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Proverbe du Jour : “Nous sommes lents à croire ce qui fait mаl à сrοirе. ” Ovide

“Aucune crise alimentaire ne peut nous surprendre” Issa Martin Bikienga, secrétaire exécutif adjoint du CILSS

Publié le lundi 12 septembre 2005 à 07h30min

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Le CILSS célèbre aujourd’hui sa journée sur le thème "Energies renouvelables et développement durable". Un événement qui vient rappeler la crise alimentaire qui a secoué cette année le Sahel. Le comité ne pouvait-il pas prévoir cette situation ? Qu’en est-il de la présente campagne ?

Issa Martin Bikienga, secrétaire exécutif adjoint du CILSS s’est prêté à nos questions. Il situe d’abord les raisons qui ont présidé au choix du thème de cette 20e journée.

Issa Martin Bikienga (IMB) : C’est un thème très important non seulement pour le Burkina mais aussi pour l’ensemble des pays africains. Aujourd’hui, la crise énergétique est une réalité dans le monde, mais malheureusement, il y a très peu de pays qui ont mené des réflexions, pour qu’on sorte réellement de cette situation. L’année dernière, nous avons participé à une conférence internationale sur l’énergie renouvelable à Bern. Au cours de cette conférence, des décisions importantes ont été prises . Je prends le cas d’un pays comme l’Allemagne qui a beaucoup d’énergies et par conséquent, n’a pas de problème en matière d’importation, d’utilisation des ressources énergétiques. Ce pays a décidé de consommer dans les 10 à 15 ans à venir, 20 à 25% d’énergies renouvelables.

Les pays sahéliens n’ont pas de ressources énergétiques fossiles. Ils doivent donc s’intéresser aux énergies renouvelables.

Ainsi, au mois de janvier 2005, au conseil des ministres du CILSS à Praia, nous avons proposé que le thème de cette journée soit consacré à la question des énergies renouvelables et au développement durable.

L’intérêt du développement humain durable est suffisamment connu, notamment depuis la grande conférence de Johannesburg (Afrique du Sud).

Nous avons donc choisi ce thème pour essayer de sensibiliser les décideurs, la société civile et tous les acteurs du monde sur la problématique des énergies renouvelables.

S. :. Paradoxalement, pour les énergies renouvelables, les pays pauvres qui devaient être les premiers dans ce domaine se sont fait devancer par les Occidentaux...

IMB : Exactement ! Vous avez touché du doigt le problème. Nous devions être les premiers à explorer le domaine parce que nous sommes des pays qui disposent de moins de ressources énergétiques. Mais, malheureusement, les pays développés nous ont devancés sur ce terrain. Il faut que les pays sous-développés s’inscrivent dans cette dynamique. Ainsi, nous avons prévu dans les mois à venir, un grand atelier au Niger (Niamey) pour parler de façon plus approfondie, de cette question. L’atelier va regrouper les 9 pays membres du CILSS et il y aura des présentations de technologies mettant en œuvre des énergies renouvelables.

S. : Il y a eu des grands projets autour de l’énergie solaire, mais apparemment ils n’ont pas bien fonctionné. Qu’est-ce qui explique cela ?

IMB : L’énergie solaire est quelque chose d’intéressant mais d’assez compliqué. Les équipements solaires sont importés. Leur conception et leur réalisation sont coûteuses. Cela fait qu’au final, les produits nous reviennent chers. Donc, le premier problème est le coût des équipements. Un autre problème est le vol des panneaux solaires. Habituellement, on utilise l’énergie solaire dans les régions assez reculées et les panneaux sont souvent installés dans des lieux pas trop protégé. Au Sahel, c’est surtout au Burkina qu’il y a beaucoup de vols de panneaux solaires. Ces panneaux, une fois volés, sont écoulés au Mali. Ce qui nous a conduit à réaliser une étude sur la manière dont les vols se manifestent dans les différents pays.Nous avons même poussé la réflexion plus loin afin de voir s’il n’est pas possible de fabriquer des équipements munis d’un système antivol. Enfin, il demeure une autre difficulté avec l’énergie solaire, son faible rendement. Autre difficulté, on n’est pas encore parvenu à mettre au point, des panneaux pouvant fournir en continu un courant de très forte intensité, de haute tension.

S. : L’actualité, c’est la crise alimentaire au Sahel qu’on tente de juguler. Qu’est-ce qui a fait que la prévention n’a pas marché ?

IMB : On ne peut pas dire que la prévention n’a pas fonctionné. Aujourd’hui, aucune crise alimentaire ne nous surprend. On a des dispositifs d’alerte dans les neuf (9) Etats membres du CILSS et le suivi est régulier. Evidemment d’un pays à l’autre, il y a des façons différentes de traiter l’information. Vous pouvez annoncer par exemple un événement et puis, on ne vous croit pas. Avant que les criquets ne fassent leur apparition, le CILSS avait donné l’information à tous nos Etat membres à travers ces bulletins d’information. Mais nous déplorons souvent que ces bulletins ne soient pas consultés par les décideurs.

Quant à la situation alimentaire, nous la maîtrisons. Au CILSS nous avons un système d’information très fonctionnel sur la sécurité alimentaire à tel point que l’UEMOA a demandé qu’on fasse l’extension de ce système à ses pays membres (non membres) du CILSS. Cependant, nous avons constaté que certains pays ont déclaré des effectifs et des chiffres qui sont loin de la réalité.

Nous persistons à dire que cela n’aide pas ces pays encore moins le CILSS. Tout simplement, nous voulons qu’on puisse parler d’une même voix avec la communauté internationale. Si les données agricoles des pays ne sont pas confirmées à notre niveau, elles ne peuvent pas être acceptées par la communauté internationale. Conséquence, il est parfois difficile de mobiliser l’aide alimentaire. A la date d’aujourd’hui, il y a quatre (4) pays membres du CILSS dont les données sur la situation alimentaire n’ont pas été acceptées parce que ces données sont invraisemblables. En tant qu’institution, le CILSS est bien placé pour aider les pays à mobiliser l’aide alimentaire, mais si les données ne sont pas fiables, c’est très difficile.

S. : On n’a pas beaucoup entendu parler du CILSS dans la gestion de la crise alimentaire tout comme dans la mobilisation de l’aide alimentaire. Qu’est-ce qui explique cela ?

IMB : Non, le CILSS ne mobilise pas l’aide alimentaire. Cela relève de la compétence du Programme alimentaire mondial (PAM). Mais avant que le PAM ne mobilise l’aide alimentaire, nous lui donnons l’information sur la gravité, la vulnérabilité de la situation alimentaire. Le CILSS et le PAM travaillent ensemble. Cependant, nous ne sommes pas directement impliqué dans la mobilisation de l’aide alimentaire même si nous y contribuons par notre système d’information. N’empêche, nous avons aussi des relations privilégiées avec un certain nombre de pays donateurs qui nous consultent parfois avant d’agir.

S. : Cette année, est-ce qu’on peut dire que la situation agricole sera bonne au Sahel ?

IMB : A partir des données fournies par notre centre régional AGRHYMET qui a travaillé avec d’autres centres similaires du monde, nous avons dit, il y a deux mois que cette campagne devrait être normale à excédentaire.Dans certains pays, il y a eu des inondations, dans d’autres nous avons constaté des poches de sécheresse. Au Burkina par exemple, des cas de sécheresse tout à fait étonnants inhabituels ont été constatés au niveau du Sud-Ouest et dans une partie des Hauts-Bassins. Cela peut s’expliquer par le fait que nous sommes dans un siècle très marqué par des changements climatiques. Même en Europe, il y a des sécheresses, des inondations. C’est pareil aux Etats-Unis où l’ouragan Katrina a causé beaucoup de dégâts. Les changements climatiques constituent un phénomène réel qu’il faut prendre en compte. Au niveau du CILSS, nous avons, d’ailleurs, un projet dont l’objectif est d’aider les pays à s’adapter aux changements climatiques. Cela est d’autant plus nécessaire qu’il est difficile de changer le climat de façon artificielle.

S. : Et le Programme Saaga dans les pays du CILSS, où en est-on ?

IMB : Le programme continue son petit bonhomme de chemin. Le Burkina a eu l’avantage, l’année dernière, d’abriter la conférence scientifique sur le programme régional d’augmentation des précipitations par ensemencement des nuages (Programme Saaga). Nous avons un document du programme adopté par les 9 Etats membres du CILSS. Après cette conférence, il est question d’organiser une table ronde des bailleurs de fonds et une conférence ministérielle prévue au mois de mars 2006 à Genève. Pour le moment, nous avons obtenu de la Banque Islamique de développement, l’assurance pour être chef de file des bailleurs de fonds. C’est elle qui va faire du lobbying auprès des autres bailleurs de fonds. Nous devons à peu près mobiliser 46 milliards de F CFA pour les neuf (9) Etats. Cela prend du temps mais nous ne désespérons pas.

Entretien réalisé par Victorien A. SAWADOGO (visaw@yahoo.fr)

Sidwaya

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