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Mise sous tutelle du Libéria : un pas vers la bonne gouvernance

Publié le jeudi 15 septembre 2005 à 07h12min

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Le président libérien, Gyude Bryant, a signé le 13 septembre dernier, l’accord consacrant la mise sous administration onusienne de son pays. Cette implication de l’ONU vise à maîtriser, pourquoi pas, à éradiquer la corruption qui gangrène la gestion des affaires du gouvernement de transition au Liberia.

Dans le cadre de la mise en oeuvre de l’accord, de nombreux experts seront accrédités auprès du premier pays indépendant d’Afrique par les Nations Unies pour contribuer à assainir la conduite des affaires publiques.

Malgré l’importance manifeste en termes de bonne gouvernance de l’accord de mise sous tutelle onusienne du pays, il n’a pas suscité un engouement chez les autorités libériennes, à commencer par le président Gyude Bryant. Il avait , dans une de ses précédentes sorties à la télévision nationale, exprimé son refus de le signer. Il a donc fallu toute la pression des Nations Unies, des bailleurs de fonds et des organisations non-gouvernementales travaillant au Liberia, pour l’y contraindre. Certaines ONG, qui avaient tiré très tôt la sonnette d’alarme sur la corruption dans le pays, menaçaient de le quitter si rien n’était entrepris.

Mais, beaucoup d’observateurs voient surtout dans cette capitulation du président libérien, la conséquence de la politique pragmatique et de fermeté des Etats Unis en Afrique. Ils opposent à cette approche américaine dans le traitement des questions politiques sur le continent, celle de la France, qui, à force d’hésitations et de calculs, n’arrive véritablement pas à apporter des solutions de choc aux problèmes des pays africains sous son influence. Ils donnent comme exemple, la situation en Côte d’Ivoire où, pour n’avoir pas adopté une position claire au début du conflit, visant soit à restaurer la légalité sur toute l’étendue du pays, soit à le débarrasser de son président comme l’ont fait les Etats Unis au Liberia avec le départ de Charles Taylor du pouvoir , la France a aujourd’hui une lourde responsabilité dans l’enlisement du processus de paix.

A ceux qui évoquent la situation au Zimbabwe pour relativiser les résultats de la politique des Anglo-saxons en Afrique, les mêmes observateurs soulignent le fait que l’ancienne Rhodésie du Sud n’est pas dans une situation de conflit ou de guerre. Pour eux, il s’agit plutôt d’une lutte de libération que mène le président Robert Mugabé vis-à-vis des puissances occidentales, d’où les mesures d’asphyxie prises par ces dernières à l’encontre de son pays. Malheureusement, en dehors de l’Afrique du Sud et du Nigeria, estiment-ils, le président Zimbabwéen n’est pas soutenu par les pays africains, du moins officiellement. Ce qui l’oblige à se rendre dans des pays comme la Chine et Cuba pour faire face à ses détracteurs désireux de mettre un terme à ses velléités d’indépendance.

Il faut surtout saluer, en dehors de toutes considérations, la décision de l’ONU de s’impliquer dans la gestion des affaires publiques du Liberia en ce sens que cela va permettre d’orienter effectivement l’aide internationale vers la résolution des préoccupations du peuple libérien, principale victime de la guerre et de ses conséquences. Venus au pouvoir pour redresser la situation économique du pays, les dirigeants de la transition, en se livrant à une corruption tous azimuts, ont démontré leur incapacité à réaliser les espoirs de leurs concitoyens. Certains , au lieu de saisir cette opportunité d’apprentissage en matière de bonne gouvernance que représente la mise sous tutelle du pays, continuent de la dénoncer en invoquant des raisons discutables de souveraineté et de fierté nationales.

En effet, il est insensé de faire cas de ces sujets alors que le pays ne survit que grâce à l’aide de la communauté internationale. La logique aurait voulu qu’au nom même de ces exigences de souveraineté et de fierté, ces dirigeants libériens mettent un point d’honneur à assumer convenablement leurs fonctions en dehors de tout soupçon de corruption depuis le début de la transition. En fait, ces réactions réflétent plutôt l’ampleur du camouflet infligé à cette classe dirigeante du pays de George Weah.

Mais, au-delà des dirigeants libériens, c’est une honte pour la plupart des dirigeants politiques du continent, incapables dans leur majorité, de faire face aux défis du développement de leur pays. En effet, c’est la première fois qu’un Etat africain est mis sous tutelle de l’ONU pour mauvaise gestion.

Cela montre, s’il en est besoin, que les dirigeants du continent africain n’ont pas toujours le souci du bien-être de leurs populations pour lesquels ils prétendent se battre.

C’est pourquoi, la mise sous tutelle onusienne du Liberia doit faire tache d’huile, pour peu que cela se fasse sur des bases saines et objectives. L’ONU doit y recourir à chaque fois que cela est nécessaire pour un Etat africain. Ce qui importe, visiblement, ce ne sont pas les questions de souveraineté et de fierté nationales derrière lesquelles s’abritent des leaders politiques pour préserver leurs intérêts égoïstes, mais le bonheur des populations.

Dans cette perspective, la mise sous tutelle du Liberia est un pas dans la bonne direction. Et les Etats du continent devraient même penser systématiquement à demander l’assistance des Nations Unies lorsqu’il y a des difficultés insurmontables de gestion à l’échelle nationale. Agir dans ce sens, c’est prouver leur engagement en faveur de la bonne gouvernance et du développement.

Le Pays

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