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Covid-19 : « La peur et la panique contribuent fortement à la paralysie de notre système immunitaire », déclare le psychologue Dr Aloys Kaboré

Publié le lundi 13 avril 2020 à 23h00min

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Covid-19 : « La peur et la panique contribuent fortement à la paralysie de notre système immunitaire », déclare le psychologue Dr Aloys Kaboré

Le coronavirus a changé les habitudes et comportements des hommes. Chaque jour avec son cortège de contaminations et de victimes. Même si le taux de mortalité semble relativement faible en Afrique (où 80% des personnes contaminées guérissent à un stade bénin), il n’en demeure pas moins que les populations restent plongées dans une psychose généralisée. Toute chose qui n’est pas sans conséquences psychiques et physiques. Dans une interview accordée à nos éditions, le Dr Aloys Kaboré, docteur psychosomaticien, montre que les conséquences psychologiques sont extrêmement dangereuses à cause de la conversion organique des conflits traumatisants causée par la peur de la pandémie. Lisez plutôt.

Lefaso.net : La crise actuelle est une situation jamais vécue depuis plus d’un siècle. Beaucoup pensent qu’il s’agit d’une punition divine. Que répondez-vous à ces derniers ?

Aloys Kaboré : Avant de répondre à la question, permettez-moi d’avoir une pensée pour ceux qui souffrent de cette maladie, en priant qu’ils aient la force contre cette souffrance. Une pensée aussi pour le personnel soignant, les médecins et autres agents de santé. Permettez-moi de dire merci à Dieu avec vous, lui qui est au contrôle de toute chose.

Revenant à votre question, est-ce que vous voulez dire qu’on n’a jamais eu une pandémie de cette ampleur ? Pour ma part, non. Si vous voulez, les pandémies existent toujours. Rappelez-vous la peste noire ou de la grippe espagnole. De toutes les pandémies qui ont secoué l’humanité, le coronavirus est aussi une pandémie comme les autres. C’est la façon dont nous la vivons et réagissons qui peut faire la différence. De toute manière, il faut savoir que pour un être humain comme pour un Etat, tout ce qui lui arrive a toujours existé.

C’est un problème cyclique. Quand un problème arrive à une personne, à une famille, à une nation ou à la planète et qu’il n’y a pas eu de solution appropriée, ce problème revient d’une manière ou d’une autre avec son lot de messages. Donc, pour ma part, le coronavirus est aussi une pandémie cyclique, qui est là pour nous rappeler que nos avons des comportements parfois trop mauvais. On parle de douleur de centenaire. En 1918-1920, rappelez-vous qu’il y a eu la grippe espagnole.

Maintenant, est-ce une punition de Dieu ? Pour ma part, je ne crois pas. Je crois plutôt que c’est la conséquence d’un mauvais comportement de l’humanité. C’est l’âme du monde qui est malade. Ça veut dire que nous sommes tellement arrogants, nous nous sommes éloignés de Dieu, en prenant notre liberté en main. Et nous en payons le prix. Ce n’est pas Dieu qui nous punit. Mais plutôt la conséquence d’un comportement animal de l’Homme.

A titre d’exemple, dans le domaine de la sexualité, l’homme tombe parfois plus bas que l’animal. Finalement, qu’est-ce nous voulons ? Encore un autre exemple : dans cette pandémie, vous verrez des gens qui tenteront de s’enrichir sur la douleur des uns et des autres. C’est ça la punition divine. Donc pour moi, le coronavirus est le résultat d’une hyper-matérialisation de l’homme : l’argent, la liberté, l’arrogance, l’animalité…

Il s’est autodétruit et la pandémie nous donne une leçon d’humilité pour nous dire que nous nous sommes séparés de Dieu. Je pense que la première victime de cette douleur mondiale est Dieu lui-même. La souffrance frappe aussi bien les riches que les pauvres. Si c’était une punition, ça se limiterait seulement aux arrogants.

On constate que c’est la psychose générale et cela n’est pas sans conséquence sur le système immunitaire. Quel est le lien que vous établissez entre cette panique et la réaction du système immunitaire ?

Vous êtes journaliste. Si j’avais une proposition à faire aux journalistes, c’est vraiment de revoir leur façon de donner les informations.

Dès que vous allumez votre télévision, quelle que soit la chaîne, vous ne voyez que le Covid-19. Alors que c’est une attitude qui ne fait que rendre les choses encore plus compliquées parce qu’on bombarde le téléspectateur d’informations sur le Covid-19 et de façon inquiétante : le virus est méchant, il tue, toutes les descriptions possibles qui entourent le mal de coronavirus. C’est vrai, je ne le nie pas, la pandémie est une grande douleur mondiale. Mais nous devons savoir quelque chose : l’être humain est naturellement équipé pour faire face à toute agressivité qui vient de dehors.

Le coronavirus est perçu par le cerveau comme un danger ou une menace à notre survie. C’est un DHS (le conflit). Le système nerveux active instantanément un signal d’alarme pour nous aider à faire face à cette menace avec héroïsme, avec force. Mais le problème est que nous ne voyons pas cette menace parce que c’est un organisme invisible, donc nous ne pouvons pas la combattre de façon physique.

Nous ne pouvons pas fuir non plus car le Covid-19 est partout et les frontières sont aussi fermées. L’hormone est là pour nous aider à fuir et à nous échapper. Cette situation devient problématique et erronée. Nous entrons dans un sentiment d’impuissance. Le cerveau pensant nous aider nous plonge davantage dans une hyperactivation de notre système de défense. Plus nous écoutons les infos tous les jours, plus nous apprenons que le nombre de contaminations se multiplie, le nombre de victimes aussi.

La situation devient inconfortable et déstabilisante car elle devient très stressante. Nous vivons donc des conflits traumatiques qui deviennent traumatisants que le cerveau va convertir archaïquement en situation biologique (SBS). Ce qui nous rend encore faibles et exposés davantage à la maladie. Ça va devenir ce qu’on appelle la somatisation des conflits qui sont en nous, liés aux informations que nous avons reçues sur la méchanceté du coronavirus.

Donc, vous avez posé la question du lien entre la panique et la réaction du système immunitaire ; c’est très dangereux parce que quand nous sommes paniqués, notre système immunitaire est paralysé. Vous savez, l’une des plus grandes souffrances de l’homme, c’est la peur. La peur est une sorcière terrifiante. Elle nous fait prendre des décisions contraires aux bonnes.

Est-ce que vous voulez dire que même si on n’est pas atteint du coronavirus, la réaction de notre système immunitaire nous donne l’impression d’être comme une personne atteinte ?

Non, je n’ai pas dit ça. Mais prenons l’exemple d’un médecin qui décrit les symptômes. Chez certains de ceux qui sont paniqués et psychologiquement faibles, on va observer un phénomène. S’il dit par exemple que ça gratte au niveau de la gorge, la personne sent automatiquement quelque chose sur la gorge. S’il dit que ça donne de la toux, la personne commence à tousser. Ça donne des courbatures, ça produit le même effet chez la personne, et ainsi de suite.

Moi j’ai reçu un monsieur, lorsqu’il a vu la description des symptômes à la télé, il avait commencé à sentir les mêmes effets, alors qu’il n’est même pas atteint de la maladie. C’est son organisme qui réagit en réponse à ce que dit le médecin. Donc vous voyez que la peur est un véritable danger. D’où l’importance d’une bonne communication dans ce cas. Quand nous avons peur, nous allons développer des hypocondries qui ne sont que la somatisation de nos conflits qui vont encore paralyser nos systèmes immunitaires.

Il y a dans cette affaire de coronavirus des personnes confinées. Quel est le problème psychologique que ces personnes vivent ?

Le problème ici est qu’avant d’être confinée, la personne pensera avoir été en contact avec une personne porteuse du virus. Donc tantôt elle se dit, oui je suis contaminé ; tantôt non je n’ai pas été en contact avec le virus. C’est une grande souffrance psychologique. Et elle sera en colère contre l’Etat qui ne l’a pas protégé, en colère contre la vie en général. Elle aura tendance à prendre fréquemment sa température ou à appeler constamment son docteur.

Vous savez qu’en Afrique, beaucoup de gens vivent plus dehors qu’à la maison. A la maison, ça n’allait pas, mais le fait d’être dehors par le travail permettait de gérer au mieux les conflits de la maison, puisqu’on ne se voit que le soir. Maintenant, le voilà obligé de rester avec sa femme avec qui il ne s’entendait pas bien, avec qui il avait beaucoup de conflits.

Donc vous voyez que son problème est amplifié ici. Alors, la colère sera contre lui-même, contre sa femme, contre l’Etat et contre la vie. Donc pour la personne confinée c’est une grande souffrance. Avant le confinement, la personne devait être préparée psychologiquement, pour qu’elle ne développe pas ce qu’on appelle des hypocondries, des maladies psychosomatiques liées aux conflits intérieurs traumatisants.

Quelle ordonnance psychologique pouvez-vous prescrire à une personne dans ce cas ? C’est-à-dire, la meilleure attitude à observer dans des conditions pareilles.

La meilleure attitude, c’est de rester audacieux, courageux, avoir pleine confiance et surtout rechercher la bonne information. Il est surtout bon, pour ceux qui sont croyants comme moi, d’avoir surtout confiance en Dieu. Et ensuite observer les mesures d’hygiène que les autorités sanitaires nous ont prescrites. Il ne faut pas mettre sa confiance en Dieu et en bafouant les précautions pour prévenir la maladie comme certains croyants le font. Ce serait une faute.

Donc en résumé, c’est de rester audacieux, courageux, rechercher la bonne information et ne pas se laisser bombarder par des informations de gauche à droite. Deuxièmement, avoir pleinement confiance en Dieu et observer les mesures d’hygiène. Le problème passera.

Au niveau de l’Etat, il y a eu des mesures qu’on a été obligés de prendre, dont la mise en quarantaine des villes touchées, la fermeture des marchés et yaars, etc. Est-ce que là aussi il n’y a pas eu de panique qui a prévalu à la prise de ces décisions ?

Vous savez, l’Afrique spécifiquement copie toujours ce qui se passe ailleurs. Donc ce sont des mesures spontanées. Et aujourd’hui, c’est compliqué d’affirmer ou non s’ils se sont précipités. Mais il semble qu’il y a des pays qui n’ont pas confiné leurs populations (reste à vérifier) et qui ne sont pas aussi atteints que le Burkina Faso de nos jours. Je pense qu’ils ont pesé le pour et le contre pour voir qu’est-ce qui nous arrange vraiment.

Vous savez qu’au Burkina, beaucoup de personnes vivent au jour le jour. Donc ma réponse serait de mesurer le pour et le contre, avant d’engager certaines mesures. C’est pourquoi je dis que la question est difficile à répondre parce que si on laisse les gens sans confinement, les contaminations seront élevées. Mais il y a aussi la question de la faim qui est préoccupante. Donc autant de questions qu’il faut mûrir et trouver le juste milieu.

Alors, comment vous voyez l’issue de cette pandémie ?

Soyons optimistes et conjuguons nos efforts et je pense que cette pandémie passera. Aussi, il faut savoir que quand nous vivons une grande douleur, notre cerveau finit par nous aider. Ça veut dire que nous allons finir par institutionnaliser le coronavirus. Regardez par exemple le terrorisme, c’était aussi douloureux que le coronavirus. Ça continue de l’être malheureusement. Le cerveau a fini par l’institutionnaliser pour nous permettre de continuer notre existence.

Dans le cas de cette pandémie, nous allons faire ce qu’on appelle un acte de refoulement, en déplaçant la douleur vers des choses, des dates, des objets, des actes de pitié et des commérages... On va finir par le dompter dans notre cerveau et vivre avec, jusqu’à ce que la Nature décide.

Par exemple, aujourd’hui, le terrorisme est presque banalisé alors que de braves FDS et des populations continuent de se sacrifier. C’est pourquoi je répète qu’il ne faut surtout pas oublier la souffrance des FDS et des populations à cause de cette pandémie.

En résumé, l’issue heureuse est donc possible, moi je pense que ça va être graduel et on va finir par vivre avec. Et finalement, avec les efforts du gouvernement, les efforts des autorités de la santé et avec l’aide de Dieu, on va finir par vaincre cette maladie. En finissant, permettez-moi de remercier encore Dieu, de féliciter les acteurs de lutte contre cette pandémie et de prier avec vous pour le Burkina Faso, pour l’Afrique et pour le monde. Que cette leçon d’humilité que nous donne cette pandémie nous face revenir à l’essentiel (l’amour) et nous fasse comprendre que nous ne sommes pas maîtres de notre existence.

Propos recueillis par Etienne Lankoandé
Lefaso.net

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