1-Contexte :

Dans le domaine de la santé publique, la lutte contre les maladies virales requiert l’utilisation de désinfectants et solutions efficaces, par les populations des zones touchées par de telles maladies. Aujourd’hui, le monde entier fait face à une importante crise sanitaire liée à l’apparition de la maladie à coronavirus 2019 (Covid-19) dans la ville de Wuhan, en Chine centrale, depuis le 17 novembre 2019. En rappel le COVID-19 est une pandémie causée par un virus à ARN, le new coronavirus ou SRAS-CoV-2 [1].

Tout comme dans plusieurs pays de la sous-région, les premiers cas de la maladie sont confirmés au Burkina Faso, courant le mois de mars 2020, entrainant par ailleurs, une pénurie généralisée des solutions et gels hydrologiques dans le pays. Pour pallier cette pénurie, l’on assiste à une production massive de gels et solutions hydroalcooliques locales.

Dans ce contexte, il s’avère nécessaire d’attirer l’attention de nos populations sur le choix, la production ainsi que l’utilisation de ces composés pour leurs meilleures efficacités dans la lutte contre le CoViD-19. En particulier, la production des gels et solutions hydroalcooliques est régie par la norme NBF-ST003 en vigueur au Burkina Faso. Cette norme a été homologuée par le ministère du Commerce, de l’Industrie et l’Artisanat par Arrêté N°0123/MCIA/SG/ABNORM.

2-Qu’est-ce qu’un gel ou une solution hydroalcoolique ?

Les gels ou solutions hydroalcooliques (GHA ou SHA) sont des produits à séchage rapide, conçue spécifiquement pour la désinfection les mains.
 On appelle gel hydroalcoolique (GHA) un produit désinfectant cutané qui permet le nettoyage des mains tout en préservant les risques de transmission de bactéries, de champignons et de virus [2]. La consistance visqueuse du gel s’explique par la teneur élevée de glycérol ou de glycérine, par ailleurs la concentration efficace en éthanol ou isopropanol doit rester dans l’intervalle recommandé par l’OMS.

 Une solution hydro-alcoolique (SHA) est une solution aseptisante cutanée. Elle est utilisée afin d’assurer l’hygiène des mains. C’est un mélange d’eau et d’alcool (éthanol ou isopropanol) qui permet la destruction des bactéries, des champignons et des virus [2].

 Les GHA et SHA sont des préparations contenant de l’alcool qui, lorsqu’appliquées sur les mains, permettent d’inactiver et/ou de supprimer la croissance de microorganismes. Ils sont disponibles sous différentes formes (solution liquide, gel, mousse) et peuvent contenir un ou plusieurs types d’alcools.

2. Caractéristiques générales et propriétés organoleptiques des SHA et GHA

Selon la norme NBF-ST 003[2], dans la mesure où le permettent les bonnes pratiques de production, de conditionnement et de transport, les gels et solutions hydroalcooliques doivent être :

 à effet virucide afin d’éliminer les coronavirus, dont le COVID-19 ;
 exempt d’odeurs anormales ;
 exempt d’impuretés ;
 exempt de substances toxiques ;
 exempt de triclosan, un agent antibactérien perturbateur endocrinien ;
 exempt de matières allergéniques ;
 La teneur en alcool dans un produit hydro-alcoolique doit être comprise au moins supérieur à 65 % afin d’être efficace.

3-Composition et normes de préparation des SHA et GHA

Selon la norme NBF-ST003 [2], l’alcool est le principe actif des produits hydro-alcooliques, toutefois les caractéristiques des autres composants (glycérol, peroxyde d’hydrogène, eau distillée ou bouillante refroidie, etc.) doivent aussi être respectées.
L’OMS [3] recommande des proportions bien définies pour une production locale.
 Préparation de solution de 10L à base d’éthanol :
Ethanol 96% (8333 ml) + Peroxyde d’hydrogène ou eau oxygénée 3% (417 ml) + Glycérol ou glycérine à 98% (145 ml).

 Préparation de Solution de 10L à base d’isopropanol :
Isopropanol 99.8% (7515 ml) + Peroxyde d’hydrogène 3% (417 ml) + Glycérol 98% (145 ml).
En plus de l’alcool, certains GHA ou SHA contiennent parfois de la chlorhexidine, du triclosan (hexachlorophène). L’ajout de ces produits à l’avantage d’avoir un effet résiduel qui persiste au-delà de l’effet antiseptique de l’alcool. Toutefois, l’impact clinique associé à de telles additions demeure incertain.

4- Efficacité et critères de choix des SHA et GHA

Pour être efficaces, les SHA et GHA doivent répondre à l’effet virucide exigé par la norme NF EN 14476, qui définit leurs efficacités sur les virus grippaux (H1N1, H5N1, H3N2), coronavirus (SRAS), rotavirus (gastro-entérite), herpès, poliovirus, adénovirus, etc.

La majorité des SHA ou GHA contiennent de l’éthanol, de l’isopropanol, du n-propanol ou une combinaison de ces produits. Toutefois, l’efficacité des alcools contre les virus est variable. Bien qu’ils soient très efficaces contre la plupart des virus enveloppés (ex. : virus du groupe herpes, VIH), ils possèdent une activité variable contre certains virus non-enveloppés (ex. : rotavirus, adénovirus, rhinovirus, parvovirus) et certains virus enveloppés (ex. : virus de l’hépatite B et C, coronavirus) [4]. Cette activité réduite contre certains virus est d’une importance critique lors de la sélection d’une SHA ou GHA.

Pour la désinfections des mais contre les virus, les experts sont d’avis que les GHA et SHA contenant 60-80 % d’alcool sont considérées comme les plus efficaces par contre les solutions contenant plus de 80 à 90 % d’alcool sont en général moins efficaces [5].

L’OMS recommande des GHA et SHA avec une concentration finale de 80 % (v/v) d’éthanol ou 75 % (v/v) d’isopropanol.
Par ailleurs, les experts s’accordent pour affirmer qu’une fois appliqué sur les mains, le produit devrait prendre plus de vingt secondes pour sécher complètement. L’assèchement du produit sur les mains en moins de vingt secondes est donc signe d’une application insuffisante, ce qui peut résulter en une hygiène des mains inefficace.

5-Efficacité comparée entre les SHA, GHA et les savons

La différence entre les virus nus et enveloppés est essentielle pour comprendre l’action des gels ou solutions hydroalcooliques et savons ainsi que les règles définies pour la détermination de leur activité. Les virus enveloppés ou à peplos (poxvirus, coronavirus) sont des virus complexes entourés d’une membrane lipidique qui dérive des systèmes membranaires de la cellule hôte. Leur structure comporte des formations membranaires lipidiques associées à des protéines et ils ne sont que modérément sensibles aux savons antiseptiques comparés aux solutions et gels hydroalcooliques [4].

Les savons organiques qui sont des sels d’un acide gras, sont plus actifs sur les lipides des capsides virales des virus nus que ceux enveloppés tels que le Covid-19 .
Des travaux scientifiques ont montré, une nette efficacité de la friction avec un gel ou une solution hydro-alcoolique (éthanol 62%) sur les microorganismes par rapport au lavage simple ou antiseptique des mains, seul ou en association avec l’alcool. D’après les conclusions de ces travaux, l’efficacité des savons contre les microorganismes (bactéries, virus) nécessiterait plus de temps de contact et plusieurs lavages [6].

Ce qui n’est pas favorable en ce temps de pandémie du Covid-19 et d’accès difficile à l’eau potable dans certaines contrées du Burkina Faso.
Au-delà de ces constats, l’efficacité intégrale des GHA ou SHA locales pour une protection efficiente de la population contre le Covid-19 ; nécessite le respect du guide de préparation ainsi que le bon usage recommandé par l’OMS pour la désinfection des mains.

6-Risques possibles liées à l’utilisation des SHA et GHA

Les effets néfastes sur la santé humaine des SHA peuvent résulter d’une mauvaise utilisation (ingestion ou projection). Elle pourrait entrainer néanmoins des symptômes tels que les irritations, allergies, états de somnolence, agitation, maux de tête, nausées, vertiges, et même ébriété chez les enfants. En raison de la présence de certaines substances comme le triclosan
ou les éthers de glycol, perturbateurs hormonaux connus [7].

7-Recommandations

L’utilisation des SHA et GHA ne requiert pas d’eau, ni d’étape de rinçage ou de séchage. Les SHA s’appliquent par friction sans rinçage sur des mains sèches et d’apparence propres (sans souillure visible). L’efficacité des SHA ou GHA dépend de leur concentration en alcool. L’activité de l’alcool dépend de sa concentration, son efficacité diminue rapidement sur mains humides. Pour une bonne sécurité sanitaire l’utilisation des SHA et GHA doit se faire selon les recommandations de l’OMS à savoir :

L’usage des gels et solutions hydro-alcooliques est contre-indiqué :
• sur des mains mouillées (risque d’irritation plus important que sur mains sèches et dilution du principe actif) ;
• sur des mains souillées par des sécrétions, du sang ou tout autre liquide biologique (l’action désinfectante de l’alcool est diminuée en présence de matières organiques) ou encore talquées ou poudrées ;
• sur des mains lésées, des muqueuses ;

• sur des mains gantées ou pour la désinfection de surfaces inertes ;
La procédure d’hygiène des mains à l’aide d’une solution hydro-alcoolique doit respecter une séquence bien précise :

• mains propres et sèches, et après avoir vérifié l’absence de contre-indication ;
• remplir le creux d’une main avec 3 mL de solution hydro-alcoolique ;
• appliquer la SHA sur les deux mains en frictionnant jusqu’à ce que les mains soient sèches, sans oublier d’appliquer le produit entre les doigts et sur les pouces.
Références

[1]Wu et al.. A Novel Coronavirus from Patients with Pneumonia in China, 2019. February 20, 2020. N Engl J Med 2020 ; 382:727-733
[2] NBF-ST 003 : 2020. Gels et solutions hydro-alcooliques : Spécifications. 3p.
[3] ORGANISATION MONDIALE ET DE LA SANTE (OMS). Guide de production locale : formulations des produits hydro-alcooliques recommandés par l’oms. 2009.
[4] Rotter ML, Kampf G, Suchomel M, Kundi M. Population kinetics of the skin flora on gloved hands following surgical hand disinfection with 3-propanol-based hand rubs : a prospective, randomized, double-blind trial. Infect Control Hosp Epidemiol 2007. 28(3):346-50.

[5] Rihn B.H., Hadou T., LE Faou A. Virus, produits antiseptiques et désinfectants. La norme et ses limites. Dossier médico-technique. N°86. 243-249, 2001.
[6] Paulson DS, Fendler EJ, Dolan MJ et al. A close look at alcohol gel as an antimicrobial sanitizing agent. Am J Infect Control 1999 ; 27:332-38.
[7] Richard P, Saviuc P., Produits hydro-alcooliques destinés à l’usage cutané : étude rétrospective des cas d’intoxications recensés dans les CAPTV en 2009, comité de coordination de toxicovigilance, septembre 2010.

Dr Marius K. SOMDA,
Biotechnologie Microbienne et Industrielle
Département de Biochimie Microbiologie, LABIOTAN/CRSBAN/, UFR-SVT.
1Université Joseph-Ki-Zerbo, Burkina Faso.
Email : somdasmarius@yahoo.fr

Dr Emmanuel M. HEMA,
Enseignant Chercheur de Biologie et Ecologie animales,UFR-SAT.
2Université de Dédougou, Burkina Faso.