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Show-biz au Burkina Faso : Managers, “managez-vous” d’abord !

Publié le mardi 13 septembre 2005 à 07h56min

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Jacob Daboué, DG du CENASA

La musique est au show-biz ce que le football est au monde du sport : passion et engouement ! La musique, celle burkinabè est à la fleur de l’âge et essaie de s’imposer au niveau national et international.

Ce rayonnement naissant de la musique burkinabè l’est non seulement à cause de l’émergence de nombreuses vedettes, de structures de production mais surtout de la présence de ces "faiseurs de talents," les managers. Qui sont-ils ? Comment travaillent-ils ? Autopsie d’un monde.

Le sport-roi, le football, a ses joueurs et managers (terme anglais qui signifie entraîneur) tout comme la musique a ses artistes et managers. Mais l’on ne parlera de vedette dans l’un comme dans l’autre domaine que lorsqu’on aura à faire à un talent confirmé, fruit du management.
Ce parallélisme nous permet de penser qu’au-delà du produit brut qu’il est, l’artiste-musicien ou la vedette en football, est la résultante d’un travail qu’on nomme management. Un travail qui incombe à ceux-là qu’on appelle dans le milieu du show-biz, managers. Au Burkina Faso, la nécessité pour les artistes-musiciens à travailler avec ces personnes-là a évolué avec le temps. Jadis, au temps des Georges Ouédraogo, Abdoulaye Cissé et autres, on n’en a pas tellement entendu parler. Cependant, les lois du marché (l’artiste est avant tout un produit à vendre) demandent aux musiciens de s’attacher les services d’un manager tant et si bien que le milieu en pullule de nos jours.

Qui est manager au Burkina Faso ?

Chacun y va de ses compétences, de ses rapports avec tel ou tel musicien, de ses appétits (eh oui !). Chacun a sa conception du management.

Pour Papus Ismaël Zongo de la structure Tam-tam Production, le manager est celui qui prend toutes les dispositions pour la bonne marche de l’artiste : lui trouver de bons producteurs, de bonnes maisons de distribution, orienter sa carrière vers de bons promoteurs de spectacles. Quant à King Cyriaque, chef du service productions et spectacles à ETK (Edition Télé Kaomba), le manager est celui qui, non seulement sait exploiter les atouts de l’artiste mais aussi discuter ses cachets et le promouvoir au maximun.

Enfin, Saré Issouf, chargé de promotion et marketing à Seydoni Productions, lui, pense que le manager est une personne qui reçoit mandat de la part d’un artiste d’exercer un certain nombre de choses : lui trouver une maison de production, de publicité pour vendre la matière première qu’il est. M. Jacob Daboué, directeur du Centre national des arts, du spectacle et de l’audiovisuel (CENASA), lui, dira que manager un artiste, c’est lui permettre par la force des choses, de sortir de son état de départ vers un état espéré qui soit meilleur à sa situation de base.

Il ajoute que manager quelqu’un n’est pas forcément le ménager mais le promouvoir dans ce qu’il sait faire de meilleur pour aller de l’avant. De Papus Zongo donc en passant par Aïcha Junior, King Cyriaque, Mao, Bationo Francis, Walib Barra, Kady, El Tafa Siboné, "Petit menteur," le métier semble être le même au Burkina Faso mais des constats s’observent : sont-ils à la hauteur des attentes des artistes-musiciens ? Sont-ils réellement des managers ou des promoteurs de spectacles ?

Le management des artistes-musiciens burkinabè tel que pratiqué laisse parfois à désirer. Et pour cause, n’importe qui se lève de nos jours et affirme manager tel ou tel artiste-musicien parce qu’il n’y avait jusqu’à une période récente, aucune structuration dans le domaine (l’Association des managers a vu le jour récemment). Dès lors, l’on se targue du qualificatif de manager, soit parce qu’on est l’ami, le copain ou une simple connaissance d’un artiste. Un autre caractéristique du management des artistes-musiciens est le fait que certains acteurs du show-biz font beaucoup d’amalgames entre un manager, un promoteur de spectacle, un producteur ou un directeur artistique. On a toujours vite confondu les rôles d’autant plus qu’aucun artiste-musicien burkinabè ne peut s’offrir le luxe d’avoir tout ce dispositif autour de lui.

Pour M. Saré, de Seydoni Productions, au Burkina Faso, on ne fait pas du management mais plutôt du placement : " les managers ici font un travail de placeur dans des spectacles. On a un management par imitation pour donner l’impression de travailler de manière professionnelle". Management de spectacles ou management de concerts, les expressions ne manquent pas pour qualifier la façon dont les choses se passent. Un situation qui fait ressortir une autre caractéristique de la profession de manager : la plupart travaille sans contrat clair et rédigé avec les artistes. Ce qui fait que certains artistes volent de manager en manager.

Et pour King Cyriaque de ETK, tout part d’une base de communication : "cela ne devrait pas exsiter si au départ le manager a été honnête, franc dans ses discussions avec l’artiste. Quand un artiste vole de manager en manager, soit il ne trouve pas son compte parce que le manager n’arrive pas à le vendre au maximum, soit c’est par ingratitude ou enfin c’est parce qu’il se prend la tête. On pourrait éviter tout cela si on signait les contrats par écrit et devant un notaire".

Smockey, artiste musicien, lui estime que le manque de professionnalisme se retrouve aussi bien chez le manager que chez l’artiste. Il pense que la donne n’est pas favorable aux managers qui ont 10 à 15% des recettes des contrats finaux qu’il a obtenus ; contrats qui d’ailleurs dépassent rarement vingt dans l’année. Somme toute, dira-t-il, "c’est facile de jeter la pierre à l’autre. On ne peut pas par exemple vendre un artiste qui n’est pas vendable. Je connais des artistes qui insultent tout le temps leur manager mais qui ne sont pas vendables. Du côté des managers, c’est pareil. Il y en a de pourris, qui n’ont aucun professionnalisme, escrocs, etc".

Ce par quoi passera l’efficacité

Papus Ismaël Zongo, lui, soutient qu’il y a de la légèreté de la part des artistes-musiciens quant au choix du manager tout comme c’est le cas chez des personnes qui pensent que devient manager celui qui a un ami ou un copain chanteur. Toutefois, M. Jacob Daboué pense que les managers burkinabè sont au niveau de ceux qu’ils managent : "Je ne doute pas qu’il y ait des gens qui ont fait de la formation.

Mais il ne peut pas avoir des managers qui soient si forts qu’ils dépassent le niveau de nos artistes. Dans le domaine de l’art, les managers qu’on a au Burkian Faso ne peuvent pas appliquer les mécanismes de management à cause du niveau des artistes et des habitudes comportales des Burkinabè". Tout bien considéré pour manager un artiste-musicien burkinabè, il faudrait tenir compte du milieu dans lequel il vit, des habitudes du pays de façon générale et des attitudes qui répondent aux habitudes de consommation du pays.

La plupart des acteurs du show-biz s’accordent à reconnaître que le professionnalisme doit être le maître-mot en la matière. D’où la note de satisfaction quant aux séminaires organisés à l’intention des managers par les autorités en charge de la Culture. De même que l’assainissement opéré en ce qui concerne le statut de l’artiste et les principes d’organisation de spectacles. C’est déjà un pas de gagné que d’imiter les managers professionnels même si chacun a sa façon de travailler.

En tout état de cause, le bon management passe toujours une série de questionnements : je suis manager de qui ? Pourquoi ? Comment faut-il le faire ?Quels sont les objectifs attendus ? Pendant combien de temps ? C’est à partir du savoir-faire de l’artiste qu’on doit le manager, le mettre aux prises avec les personnes qui ont besoin de son produit, avec une société de consommation qui exige de plus en plus des qualités exceptionnelles aux artistes- musiciens. Des managers efficaces, il en faut alors pour mieux vendre et positionner un Alif Naaba ou une Djata sur l’échiquier national et international.

Ismaël BICABA (bicabai@yahoo.fr)
Siwaya

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