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Lutte contre le Covid-19 au Burkina Faso : La Contribution du cadre de réflexion et d’action pour le développement

Publié le jeudi 16 avril 2020 à 16h01min

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Lutte contre le Covid-19 au Burkina Faso : La Contribution du cadre de réflexion et d’action pour le développement

Le Burkina Faso à l’instar de nombreux pays dans le monde, fait face à la pandémie du COVID-19. La propagation rapide de la maladie, son caractère mortel et l’absence d’un traitement médical efficace unanimement reconnu, constituent un sujet de préoccupation majeure pour les gouvernants et pour les populations.

En effet, la situation vécue par notre pays est inédite : couvre-feu, fermeture des établissements scolaires et universitaires, fermetures des marchés et « yaars », fermeture des lieux de culte, suspension des transports en commun, mise en quarantaine de quelques villes du pays, etc. Combien de temps durera cette situation pour notre pays ? Il est difficile de le prédire au regard du nombre des contaminations qui va crescendo depuis la détection du premier cas au Burkina Faso.

Par contre, la réalité sur laquelle l’on peut se prononcer sans risque de se tromper dans ce contexte, c’est que les conséquences à court, moyen et long terme de cette situation se ressentiront à tous les niveaux.
Le COVID-19 est aujourd’hui la source d’une crise sanitaire, économique et sociale mondiale qui requiert la mobilisation de tous afin de lutter efficacement contre cette maladie et mitiger ses effets sur notre pays.

Le CREDD, par la présente, souhaite partager sa réflexion sur trois points importants dans la lutte contre le COVID-19, à savoir la bonne gestion des moyens mobilisés, la nécessité pour le gouvernement d’améliorer sa communication et d’œuvrer à l’apaisement du front social.
Avant d’aborder ces points, le CREDD, tient à féliciter et encourager toutes les initiatives et actions publiques ou privées visant à contrer le COVID-19.

1. La bonne gestion des moyens financiers et matériels mobilisés pour la lutte contre le COVID-19

La gestion globale des effets de la pandémie du COVID-19 requiert la mobilisation de moyens matériels et financiers importants. A cet effet, le gouvernement burkinabè a adopté un ensemble de mesures économiques et sociales évalué à environ 394 milliards de francs CFA, dans lequel 177 900 426 041 FCFA sont consacrés au plan de riposte sanitaire.

En outre, la compassion et la solidarité spontanément exprimées par les personnes physiques et morales, nationales et étrangères, génère chaque jour de nombreux dons en nature et en espèce. Comme on peut le constater, cette maladie induit une prise de conscience sur la nécessité d’un renforcement de la solidarité, indispensable pour éviter à notre pays de sombrer dans un chaos hautement préjudiciable.

Si les efforts déployés par les pouvoirs publics et par toute bonne volonté dans le cadre de la lutte contre le COVID-19 sont à saluer et à encourager, il y a lieu de ne pas perdre de vue la nécessité d’assurer une bonne gestion des moyens financiers et matériels mobilisés. En effet, des rapports des corps de contrôle de l’Etat, des études du RENLAC, des investigations publiées dans des journaux, des témoignages exprimées par les citoyens sur des cas de corruption…, sont autant de sources qui témoignent que la gestion des biens publics dans notre pays n’est pas souvent vertueuse.

Les actes de corruption utilisés par certaines personnes pour s’enrichir facilement suscitent à juste raison l’indignation. Lorsque ces actes sont perpétrés au détriment des couches vulnérables de la société ou lors de situations affectant la société dans son ensemble telles que la lutte contre le COVID-19, au-delà de l’indignation, ils suscitent l’incompréhension.

Malheureusement, le constat est triste et implacable qu’il existe dans notre pays des personnes dont l’incurie et la cupidité sont sans bornes. Ni la misère, ni la détresse de leurs concitoyens, dans un contexte aussi sensible que celui de cette pandémie, ne sont en mesure d’atténuer ou de mettre en veilleuse leur nature prédatrice. Il ne faut donc pas se leurrer, les moyens mobilisés pour la lutte sont une manne qui va encore aiguiser leur rapacité.

C’est pourquoi, la veille sur la gestion de ces moyens s’impose à tous.
D’abord au gouvernement qui, en tant que dépositaire des moyens mobilisés, se doit d’en assurer une gestion irréprochable. Certes, nul n’ignore que la gestion globale de la pandémie n’est pas un exercice facile pour le Gouvernement. Cependant, il lui incombe de prêter une oreille très attentive aux suspicions exprimées par l’opinion nationale sur sa gestion des moyens alloués à la lutte contre la pandémie.

Pour cela, il est nécessaire de prévenir toute dérive de gestion en renforçant les dispositifs de contrôle interne et de reddition des comptes. Cela pourrait se faire avec l’implication des corps de contrôle de l’Etat et la participation de la société civile. Une telle action contribuerait à une gestion saine et transparente en étouffant les velléités de corruption d’une part, et à lever les suspicions émises par les citoyens sur l’instrumentalisation du COVID-19 à des fins inavouées, d’autre part.

En effet, l’actualité est marquée par les indignations et récriminations des citoyens sur les coûts exorbitants de l’hospitalisation des malades dans des hôtels de la place. Les nombreuses critiques contre le coût de cette action ont conduit le gouvernement, à réviser dans l’immédiat le budget et la stratégie de gestion des malades. Ceci n’est qu’un exemple qui vient mettre de l’eau au moulin de ceux qui doute de la bonne foi du gouvernement dans la gestion du COVID-19.

Ensuite, la veille sur la bonne gestion des moyens alloués incombe aux institutions publiques détentrices d’un pouvoir de contrôle et/ou de sanction sur la gestion des deniers publics : l’Assemblée nationale, la Cour des comptes, l’ASCE-LC, les Tribunaux. Dans ce contexte particulier, elles doivent se mettre en alerte et agir promptement pour prévenir ou réprimer les indélicatesses dans la gestion des moyens mobilisés y compris les dons en nature et en espèce.

Les effets de la pandémie du COVID-19 sur les plans sanitaire, économique et sociale affectent suffisamment le moral des individus au quotidien. A ce stress engendré par cette maladie, s’invite désormais le stress généré par les suspicions sur la gestion des moyens mobilisés pour la lutte. Les interrogations et les réactions des citoyens sur la gestion du COVID-19 par le Gouvernement laissent déjà transparaitre une crise de confiance qui pourrait impacter négativement la mobilisation pour la lutte.

Aussi, il est nécessaire que chacune des institutions citées, dans le cadre de ses pouvoirs légaux ait un regard particulier sur la gestion des moyens mobilisés à travers des investigations, des questions orales, des interpellations et des sanctions, ce qui aiderait à assainir la gestion de la pandémie et contribuerait à rassurer les citoyens.

Enfin, aux citoyens à titre individuel ou dans un cadre associatif ou communautaire. En plus du respect des mesures de prévention prodiguées dans les campagnes de sensibilisation pour freiner la propagation de la maladie, chacun doit contribuer à la veille citoyenne dans les actes de gestion, y compris financières du COVID-19. Cela peut se traduire par la dénonciation, dans les formes appropriées, de toute anomalie ou pratique douteuse observée dans le cadre de la gestion du COVID-19.

Toutefois, il est important de souligner que cette situation ne doit aucunement servir d’occasion pour des règlements de comptes de quelque nature que ce soit ; ce qui est en jeu, c’est la gestion efficace du COVID-19 en vue de mitiger ses effets sur le développement de notre pays. En cela, la responsabilité est collective. La lutte commande à chacun de s’élever au-dessus des ressentiments personnels pour préserver notre destin commun.

Les insuffisances des pouvoirs publics dans la gestion du COVID-19 doivent naturellement susciter des critiques ou des dénonciations, mais celles-ci se doivent d’être solides quant à leurs fondements. Les critiques doivent donc être constructives pour favoriser l’amélioration de la gestion et les actes indélicats dénoncés doivent être basés sur des preuves solides en vue de favoriser les mesures administratives et judiciaires adéquates.

2- La nécessité pour le gouvernement d’améliorer sa communication

Dans la gestion du COVID-19, les tâtonnements et parfois les contradictions dans la communication du gouvernement sont frappantes et ne contribuent pas à assurer la sérénité nécessaire dans la lutte.

Le but ultime de la communication, c’est de dissiper les zones d’ombre pour créer de la transparence afin de mettre en confiance les parties prenantes, parce que sans confiance mutuelle, c’est l’échec qui s’installe inévitablement dans toute relation établie.

En matière de gouvernance, la nécessité d’une bonne politique de communication gouvernementale se justifie par le besoin du soutien de l’opinion publique. « La communication politique trouve sa justification sous-jacente au fait que les raisons objectives qu’ont les citoyens d’être satisfaits ou non de leurs gouvernants sont moins importantes que les perceptions qu’ils ont de leur vécu. » disait Jacques SEGUELA.

Dans le contexte actuel de pandémie du COVID-19 semblable à ce que Ignacio Ramonet appelle la « tyrannie de la communication » marquée par l’information « marchandise », la communication gouvernementale doit être essentiellement anticipative avec pour objet principale l’information vraie.

La gestion de la crise sanitaire liée au COVID-19 a été malheureusement marquée par un vide communicationnel au niveau institutionnel. Dans les jours qui ont précédé et suivi l’apparition de la maladie dans notre pays, le gouvernement a brillé par son absence d’information et de mesures proactives qui auraient pu rassurer les populations et contribuer à ralentir significativement la propagation de la maladie.

Ce manque de réactivité et de présence sur la ligne de front a été ressenti par l’opinion comme un manque de coordination au niveau de l’action gouvernementale, interprété même par une partie de la population comme étant la preuve que le gouvernement ne veut pas jouer la carte de la transparence.

Ainsi, les sorties médiatiques des ministres en charge respectivement de la communication et de la santé, contraintes par les interrogations à répétition, voire harcelantes des populations à travers les réseaux sociaux, ont malheureusement mis à nu l’absence d’une politique adéquate de communication de crise et de veille stratégique en temps de crise.

Les mesures drastiques de fermeture des marchés et « yaars » de la ville de Ouagadougou ont été jugées par les acteurs directs et bon nombre d’observateurs comme inappropriées au regard du contexte propre à la dynamique socioéconomique de notre pays. Elles apparaissent aux yeux de certains comme une preuve que les gouvernants ignorent les conditions de vie des acteurs du secteur informel, d’autant plus que des mesures d’accompagnement directes et conséquentes n’ont pas suivi.

La publication dans les réseaux sociaux du projet de Plan de riposte initial d’un coût d’un peu moins de 178 milliards de FCFA a suscité l’indignation générale avant que le gouvernement ne fasse marche arrière, toute chose qui n’aura fait que ternir davantage son image. Cela a contribué à renforcer le manque de confiance des populations à l’endroit du gouvernement. L’expression « Coronabusiness » est désormais sur beaucoup de lèvres de nos compatriotes qui pensent à tort ou à raison que des autorités administratives et/ou politiques chercheraient à profiter de la pandémie pour s’enrichir.

Dans un tel contexte, il s’avère évident que le gouvernement aura de plus en plus de mal à contenir une certaine colère et indignation ainsi qu’à faire respecter les mesures prises dans la lutte contre le COVID-19.

Pour remédier aux conséquences liées aux insuffisances constatées dans sa communication de crise, le gouvernement doit revoir sa stratégie de communication avec pour objectif principal de regagner la confiance des populations. Cela passe nécessairement par les axes suivants :

• La transparence totale dans la gestion globale de la crise à travers des points réguliers sur les dons et l’utilisation qui en est faite ;
• La concertation avec les acteurs économiques (commerçants, restaurant, barres, etc.) sur les meilleures mesures permettant de concilier la lutte contre la pandémie et l’exercice de leur activités ;

• La bonne coordination des messages des membres du gouvernement ;
• L’implication des acteurs de la société civile ainsi que l’ASCE-LC dans le dispositif de veille de l’épidémie et la gestion des dons ; etc.

3- La nécessité d’apaiser le front social

La pandémie du COVID-19 a supplanté toutes les autres questions d’intérêt public dans les agendas nationaux et internationaux. C’est ainsi que sont passées au second plan les crises syrienne et libyenne, ainsi que la question du terrorisme dans l’espace sahélien. Notre pays qui avait connu une relative accalmie sur le front social a vécu, juste avant la pandémie liée au COVID-19, un début de surchauffe relatif à la question de l’application de l’IUTS sur les indemnités des agents de la fonction publique. La mise en application de cette mesure par le gouvernement a suscité une levée de bouclier par les syndicats, caractérisés par des mots d’ordre d’arrêts de travail plus ou moins suivis.

N’eut été la préoccupation commune liée à l’apparition du COVID-19, ces manifestations dues au mécontentement de cette catégorie de travailleurs risquaient de déboucher vers une énième paralysie de notre administration publique avec des conséquences certaines sur les résultats attendus des politiques publiques.

L’urgence sanitaire liée à la pandémie a conduit les syndicats à suspendre momentanément les actions visant à contraindre le gouvernement à revenir sur la mesure d’application de l’IUTS aux primes et indemnités du secteur public. Cependant, au regard de la détermination affichée par les syndicats sur cette question, il est fort probable que ce sursis sera levé dès que le pays sortira de cette pandémie.

La question que suscite une telle hypothèse, c’est de savoir si le Burkina Faso peut se permettre, dans un contexte post COVID-19 doublée de la persistance du terrorisme, de subir une fronde sociale ?

La question posée n’a pas pour but de réouvrir le débat sur la légitimité de la position du gouvernement ou de celle des syndicats. Elle vise plutôt à attirer l’attention sur l’intérêt et l’opportunité pour notre pays à endurer une crise sociale aux conséquences désastreuses, quel que soit la légitimité de la question.
Sur la question de notre capacité à endurer une nouvelle crise, il faut reconnaitre que les burkinabè sont très éprouvés par les effets directs et indirects de la crise sécuritaire liée au terrorisme.

La perte du contrôle de certaines parties du territoire, les conflits intercommunautaires, le lot sans cesse croissant de déplacés internes ne sont que quelques exemples qui suscitent l’émoi de toute la nation. Si à cela on ajoute la lutte contre le COVID-19, il apparait que notre pays se trouve engagé dans deux guerres d’envergure, et ne devrait pas se permettre le luxe d’ouvrir une crise sur le front social.

Pourtant, certains faits laissent entrevoir l’éclosion future des germes de la confrontation entre le gouvernement et les organisations syndicales du secteur public. Les mesures de retenue ou de suspension du salaire de certains agents pour fait de grève, l’absence de propositions particulières pour l’accalmie du front sociale dans les mesures économiques et sociales annoncées par le Président du Faso et relatives à l’atténuation des effets du COVID-19, ne militent pas pour un apaisement comme les circonstances l’exigent.

La gravité de la situation vécue par notre pays, commande une forte mobilisation de toutes les forces vives. Comme précédemment évoqué, c’est notre destin commun qui est en jeu. Aussi, au regard de son rôle central dans la conduite de la barque commune, le Président du Faso ne devrait lésiner sur aucune initiative pour fédérer toutes les forces vives afin d’insuffler l’énergie nécessaire pour faire tenir débout le Burkina Faso pendant et après les crises auxquelles il est confronté. Les attitudes consistant à ne pas adresser la parole aux organisations syndicales et à s’observer, de part et d’autre, en chiens de faïence ne présagent rien de bon pour le pays.

Il est important de souligner que le contexte ne se prête pas à des positions intransigeantes aux effets désastreux mais plutôt à la nécessité de faire prévaloir l’union sacrée. Il y a donc nécessité pour le Président du Faso et le gouvernement de tendre utilement la main aux syndicats.

Cela pourrait se traduire par la levée des sanctions touchant les salaires de certains agents publics d’une part, et l’amorce d’un dialogue franc et sincère avec les organisations syndicales afin de trouver des compromis aux questions qui les opposent au regard du contexte dont chacun mesure la gravité, d’autre part.

Telle est la contribution du CREDD à la recherche de solutions pour une meilleure redevabilité et communication du gouvernement en vue d’une restauration de la confiance de la population envers ses autorités administratives et politiques ainsi qu’à un apaisement du front social.
LE CREDD se veut un cadre de réflexion et de proposition de solution à la gestion durable de la chose publique pour une cohésion sociale nécessaire au développement économique et social du Burkina Faso.

Ouagadougou, le 15 avril 2020
Pour le CREDD
Le Président
Pato DONDASSE

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