LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Nous sommes lents à croire ce qui fait mаl à сrοirе. ” Ovide

Cancer de la prostate : Au stade avancé, la prise en charge avoisine 1 800 000 F CFA

Publié le mercredi 11 mars 2020 à 11h29min

PARTAGER :                          
Cancer de la prostate : Au stade avancé, la prise en charge avoisine 1 800 000 F CFA

Au Burkina Faso, les cancers les plus répandus chez les hommes sont ceux de la prostate, du poumon et du foie. Quels sont les facteurs de risque de ces cancers ? Comment se fait la prise en charge et combien coûte-elle ? Peut-on en guérir ? Ce sont autant de questions auxquelles a bien voulu répondre Dr Aboubacar Bambara, oncologue médical, chef de service oncologie et hématologie clinique au Centre hospitalier universitaire (CHU) de Bogodogo et enseignant à l’Université Joseph-Ki-Zerbo.

Lefaso.net : Quels sont les types de cancers les plus répandus chez les hommes ?

Dr Aboubacar Bambara : Au Burkina Faso, le premier cancer chez l’homme, c’est le cancer de la prostate. Ensuite viennent le cancer du poumon et surtout le cancer du foie.

Quels sont les facteurs de risque de ces cancers ?

Pour le cancer de la prostate, on n’a pas beaucoup de facteurs de risques qui ont été prouvés. Souvent, on parle d’une notion d’hérédité familiale. Ce qu’on doit faire, en Afrique, on ne peut pas être là, avoir plus de 45 ans ou 50 ans sans avoir fait son dosage du PSA. C’est un élément important que nous devons intégrer dans notre bilan annuel de santé, ce qu’on appelle en termes anglo-saxons le check-up. C’est un cancer qui, détecté au stade précoce, nécessite seulement une intervention chirurgicale et le problème est réglé. Mais lorsque nous arrivons au stade avancé comme nous le voyons souvent, la prise en charge devient plus compliquée.

Pour le cancer broncho-pulmonaire, les cancers du poumon en général, il faut reconnaître que de par le monde, on est en train de lutter contre un des grands facteurs de risque certain qu’est le tabagisme. Et on se rend compte aujourd’hui que dans nos pays, beaucoup de jeunes commencent à fumer très tôt. Vous voyez que beaucoup de gens sont engagés dans la lutte contre le tabagisme, parce que c’est un fait réel. Il faut dire que le tabac est incriminé en très grande partie dans le cancer du poumon. Alors que si on arrive à lutter contre ce facteur de risque, on a plus de chance de lutter contre les fréquences élevées de cancer du poumon.

Le dernier cancer touchant les hommes, et aussi commun aux femmes, c’est le cancer primitif du foie. C’est le cancer qui attrape notre foie, sans que ce ne soit le site de localisation d’un autre cancer ; et l’élément majeur, c’est l’hépatite B. Nous devons, de nos jours, que l’on soit un homme, que l’on soit une femme, connaître notre statut sérologique de l’hépatite B qui fait énormément de ravage. Parce que là encore, à l’image du cancer du col de l’utérus qui n’est pas symptomatique, c’est-à-dire qui n’a pas de signes au début, c’est la même chose pour le cancer primitif du foie. C’est un cancer qui, au début, ne fait pas mal. Au début, on n’a pas de signes, on ne sait pas qu’on est malade.

Et lorsqu’on se rend compte que le foie – qui, normalement, n’est pas palpable - se met à grossir, c’est en ce moment qu’on voit les malades en consultation. Et lorsqu’on arrive à des stades avancés, on se rend compte qu’il y a de l’eau dans le ventre, ce qu’on appelle de l’ascite, c’est en ce moment que les gens viennent en consultation. A ce stade, les chances sont très faibles de pouvoir s’en sortir. Donc c’est très important pour toute personne de connaître son statut sérologique de l’hépatite B. Et les hommes, à partir de 45 ans, en Afrique - il faut le préciser, parce que ailleurs le cancer de la prostate survient chez le sujet un peu plus avancé en âge -, il faut faire le dosage de PSA qui peut permettre de savoir s’il y a un risque de faire un cancer et prendre rapidement en charge. Et enfin, il faut arrêter de fumer, parce que le cancer de poumon existe ; et pour ceux qui sont exposés au tabagisme plus jeunes, le risque est encore plus élevé de faire un cancer des poumons.

Y-a-t-il des signes qui peuvent alerter sur la survenue de ces cancers ?

Pour le cancer de la prostate, lorsque vous remarquez que vous avez des difficultés à uriner ou lorsque vous avez des douleurs quand vous allez uriner ou, au pire des cas, quand vous urinez du sang, vous devez vous inquiéter. Vous ne devez pas attendre. Quand on urine, on a une certaine puissance de l’urine chez l’homme qui permet de projeter l’urine au-delà de nous ; mais quand on constate qu’on commence à uriner sur nos pieds, et on n’a plus le jet quand on va se soulager, il faut s’inquiéter. Il faut consulter pour qu’on vérifie s’il s’agit d’un cancer de la prostate ou pas. Il y a ces signes qui sont essentiels et qu’on doit avoir à l’esprit et qui peuvent nous orienter vers un cancer de la prostate.

Pour ce qui est du cancer des poumons, une toux qui ne finit pas doit inquiéter. La transformation de la voix quand on a l’impression d’être constamment enrhumé, la voix est enrouillée, il faut s’inquiéter et aller consulter.

Nous avons ouïe dire que les hommes qui ont fréquemment des relations sexuelles courent moins de risques d’avoir un cancer de la prostate. Qu’en est-il réellement ?

Au départ, on avait entendu que le fait d’avoir une sexualité active chez l’homme était responsable du cancer de la prostate. Ensuite, on est revenu dire que ça protège. Je pense que le vrai problème ici, c’est qu’il faut surtout éviter qu’il y ait des infections. Parce qu’un rapport sexuel non-protégé est une source d’infection chez l’homme. Et quand ça devient chronique, cela peut favoriser la survenue du cancer de la prostate. Sinon, ce sont deux études qui sont contradictoires, mais je pense qu’il faut beaucoup plus avoir des rapports sexuels protégés et surtout avoir une bonne sexualité. Il n’est pas défini pour l’homme d’avoir X rapports sexuels par jour, par semaine ou par mois. Chacun va à son rythme. De nos jours, la tendance est de penser que ce serait protecteur sans vraiment de données scientifiques. Donc je préfère ne pas m’y aventurer.

Le cancer de la prostate peut-il empêcher l’homme d’avoir des rapports sexuels ?

Absolument ! Parce que, lorsqu’on est à un stade avancé, il peut y avoir des troubles de l’érection. Pour avoir un bon rapport sexuel, il faut une bonne érection. Lorsqu’on a des troubles de l’érection, cela joue sur la qualité des rapports sexuels. Donc à un stade avancé, on a des complications qui ne permettent pas d’avoir une sexualité efficace.

Comment se fait la prise en charge de ces cancers ?

Lorsque le cancer de la prostate est détecté tôt, avec nos collègues urologues, nous arrivons à prendre en charge sur le plan chirurgical et tout est réglé. Mais lorsque nous sommes à des stades avancés, ou lorsqu’il y a des locations secondaires, souvent on ne peut plus opérer et le malade est obligé de faire ce qu’on appelle un traitement par l’hormonothérapie et qui coûte environ 150 000 F CFA par mois. Et il faut au moins douze injections. Ce sont des médicaments qui sont disponibles au Burkina, mais le coût est souvent effrayant, parce que c’est sur une longue période. Donc il est important de faire le dépistage comme je le disais tantôt, pour que ce soit pris en charge tôt. Et lorsqu’il y a l’indication de l’hormonothérapie, ça revient un peu à ce qui se passe pour le cancer du sein, où on est obligé d’aller hors du pays pour pouvoir se soigner.

Pour le cancer du poumon, c’est la même chose. Au tout début, il n’y a pas de signes. Mais quand on commence à tousser, à avoir des douleurs au niveau du thorax, en ce moment, on est à un stade avancé. Et quand c’est au début, on peut faire une intervention chirurgicale. Mais lorsque c’est à un stade avancé, on ne peut plus faire d’intervention chirurgicale. On peut voir si on va ajouter la radiothérapie ou la chimiothérapie, avec bien sûr très peu de résultats. Il est important pour nous de tout faire pour que toutes ces maladies soient découvertes à un stade précoce.

Et enfin, pour le cancer du foie, malheureusement, lorsque nous sommes à des stades avancés où il y a de gros nodules, de grosses boules dans le foie, on n’est plus à un stade opérable. Il va rester le traitement par des médicaments contre le cancer primitif du foie. Ce sont des médicaments d’accompagnement qui ne donnent pas de bons résultats. L’un dans l’autre, le résultat devient négatif. Donc l’invite, c’est de dire qu’un homme doit pouvoir faire chaque année un bilan annuel pour se préserver de ces trois types de cancer.

Des conseils pour éviter ces cancers ?

Je voudrais dire aux hommes qu’à l’image de la date de péremption de nos visites techniques, que ce soit pour la moto ou la voiture, l’homme aussi a besoin de visite technique. Nous ne pouvons pas vivre comme ça et ne pas savoir qu’on doit faire un bilan annuel. On est tout le temps pressé quand il s’agit d’aller renouveler la visite technique de nos véhicules. Donc, on doit pouvoir s’arrêter chaque année pour faire le point de notre santé. Comme j’aime à le dire, nous sommes aussi des machines qui ont besoin d’entretien, qui ont besoin de surveillance. Donc, on ne peut pas vivre 45 ans ou plus de 50 ans sans avoir fait une seule fois le dosage par l’examen de sang du PSA, n’avoir jamais fait une radiographie du thorax, n’avoir jamais fait une échographie abdomino-pelvienne.

Je pense que c’est très dangereux de nos jours, parce qu’autour de nous, on a une alimentation douteuse du fait de la cupidité de certains commerçants qui mettent énormément de choses pour accélérer le murissement, dans l’huile et dans beaucoup d’autres choses. Nous avons beaucoup d’agressions autour de nous aujourd’hui qui impactent notre alimentation et qui nous exposent à plusieurs types de maladies. Donc il est important pour nous aussi de pouvoir, à un moment donné, s’arrêter pour consulter un médecin pour un bilan général. Cela nous permet de nous mettre à l’abri, d’éviter d’avoir des surprises.

Et on sait aussi que beaucoup de maladies, surtout en cancérologie, sont des maladies qui, au départ, ne font pas mal, il n’y a pas de douleurs, il n’y a pas de signes. Et lorsque ces signes se manifestent le plus souvent, c’est que nous sommes à un stade avancé. Pour le cancer primitif du foie, que chacun connaisse son statut sérologique de l’hépatite B. Il n’est pas normal que vous ne sachiez pas aujourd’hui si vous votre sérologie de l’hépatite B est positive ou négative. Tous ces dépistages nous permettent de pouvoir être à un stade précoce quand il s’agit de la confirmation d’un cancer, de prendre en charge et de pouvoir nous en sortir.

Merci de nous donner l’opportunité de donner l’information vraie, parce que les gens pensent souvent que le cancer est lié à un sort ; c’est le voisin, c’est le collègue. Le cancer est une maladie qui existe et qui est de plus en plus fréquente du fait de la croissance de la population et de l’existence de moyens de diagnostic, et que les gens fréquentent de plus en plus les centres de santé. Donc, il faut qu’on arrête la stigmatisation, parce que je n’ai pas encore vu quelqu’un qui a donné le cancer à une autre personne. Donc, nous vous invitons à venir régulièrement en consultation.

Entretien réalisé par Justine Bonkoungou
Photos et vidéo : Nathanaël Kalguié (Stagiaire)
Lefaso.net

PARTAGER :                              

Vos commentaires

  • Le 11 mars 2020 à 12:03, par Kôrô Yamyélé En réponse à : Cancer de la prostate : Au stade avancé, la prise en charge avoisine 1 800 000 F CFA

    - Docteur, vous nous donnez la frousse ! Et ce sont vous les médecins du Burkina de nous effrayez chaque fois ! Vraiment je crois qu’il faut que vous les médecins arrêtez ces manières de faire !

    Docteur y a-t-il seulement une seule maladie qui n’a pas d’effets ? Non ! Donc conseillez-nous mais ne nous effrayez pas. Dites celà à vos autres collègues médecins. Pardon arrêtez ces attitudes !

    Par Kôrô Yamyélé

  • Le 11 mars 2020 à 13:11, par 5km de goudron pour ragnongo En réponse à : Cancer de la prostate : Au stade avancé, la prise en charge avoisine 1 800 000 F CFA

    Merci docteur pour vos eclaircissements. rien que hier j’ai lu qu’il fallait avoir 4 rapports sexuels par semaine pour eviter le cancer de la prostate. Les gens quoi ;,. Mais Docteur a oublié de parler de la poussière comme facteur de risque dans le cancer du poumon. Pourtant c’est un facteur auquel nous sommes permanent exposé, surtout nous, habitants de RAGNONGO. la poussière est infernale, un vrai bain de poussière matin et soir. les poumons prennent forcement un grand coup. voici, un quartier loti depuis 2007 , aucune voie d’acces. La voie qui suit les pylone de la SONABEL, si elle etait goudron allait soulager plus d’un, car permettant non seulement de désenclaver karpala, ragnongo et meme ceux qui sont encore devant ragnongo comme zoetgondé, ouitenga nous on ne demande qu’un seul goudron sur cette voie d’accès principal qui ne dépasse même pas 5km. Ayez pitié de nous wooh.

  • Le 11 mars 2020 à 15:17, par COVID-19 En réponse à : Cancer de la prostate : Au stade avancé, la prise en charge avoisine 1 800 000 F CFA

    BRAVO AU FASO.NET ET AU MÉDECIN PAR CONTRE LES SORCIERS PEUVENT VOUS CAUSER TOUTE SORTE DE MALADIE !!!

  • Le 11 mars 2020 à 18:21, par Kouda En réponse à : Cancer de la prostate : Au stade avancé, la prise en charge avoisine 1 800 000 F CFA

    Docteur,
    on est pressé de renouveler la visite technique de nos voitures car si on ne le fait pas et la police nous tombe dessus, pas de pitié.
    Docteur, dite au Gouvernement MPP d’alleger les impôts et taxes pesant sur nous pour nous permettre de faire le bilan de santé annuel qui coûte relativement cher aussi. Après avoir payé la TVA sur nos différents achats, la TDC sur le carburant, la taxe sur les véhicules à moteur, l’IUTS sur les salaires de base, les droits de douane, la taxe de résidence, après avoir aidé parents, amis et connaissances, que nous reste t’il encore pour faire un bilan de santé ?

 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique