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Lutte contre le COVID-19 : Sayouba Traoré s’interroge sur comment mettre au point un vaccin

Publié le dimanche 5 avril 2020 à 23h55min

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 Lutte contre le COVID-19 : Sayouba Traoré s’interroge sur comment mettre au point un vaccin

A travers cette tribune, l’écrivain et journaliste Sayouba Traoré s’interroge sur le processus de mise au point d’un vaccin contre le coronavirus. Sans aucun traitement pour l’instant, l’auteur voudrait dans sa démarche expliquer que l’obtention du vaccin contre le coronavirus requiert plus de temps, contrairement à ce que certaines déclarations laisseraient croire.

Pour répondre aux questions de l’heure, j’ai voulu savoir comment on met au point un vaccin. Question préalable : qu’est-ce qu’un vaccin ? Selon la définition des scientifiques et de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), "un vaccin est une préparation d’un ou plusieurs antigènes microbiens utilisés pour induire une immunité protectrice et durable de l’organisme, en faisant appel à l’immunité adaptative, par opposition à l’immunité innée. Les vaccins font tous appel à un même principe : stimuler les défenses immunitaires contre un agent infectieux en introduisant dans l’organisme cet agent ou une fraction de cet agent (antigène), rendu inoffensif pour l’homme."

Traduction : on prend une maladie et on cherche à identifier le microbe qui provoque cette maladie. Puis on cherche à savoir comment ce microbe agit pour provoquer cette maladie sur l’organisme de l’homme. Une fois que l’on sait tout ça, on inactive le principe actif du microbe et on en fait un vaccin. C’est-à-dire que ce vaccin injecté dans le corps, entraîne le corps de l’homme à préparer des défenses contre ce microbe. Bref, on donne une fausse alerte à votre organisme, qui se prépare et se tient prêt à se défendre en cas de vraie infection. Quand vous entraînez votre gardien de but, c’est la même démarche. Lui et vous qui tirez au but, vous savez que ce n’est pas pour de vrai. Mais cet entraînement lui donne les bons réflexes pour les matchs à venir.

A présent, la question qui nous occupe : comment on fabrique un vaccin ? Les procédés de fabrication sont souvent longs et complexes. Il faut entre six (6) à vingt-deux (22) mois pour produire un vaccin. Parce que c’est un travail qui fait appel à de nombreuses disciplines :

l’infectiologie, qui étudie les maladies infectieuses et leur épidémiologie (maladies vaccinables).

l’immunologie, qui étudie le système immunitaire, et le mécanisme d’action des vaccins.

Les biotechnologies, pour identifier les antigènes vaccinaux pour la production des vaccins modernes.

La première étape est d’identifier des protéines sans danger, mais capables de déclencher une réaction immunitaire suffisante. Ces antigènes sont ensuite isolés, purifiés, puis traités par un procédé chimique pour leur faire perdre leur toxicité. Après cette première étape de mise au point du produit vaccinal, vient l’étape de fabrication du produit pharmaceutique final.

Ce n’est pas tout, parce que les vaccins sont des médicaments particuliers dans la mesure où ils sont fabriqués à partir d’organismes vivants. Ils doivent donc être produits avec des précautions draconiennes, dans des locaux stériles, avec un personnel spécialement formé, habillé avec une tenue stérile et travaillant dans des conditions d’asepsie, pour éviter de contaminer les cultures ou les préparations, mais aussi de s’infecter eux-mêmes.

Des contrôles ont lieu tout au long de la chaîne de fabrication, pour s’assurer de la qualité des matières premières et des procédés de fabrication, et des tests d’efficacité, de pureté et de sécurité sont réalisés sur le produit final. Les phases de contrôle prennent finalement beaucoup plus de temps que la fabrication elle-même.

Il faut comprendre les chercheurs : un microbe est un ennemi invisible. Dangereux et tellement minuscule qu’on ne peut le voir à l’œil nu. Comment empêcher un tel agent de s’échapper de vos laboratoires pour aller faire des dégâts dans la population de votre pays ? Il faut une vigilance de tous les instants.

Vous avez fabriqué votre vaccin. Mais cela ne veut pas dire que vous pouvez aller piquer les gens au hasard comme cela. Il est nécessaire de passer par une phase de test appelée phase de développement « préclinique ». Cette phase a lieu au laboratoire, puis chez l’animal. Elle permet :

de déterminer les doses optimales qui permettent de protéger sans entraîner de toxicité ;

de vérifier que ce vaccin est sans danger aux doses utilisées (tolérance) ;
de vérifier qu’il est efficace pour stimuler nos défenses immunitaires (pouvoir immunogène).

Lorsque cette phase préclinique s’est déroulée avec succès, le développement d’un vaccin nécessite que des « essais cliniques » soient réalisés chez l’homme. Ces essais cliniques se déroulent en quatre phases. Ils ont pour objectif de déterminer la tolérance et l’efficacité du vaccin chez l’homme.

Pour pouvoir débuter, l’essai clinique doit avoir obtenu un avis favorable du Comité de protection des personnes et une autorisation de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé.

Phase 1 : sur 10 à 100 personnes : première administration chez l’homme. On étudie la tolérance et la production des anticorps (pouvoir immunogène) en fonction des doses que l’on administre.

Phase 2 : sur 50 à 500 personnes : on étudie la tolérance avec la formulation finale du vaccin et le nombre de doses retenues (schéma de vaccination) dans la population à laquelle cette vaccination sera recommandée.

Phase 3 : on étudie l’efficacité vaccinale et la tolérance à une grande échelle, chez plusieurs milliers de personnes.

Phase 4 : ces études sont réalisées après la mise sur le marché du vaccin. Elles permettent de vérifier qu’à grande échelle et chez des personnes pouvant présenter des affections chroniques, l’innocuité et l’efficacité du vaccin sont assurées, qu’il n’y a pas d’effets indésirables à long terme sur la survenue d’autres maladies.

Les études et les tests des phases 1 et 2 évaluent notamment les caractéristiques de la protection provoquée par le vaccin en fonction de différentes doses, l’interaction avec d’autres vaccins et le schéma de vaccination.

Ce n’est pas tout. Au niveau de chaque Etat, il y a des organismes qui testent et évaluent votre vaccin que vous venez de fabriquer. Ce que les scientifiques appellent la « politique vaccinale ». Ce sont ces instances qui donnent l’autorisation de mise sur le marché d’un pays donné. Ce que les scientifiques appellent "l’homologation". Un exemple qui est loin de notre sujet, je vous le concède, la politique de nos Etats en matière de pesticides.

C’est le comité sahélien des pesticides, logé au sein de l’Institut du Sahel qui est un démembrement du CILSS basé à Bamako au Mali, qui étudie les pesticides et décident s’ils peuvent être commercialisés dans le périmètre de l’ensemble du CILSS ou pas. Pour les vaccins et autres produits sensibles, c’est le même processus. Il ne faut pas croire que vous pouvez arriver et vendre votre produit comme vous voulez. Prudence ! Prudence !

J’espère n’avoir pas été trop long. Retenez seulement qu’il faut de 6 mois à 22 mois de recherches et de travaux pour fabriquer un vaccin ! Plus d’autres études avant de pouvoir venir vacciner les gens.

Sayouba Traore
(Ecrivain-Journaliste)

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