 30, 40 personnes.

Ce qui va faire qu’il va être difficile de respecter la distance d’un mètre entre chaque patient. Ces recommandations ont été envoyées en plus des recommandations techniques, c’est-à-dire les protocoles de soins, notamment comment aborder un soin dans ce nouveau contexte, ne pas aller directement dans la bouche sans utiliser certains médicaments pour baisser la charge bactérienne et virale dans la cavité buccale avant d’y aller.

Ces recommandations ont été diffusées à l’ensemble des chirurgiens-dentistes au début et nous saisissons votre tribune pour dire aux patients que pour tous les soins qui ne sont pas urgents, le comportement c’est de rester à la maison, d’appeler son chirurgien ou de s’y rendre en respectant les mesures barrières.

Beaucoup de structures continuent de ne recevoir que les urgences en respectant les mesures de distanciation. On écoute le patient et nous soulageons les patients à partir de prescriptions médicamenteuses qui peuvent remettre le geste qui n’est pas urgent, le geste qui peut générer des aérosols.

Seuls les soins urgents sont donc administrés ?

Jusqu’à cette période, tout est limité à l’urgence, notamment les urgences traumatiques et les urgences infectieuses. Dans ces urgences, nous écoutons les patients. Il y a des urgences qui ne nécessitent pas de geste thérapeutique et qui peuvent être levées par un traitement médical ; nous privilégions cela. Il ne faut surtout pas que le cabinet dentaire devienne un endroit de propagation de la maladie.

Si moi je vous prends pour un soin et que vous avez le coronavirus et qu’il y a des aérosols dans le cabinet dentaire, si la désinfection qui s’en suit n’est pas fameuse, je viens de vous dire qu’on ne connaît pas bien le virus, ça peut être le point de départ de nombreuses contaminations. Si non, nous avons fait face à beaucoup de bactéries, beaucoup de virus qui ont été virulents comme le virus de l’hépatite B. Mais avec les dispositions dans les cabinets dentaires, tout chirurgien-dentiste sait quelles dispositions prendre pour éviter ces contaminations croisées. Là, c’est parce que ce virus est hautement contagieux et qu’il est encore méconnu, que beaucoup de dispositions sont prises.

Avez-vous un appel à lancer à la population qui ne pas comprend pas toujours que l’accès aux soins dentaires soit limité ?

Ce que nous disons aux patients, c’est que nous sommes à ce jour en relation avec le ministère de la Santé pour faire ce qu’on appelle des cabinets dentaires de référence. Nous avons demandé que l’ensemble des cabinets puissent être dotés d’équipements de protection individuelle. Mais vous connaissez la problématique de ces équipements ; il n’y en a pratiquement pas. La ministre de la Santé en a parlé devant le parlement. Pour que le pays puisse être approvisionné, c’est assez difficile.

Nous avons proposé que tous les cabinets dentaires soient dotés d’équipements de protection individuelle, que pour prendre les urgences. Vous imaginez un malade du Covid-19 qui, en se rendant dans les toilettes, tombe et se casse une dent ; il y a une urgence douloureuse. Si le chirurgien-dentiste n’a pas d’équipement de protection individuelle, ça va être difficile pour lui de soigner ce patient sans être contaminé. Mais au stade actuel de la maladie, il est recommandé de ne prendre que les soins urgents. Les urgences douloureuses, les urgences infectieuses, les urgences traumatiques.

Pour tout le reste, nous demandons aux patients de patienter et de ne pas prendre le risque de se rendre dans un cabinet dentaire pour une prothèse cassée, pour une restauration défectueuse qui bouge qui ne dérange pas ou une chute de composite. Nous pensons que l’épidémie sera vite maîtrisée et que les soins reprendront comme avant. Mais pour l’instant, la priorité doit être réservée aux urgences douloureuses, infectieuses et traumatiques.

Un soin aujourd’hui va respecter des conditions et ces conditions, nous ne pouvons plus prendre en masse. Il faut prendre un patient en urgence, désinfecter et aérer la salle pendant 30 minutes avant de prendre le patient qui suit. Mais dès lors qu’il y a 50 ou 80 personnes, ce n’est pas bon parce qu’il y a des risques de propagation. Ne vous rendez dans les cabinets dentaires que si vraiment vous avez mal, s’il y a une infection.

Et là encore, le ministère est certainement à l’étude, parce que nous leur avons transmis une correspondance pour qu’on puisse organiser ces soins d’urgence de sorte à ce que si tous les cabinets dentaires ne peuvent pas être dotés d’équipements de protection individuelle, que des cabinets dentaires de référence puissent être identifiés, dotés de ces équipements.

Les autres chirurgiens-dentistes vont trier les soins d’urgence et envoyer les patients vers ces centres de référence où il y a des équipements de protection individuelle et on peut vous prendre en charge. Que pour l’urgence, mais pas pour tout le monde : je veux faire un plombage, j’ai les dents jaunes, je veux laver mes dents, ce sont des actes qui ne sont pas urgents et qu’on peut remettre à plus tard, le temps de contenir la pandémie.

Un dernier mot ?

Il ne faut pas oublier qu’il y a les cabinets dentaires publics et les cabinets dentaires du secteur privé. Mais dans la lutte, tout le monde va ensemble. C’est sûr que ces cabinets dentaires du secteur privé vont être impactés par l’arrêt ou la réduction des soins. Certains ont contracté des prêts pour ouvrir leurs cabinets, ils paient des impôts et aujourd’hui, les soins sont quasiment suspendus ou limités aux soins d’urgences. Ces chirurgiens-dentistes sont aussi dans les difficultés, mais ne baissent pas les bras.

L’ensemble des chirurgiens-dentistes, nous sommes en première ligne de ce combat comme les autres soignants, nous contribuons et nous sommes disponibles autant que faire se peut et chaque fois que nécessaire pour aller au front avec tout le monde pour lutter contre la maladie ou contre toute pathologie qui affecterait les populations du Burkina Faso.

Entretien réalisé par Justine Bonkoungou
Photos et vidéo : Mariam Sagnon
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Vos commentaires

  • Le 28 avril 2020 à 14:57, par une femme En réponse à : Soins dentaires et Covid-19 : « La priorité est réservée aux urgences », selon Dr Aimé Désiré Kaboré, président de l’Ordre national des chirurgiens-dentistes du Burkina Faso

    je voulais demander au Dr Aimé KABORE si la carie dentaire fait ou ne fait pas partie des urgences douloureuses, infectieuses ou traumatique ? Car mon enfant de 7 ans soufre de cette maladie depuis début mars j’ai été au centre bucco-dentaire de la mairie de Ouagadougou, on a fait faire à l’enfant une radiographie dentaire. Vu les résultats ils ont décider d’extraire la dent le 26 mars 2020. Je jour J, je me présente avec l’enfant on me dit de revenir après le covid19. Ils ont prescrit des antibiotiques et des antalgiques mais jusqu’à présent l’enfant soufre toujours. La joue est enflée et la bouche dégage une odeur. Vu que je ne peut pas accéder aux services bucco-dentaire de la mairie je me suis retourné vers les cliniques dentaires mais là aussi sans obtenir gains de cause. Le motif évoqué par chacun d’eux est qu’ils ont reçu des instructions du Ministère de la santé de ne pas recevoir des malades et pourtant le cas de l’enfant est une urgence et nécessite d’être pris en charge. Je lance un cris de cœur aux professionnelles du domaine et aux autorités du ministère de la santé de voir le cas de l’enfant car elle passe tout son temps à pleurer surtout la nuit.

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