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Gouvernance en Afrique : Quand les forces « invisibles » dictent leur Loi !

Publié le lundi 30 mars 2020 à 16h30min

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Gouvernance en Afrique : Quand les forces « invisibles » dictent leur Loi !

Dans une réflexion sur la gouvernance en Afrique, le Président du Laboratoire Citoyennetés (ACE-RECIT), Raogo Antoine SAWADOGO revient sur le parcours du contient au cours de ces dix dernières années. Selon lui, les pays africains se sont presque habitués à vivre sous le diktat de forces « invisibles ». Des forces qui déjouent les pronostics, mettent à plat les agendas, redéfinissent les priorités, etc.

Pourtant, ces forces dites invisibles, ou qui se veulent tels, ont chacune un nom. On sait parfois d’où elles viennent. On sait comment elles grandissent et prennent de l’ampleur. On sait comment chacune d’elles se manifeste.

Ces forces invisibles s’appellent « immigration clandestine ». Elles s’appellent aussi « HANI » (Hommes armés non-identifiés). Aujourd’hui, surtout, elles s’appellent Covid-19. Sa particularité est que son apparition n’est pas a priori justifiée par un contexte de sous-développement, d’extrême pauvreté, ni de déficit de démocratie. Les grandes démocraties et les grandes puissances du monde ont du mal à endiguer sa propagation. Avec l’Afrique, le Covid-19 rejoindra les autres maux. Elle fera route avec d’autres forces invisibles et ensemble elles continueront de dicter leur Loi.

Elles ont en commun de :

1. Mettre à nu les carences des modes de gouvernance par nature trop centralisés. Des modes de gouvernance faits d’un mélange de mi-démocratie, mi-dictature, de mi-fermeté, mi-laxisme, et qui n’ont jamais réussi à instaurer un dialogue constructif entre les jeunes en quête de mieux-être et des aînés qui s’accrochent et s’agrippent au pouvoir et à ses avantages. Ainsi, des milliers de jeunes se voient obligés de prendre la route de l’exil incertain, ou à se laisser happer par des nébuleuses.

2. Battre en brèche des politiques publiques conçues pour fonctionner selon un schéma idéal qui, dans tous les cas, n’existe que pour ceux qui ont la capacité de soumettre l’appareil d’Etat à leurs propres desiderata. Le monde idéal que proposent les différentes politiques fonctionnent presque toutes sur la base de promesses qui se recyclent et qui ont du mal à transformer profondément la vie du citoyen.

3. Révéler au grand jour l’incapacité des Etats à fixer les priorités et à les assumer jusqu’au bout. On considère que tout est prioritaire et finalement aucun service n’est performant.

4. De réintroduire une égalité immanente entre les hommes : puissant gouvernant ou citoyen anonyme, riche ou pauvre, etc. tous subissent ou subiront les coups ou contrecoups de ces forces invisibles.

Pour une fois, ce n’est ni le sous-développement, ni l’extrême pauvreté, ni le déficit de démocratie qui sont a priori la source du mal. L’évolution de la pandémie a suivi une trajectoire autre .

Au moins, ces crises, ou si voulez ces forces invisibles, auront un mérite : celui de nous faire prendre conscience que tout n’est pas prioritaire dans un Etat et qu’on ne peut construire durablement qu’en misant sur un dialogue transparent (accès à l’information, et à la bonne information, avec une pensée pour les populations rurales, les analphabètes des TIC et des réseaux sociaux, etc.), une gouvernance inclusive et équitable (accès équitable aux soins) et sur des citoyens responsables. Ce n’est que par là qu’il sera possible d’inverser la situation dans laquelle le Covid-19 nous plonge, et par-delà l’ensemble des autres défis qui menacent la survie de nos Etats.

Raogo Antoine SAWADOGO
Président du Laboratoire Citoyennetés (ACE-RECIT)

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Vos commentaires

  • Le 31 mars 2020 à 10:52, par Djamana Tigui En réponse à : Gouvernance en Afrique : Quand les forces « invisibles » dictent leur Loi !

    Bonjour cher Président ;

    Votre écrit est émouvant, profond de sens, en somme complet. C’est toute la problématique des maux qui minent notre société qui est résumée en quelque paragraphes. Cet écrit est d’un niveau intéllectuel si élévé que le commun des mortels n’aura pas son mot à dire. Mais tout intéllectuel honnête, de bonne foie, reconnaitra à travers votre écrit toute la philosophie de notre handicap. Beaucoup hurlent sur les réseaux à travers des discours longs, dans tous les domaines, dans tous les sens , mais vides de fond en réalité. Merci et châpeau bas à vous mon président.

  • Le 31 mars 2020 à 12:29, par Franck En réponse à : Gouvernance en Afrique : Quand les forces « invisibles » dictent leur Loi !

    Je l’aurais cru s’il avait osé dire que les forces « invisibles » qui dictent leur Loi à l’Afrique, sont surtout des gouvernements occidentaux, comme la France, les USA, UE par exemple, et aussi des organisations monétaires comme la banque mondiale et le FMI...
    Il faut oser pointer le doigt là où ça fait mal, et là où se situe la source des vrais problèmes africains. Si non il vaut mieux se taire, au lieu de parler pour ne rien dire.

    • Le 31 mars 2020 à 15:01, par Non intègre En réponse à : Gouvernance en Afrique : Quand les forces « invisibles » dictent leur Loi !

      C’est trop facile d’accuser les autres pour se dédouaner. Aujourd’hui CUBA vole au secours de l’Italie et bien d’autres pays . Mais CUBA a été mis sous embargo pendant combien d’années ? Dans une situation de crise sanitaire comme celle que nous connaissons présentement y a t il lieu de privilégié la politique partisane ? Quand on parle de gouvernance c’est un ensemble. On ne décoiffe pas ce que son prédécesseur a fait au motif qu’il n’est pas de mon parti, ou quoi que ce soit. Les pays qui ont connu des épidémies récentes et qui ont su capitaliser tiennent mieux que ceux qui ne l’ont pas connu. La crise sanitaire au Burkina Faso est - elle nationale ou est - elle politique à telle enseigne qu’un parti au pouvoir mette en en place une cellule de lutte contre la maladie. Quid du ministère de la santé et comité de lutte contre la maladie installés ?

  • Le 31 mars 2020 à 13:20, par Sacksida En réponse à : Gouvernance en Afrique : Quand les forces « invisibles » dictent leur Loi !

    En matiere de gouvernance de nos etats, la mauvaise gestion, la prevarication et la predation des ressources publiques des elites politiques et administratives sont des sources endogenes du "Terrorisme des groupes armees" et ajoute a cela la rescente crise sanitaire mondialisee dans un contexte de luttes d’influences et de domination politico-economiques exogenes de nos pays. Cet etat de faits, compliquent d’avantage l’edification de vrais etats avec une gouvernance progressiste et vertueuse dans l’interet general des populations, et d’une jeunesse africaine en quete de production et de mieux etre. En outre, il serait opportun que des milliards detournes et pilles de nos pays soient effectivement rapatries pour des besoins vitaux de nos peuples confrontes a de multiples maux et defis. Dans cet ordre d’idees, que faire et quelle politique activer pour faire face aux defis sociaux economiques ? Thomas Sankara l’avait si bien ennonce : "Il faut proclamer qu’il ne peut y avoir de salut pour nos peuples que si nous tournons de facon radicale le dos a tous les modeles que tous les charlatans de meme acabit ont essaye de nous vendre des decennies durant. Il ne saurait y avoir pour nous de salut en dehors de ce refus-la. Pas de developpement en dehors de cette rupture. Il est clair, que face aux realites concretes, des solutions qui sortent des bureaux et des salons climatisees de nos politiciens sont en dephasage avec beaucoup de ces realites ; et ne rendent pas notre gouvernance efficace et ayant des capacites de remise en cause des fondements institutionnels, administratif, sociaux economiques de nos etats neocoloniaux. Salut.

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