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Gestion du Covid-19 au Burkina : La coordination du Caucus des cadres pour le changement parle d’un tatonnement au sommet de l’Etat

Publié le vendredi 17 avril 2020 à 16h00min

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Gestion du Covid-19 au Burkina : La coordination du Caucus des cadres pour le changement parle d’un tatonnement  au sommet de l’Etat

Dans cette tribune signée ce vendredi 17 avril 2020, la coordination du caucus des cadres pour le changement parle d’un tatonnement au sommet de l’Etat dans la gestion du Covid-19. Et elle ne s’arrete pas seulement au niveau des critiques. Mieux, la coordination fait des propositions pour l’amélioration de la gestion de cette crise sanitaire.

Tribune du Caucus des Cadres pour le Changement (3 C) sur la gestion du Covid-19 au Burkina Faso

Le Burkina Faso à l’instar de bien d’autres pays du monde fait face à la pandémie à COVID-19 qui est une urgence de santé Publique de portée internationale (USPPI). La rapidité de propagation de cette maladie ainsi que ses conséquences sanitaires, socio-culturelles et économiques sont immenses. Dans un contexte de crise sécuritaire généralisée, de tensions sociales et politiques, de marasme économique, la gestion de cette crise devrait se faire de façon efficiente.

Malheureusement, nous avons assisté à un tâtonnement au sommet de l’Etat, faisant que la riposte n’est pas à la hauteur des attentes. Au regard de ce tableau sombre, le Caucus des cadres pour le changement (3C), donne sa lecture de la gestion de la pandémie au Burkina Faso dans un premier temps, avant de faire des propositions pour une gestion plus efficiente.

Quelle lecture peut-on faire de la gestion de la crise liée à la pandémie à COVID -19 au Burkina Faso ?

Gouverner c’est prévoir dit-on ! Malheureusement lorsque l’on jette un regard critique sur la gestion de la pandémie à COVID 19 au pays des hommes intègres force est de noter que la bonne gouvernance n’est pas au rendez-vous ! En effet, vous vous souviendrez que les syndicats des travailleurs de la santé ont conduit en 2019 des grèves à répétition pour exiger du Gouvernement, de meilleures conditions de travail. Ils réclamaient entre autres, des infrastructures et des équipements à la hauteur des défis à relever. Au lieu d’apporter une réponse satisfaisante à ces préoccupations légitimes, le Gouvernement s’était réfugié derrière la crise sécuritaire présentant les agents de santé comme étant des apatrides.

La Ministre de la santé disait en janvier « Nous sommes prêts ». Elle assurait que le Burkina Faso avait un système de santé prêt à faire face à une épidémie à COVID -19. Sans doute espérait-elle ne pas connaitre de cas de COVID-19, pensant comme certains que la chaleur et le sang noir constitueraient des barrières. Malheureusement le SARS-COV II a bravé la chaleur et la couleur pour révéler au grand jour l’impréparation de nos autorités et légitimer d’avantage les revendications des syndicats de la santé.

Le nouveau corona virus est entré par la grande porte, par le sommet. Il a ainsi entrainé un chaos organisationnel au sommet de l’Etat et révélé un manque de professionnalisme dans la coordination de la lutte.

Apres l’échec dans la tentative de gestion plutôt politique que professionnelle du cas ZERO, des mesures ont été annoncées dans la précipitation et l’improvisation.
Les premières mesures qui devraient être prises pour empêcher l’entrée du virus ne l’ont pas été à temps. Les frontières ont été fermées tardivement. Face au refus du gouvernement de s’assumer, les institutions religieuses ont dû se résoudre à fermer de leur propre chef les lieux de culte.

Pour remporter une telle bataille, il n’y a pas de doute que la coordination de la lutte ainsi que la stratégie adoptée jouent un rôle capital.

- la coordination de la lutte contre l’épidémie ressemble plutôt à une coordination de prise en charge des cas de COVID-19. Sinon elle devrait être assurée par un spécialiste en Santé Publique ou en épidémiologie ayant une expérience dans la gestion des épidémies.

En outre cette coordination devrait se faire sous le leadership de la Direction Générale de la Santé Publique (DGSP). Au lieu de cela, c’est un pneumologue sans compétences sérieuses en épidémiologie ou en virologie qui aurait mieux fait, plutôt que de arpenter les grandes salles pour lire des bulletins de santé signés par des services de communication du gouvernement, d’aller assurer la prise en charge clinique des cas à l’hôpital. Peut-être aurait-on moins de mortalité.

La coordination devrait faire appel à toutes les compétences, à tous les spécialistes Burkinabè dans le domaine de la Santé Publique, de l’épidémiologie, de la virologie, de l’infectiologie et disciplines transversales où qu’ils soient.

Que dire de la communication gouvernementale ? Elle est marquée par des contradictions entre Ministres, entre Ministres et le Coordinateur, entre Ministre et Ambassadeur ; une vraie cacophonie.
Dans ce cafouillage rien ne filtre sur ce que les citoyens souhaitent savoir :

- Quelles sont les capacités du Burkina Faso à prendre en charge les cas testés positifs au COVID-19 ?
- Quelle est notre capacité réelle en tests de dépistage par jour ?
- Quel sont nos capacités en termes de places en réanimation ?
- De combien de respirateurs disposons-nous ?

- Quelles sont les commandes en attente de l’Etat en termes de respirateurs, de tests de dépistage, de masques de protection pour la population, d’équipements de protection pour les agents de santé ? Ou bien, devrions nous nous contenter des dons notamment d’ALI BABA de la Chine.

La communication qui est faite ne rassure pas la population et crée une rupture de confiance d’avec les gouvernants. Il en découle les conséquences suivantes : Les populations commencent à douter des chiffres qui sont avancés, elles vont jusqu’à douter de l’existence de la maladie, les fake -news prennent le dessus sur la communication institutionnelle.

- Quant à la stratégie de riposte utilisée, elle n’est pas adaptée à la situation actuelle de l’évolution de la pandémie. En effet, on note :

la centralisation de la prise en charge sur le CHU-Tengandogo où tous les cas déclarés sont censés être pris en charge. Ce n’est pas réaliste lorsqu’on fait une projection pessimiste de l’évolution des cas selon les modélisateurs mathématiques ;
la mise à l’écart des Directions centrales du Ministère de la Santé (Direction Générale de la Santé Publique, Direction Générale de l’offre de soins), et l’utilisation d’un système parallèle qui ne s’appuie pas sur la pyramide sanitaire du Burkina Faso ;
l’absence de micro-plans de prise en charge médicale des cas confirmés de COVID -19 à l’échelle des régions. Les équipes au niveau régional n’ont qu’un rôle d’investigation ;

la faible réalisation des tests de dépistage avec au plus 157 tests réalisés par jour ;
le taux de létalité est élevé (5,57% à la date du 11 avril 2020 soit 27 décès sur 484 cas confirmés) posant de réelles interrogations sur la qualité de la prise en charge.

Qu’en est-il des mesures pour réduire la contamination et la propagation de la COVID-19 dans la population ?

Concernant la fermeture des marchés et yaars ; cette mesure a été prise sans concertation avec les différentes catégories socioprofessionnelles pour prendre en compte leurs préoccupations ; aussi, assistons-nous à des plaintes quotidiennes dans les médias par les commerçants, les transporteurs et acteurs du secteur informel qui supportent de plus en plus difficilement les mesures de fermeture sans dispositions d’accompagnement conséquentes. Le risque de survenue des émeutes de la faim est à craindre car les aides en vivres proposées par le gouvernement sont perçues comme humiliantes par les bénéficiaires.

Concernant le couvre-feu, nous nous posons la question de son efficacité réelle. En plus des violences policières relatées dans les réseaux sociaux, le couvre-feu a privé certaines familles vivant de petits commerces dans la nuit aux abords des rues, de ressources financières.

Quelles propositions pouvons-nous faire pour remédier aux problèmes soulevés par l’analyse situationnelle sus livrée ?

Pour rompre la chaine de transmission du COVID-19 au BF nous préconisons la prise des mesures suivantes :
- Intensifier la sensibilisation sur les mesures barrières et les normes de distanciation sociale, en mettant à contribution le monde communautaire et associatif qui opère déjà dans la lutte contre le Sida, le Paludisme et la Tuberculose.

- plutôt que de créer la pénurie de masque en fixant par arrêté des prix impraticables dans cette conjoncture internationale, l’Etat doit subventionner les masques de protection à un prix social et rendre son port obligatoire sur toute l’étendue du territoire.

- dépister systématiquement toutes les personnes suspectes, les personnes contacts, afin de les isoler pour les traiter éventuellement. Ainsi, on parviendra à briser la chaine de transmission communautaire du virus ;

- mettre à la disposition des agents de santé des équipements de protection individuels (EPI) adéquats : masques de type FFP2 -N94-N95, sur-blouses, sur-chaussures, lunettes de protection, gants etc.

- rompre avec la verticalisation de la lutte et utiliser plutôt le système de santé classique. Ce système classique assurait déjà la surveillance et la prise en charge des affections épidémiques. Il est incompréhensible que dans cette épidémie les acteurs stratégiques (SG et son DGSP) soient invisibles. Arrêtons avec le copinage et prenons la pandémie à covid-19 au sérieux. Il ne s’agit pas ici de « gombo » mais plutôt de boulot !

Les services de santé surtout les CHU et les CHR ne devraient pas seulement se contenter de l’investigation des cas suspects, mais aussi être dotés en équipement pour le dépistage (PCR, Scanner) et la prise en charge médicale des cas.
- Mettre en place une unité de tri des malades à l’entrée de chaque CHU, CHR, CMA et Hôpitaux de district et étendre la mesure de façon progressive aux autres formations sanitaires.

Pour réduire les effets appauvrissants des mesures sur la vie quotidienne des citoyens :
Plusieurs semaines après la mise en œuvre, le Chef de l’Etat devrait procéder à l’évaluation de l’impact de ses mesures et les réajuster. Si dans les bars, les maquis, les restaurants, il n’y a plus de regroupements de clients (chacun achète et rentre chez lui), le couvre-feu n’a plus de sens. Il aurait été plus pertinent que la police ait les moyens pour s’assurer du respect des consignes dans les lieux publics. Dès lors, le couvre-feu, à défaut d’être levé pourrait être réaménagé de 21 heures à 5 heures du matin.

La fermeture des marchés et yaars est une situation intenable pour beaucoup. Il convient de les ouvrir mais en aidant les commerçants à s’organiser pour respecter les gestes barrières. A chaque entrée de marché, disposer du matériel de lavage des mains ; y rendre le port de masque obligatoire, de même que le respect d’un mètre pour l’achat de la marchandise.

- Le Chef de l’Etat devrait rapidement inviter à une large concertation, les forces vives de la Nation (partis politiques, syndicats, OSCs, autorités coutumières et religieuses) afin de trouver ensemble les mesures idoines pour juguler cette crise.

En tout état de cause, la pandémie à COVID-19 qui sévit actuellement au Burkina Faso doit permettre à l’Etat ; de remettre en cause ses approches dans le domaine sanitaire et d’apporter rapidement les mesures correctives qui s’imposent.

Ouagadougou, le 17 avril 2020

Pour la Coordination du Caucus des Cadres pour le Changement,
Prosper NIKIEMA

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