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Kadhafi Parle : Crise ivoirienne, relations Gbagbo-Compaoré, réformes de l’ONU

Publié le lundi 12 septembre 2005 à 08h24min

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Le message du Chef de l’État libyen à tous les Ivoiriens.
Dans une interview avec la presse ivoirienne, Kadhafi lance un vibrant appel à l’unité de tous les Ivoiriens.

Frère Guide, nous aimerions commencer par votre pays. Aujourd’hui, tous les grands pays du monde courent après vous : L’Italie, l’Espagne, la Grande Bretagne, la France et les Etats-Unis. Peut-on parler de lune de miel entre votre pays et tous ces grands du monde aujourd’hui ?

Oui, on peut le dire !

Frère Guide, votre pays vient de fêter avec beaucoup d’éclat les 36 ans de votre accession au pouvoir. Quel bilan succinct peut-on faire de votre action et quel sens peut-on donner aux cérémonies qui ont été organisées cette année de façon concentrée sur Tripoli avec beaucoup de faste ?

Tout d’abord, j’aimerais vous dire que la première réalisation de la Révolution est un système de démocratie que personne au monde n’a atteint jusqu’à présent. J’espère que le monde l’atteindra d’ici peu : c’est l’autorité au peuple par le truchement des congrès populaires et des comités populaires. C’est le peuple qui gouverne. Il se gouverne lui-même, par lui-même sans députation. Sans élire des députés pour gouverner à sa place ou sans élire des gouvernants.

On peut considérer cette réalisation comme une réalisation qui n’est pas destinée seulement à la Libye mais à la face du monde, au monde tout entier. Actuellement, tous les peuples de par le monde marchent vers l’autorité du peuple, au peuple. Ils vont établir l’autorité au peuple, par le truchement des congrès populaires, des comités populaires et par la démocratie populaire.

L’autre réalisation concerne le fleuve artificiel qui a une longueur totale de 4 000 km et qui a solutionné le problème de la soif en Libye. Le plus important dans ce parcours est que la Libye a pu convaincre les autres pays frères africains à établir l’Union africaine.

Frère Guide, je voudrais que nous évoquions maintenant les relations entre votre pays et la Côte d’Ivoire. Depuis l’arrivée au pouvoir du Président Laurent Gbagbo, vous vous êtes rencontrés à plusieurs reprises. Quelles impressions vous a laissées le Président Gbagbo ?

Mois je suis avec le Président Gbagbo et je suis avec le peuple ivoirien, frère. Nous contribuons vivement à régler, à résoudre les problèmes de la Côte d’Ivoire. Mais nous avons une conditionnalité : à savoir le retrait des forces étrangères, des mains étrangères. Les forces étrangères, les mains étrangères devraient être retirées de la Côte d’Ivoire.

Pour continuer avec la crise ivoirienne, le médiateur Thabo Mbeki a rendu son verdict : un verdict contesté par l’opposition politique et militaire ivoirienne. Thabo Mbeki a été mandaté par l’UA. Quelle est la lecture que le Guide a de cette situation ?

Comme vous le savez, de toute manière, il y a une autorité africaine qui avait chargé notre frère Thabo Mbeki à assurer le suivi de la situation en Côte d’Ivoire. Je ne crois pas que le Président Mbeki s’est impliqué de lui-même, de sa propre initiative dans cette situation. Nous appuyons ses efforts, mais malheureusement, jusqu’à présent, aucun résultat concret n’a été atteint. On a également entendu parler que certaines parties ont récusé la médiation du Président Mbeki.

Frère Guide, sur un point important, le Chef de l’Etat ivoirien et vous êtes en phase pour la construction de l’Afrique : c’est-à-dire que l’Afrique doit compter sur elle-même. Comment faire pour concrétiser cette belle idée ?

Effectivement, personnellement je pense que mon frère le Président Laurent Gbagbo est un dirigeant révolutionnaire. On partage la même vision. Quand il y a un dirigeant révolutionnaire dans le monde, dans le tiers-monde plus particulièrement, il y a toujours ces forces réactionnaires, ces forces racistes, impérialistes qui prennent toujours le parti de ses opposants contre lui. Vous pouvez constater vous-mêmes les prises de position des autres à l’égard du Président Mugabe, à l’égard du Président Gbagbo et à l’égard de la Libye.

Frère Guide, l’Afrique est aujourd’hui à la croisée des chemins. L’OUA a fait place à l’UA. On sait le rôle prépondérant que vous jouez au sein de l’Union africaine. Pensez-vous réellement que l’Union africaine va réussir là où l’OUA a échoué ?

7è sommet de la CEN-SAD à OuagadougouAssurément ! Assurément ! Sinon, pourquoi on aurait fait l’Union africaine. On a fait l’Union africaine parce que la situation est différente. Il y a des institutions actuelles qui relèvent de l’Union africaine qui n’étaient pas là auparavant pour l’OUA. Il y a l’acte constitutif qui a remplacé la charte de l’OUA et qui est similaire à la Constitution de l’Afrique. Il y a des sommets réguliers, à des intervalles réguliers. C’est-à-dire, ce sont des décisions ordinaires sans parler des décisions extraordinaires.

Frère Guide, le drame de l’Afrique, ce sont les guerres et les conflits. Comment selon vous, l’Afrique devrait-elle s’y prendre pour résoudre ces crises qui la mettent en retard ? Est-ce qu’une politique étrangère dynamique devrait s’appuyer sur la création d’une armée africaine ?

Oui effectivement ! Sans doute ! car l’Afrique n’est pas pauvre. L’Afrique dispose de beaucoup de ressources. Des ressources énormes, comme celles dont disposent les Etats-Unis d’Amérique. Nous sommes pour la mise en place des Etats-Unis d’Afrique. Après le fait de parachever d’abord les démarches qui sont actuellement devant nous. A l’avenir, c’est possible, l’Afrique sera exactement du même niveau de puissance que les Etats-Unis d’Amérique. C’est notre décision. C’est notre destin. Nous sommes résolus à faire notre preuve sur terre et sous le soleil : occuper notre place.

Frère Guide, excusez-moi de revenir sur la crise ivoirienne. Le Président burkinabé Blaise Compaoré est votre ami. Laurent Gbagbo également est votre ami, vous l’avez dit. Blaise Compaoré est régulièrement cité dans la crise ivoirienne. Que faites-vous à ce niveau pour rapprocher les deux hommes ?

C’est vrai : les deux chefs d’Etat sont mes amis et mes frères. Moi, je peux être considéré comme un dénominateur commun.
Je mets en relief cette amitié pour contribuer à résoudre cette situation, ce problème.

L’organisation des Nations unies est perçue par beaucoup comme un instrument de domination de l’Afrique par les grandes puissances. Aujourd’hui, le débat à l’UA c’est la réforme de l’ONU. Qu’est-ce que cette réforme peut apporter à l’Afrique et quels devraient être selon vous les critères de désignation des représentants de l’Afrique à l’ONU pour qu’il n’y ait pas de conflit sur notre continent ?

J’ai une position différente, une position de principe. J’ai informé tous les dirigeants du monde de cette position, de cette prise de position. Tout d’abord, quand on a appris cette question de réforme, on nous a dit qu’il s’agissait de réformer les Nations unies. Mais ce qu’on nous a soumis, c’est l’élargissement du Conseil de sécurité. Pour moi, la réforme des Nations unies, c’est donner toutes les prérogatives à l’Assemblée générale car toutes les Nations du monde sont représentées à l’Assemblée générale avec un siège permanent.

Pourquoi cherchons-nous à occuper des sièges permanents au Conseil de sécurité alors que nous avons des sièges permanents à l’Assemblée générale ? L’Assemblée générale est effectivement les Nations unies. C’est le parlement universel, c’est l’organe législatif, si vous voulez, du monde. Donc, toutes les prérogatives devraient être accordées au parlement mondial et non pas au Conseil de sécurité. Dans tous les pays du monde l’organe législatif débat et celui qui exécute c’est la primature, n’est-ce pas le Conseil ?

La question est de savoir si l’on donne les prérogatives au Parlement ou bien à la primature. Est-ce que les législateurs de par le monde sont-ils les ministres ou bien les députés ? Les législateurs sont ceux qui disposent d’attributs de pouvoir dans les parlements. Le Conseil des ministres ne gouverne pas mais exécute les décisions, les résolutions de l’organe législatif. Le pouvoir législatif promulgue les lois et le gouvernement exécute des lois ou l’application les lois. C’est exactement pareil au niveau des Nations unies. L’Assemblée générale promulgue les lois, parce que c’est elle le parlement mondial.

Le Conseil de sécurité exécute les résolutions de l’Assemblée générale. Lui est le pendant du Conseil des ministres. Dans tous les cas, selon les droits du passé de l’Afrique, l’Afrique devra avoir un siège permanent avec droit de veto. Même sans réforme des Nations unies ; même sans élargir le Conseil de sécurité car l’Afrique est le seul continent privé d’un siège permanent. C’est un dû du passé.

En Afrique, les problèmes de succession sont souvent source de conflits. Vous arrive-t-il d’y penser ou pensez-vous que cela va se régler seul ?

Je puis vous dire simplement qu’en Libye, il n’y a pas de pouvoir. C’est l’autorité populaire. Le peuple est là et c’est le peuple qui gouverne. Donc, le problème de succession ne se pose pas. Le pouvoir en Libye, dans le système Jamahiriya, l’autorité est dans les mains du peuple. Le peuple est composé d’hommes et de femmes qui gouvernent. Par le truchement des congrès populaires et des comités populaires, dans le système Jamahiriya ; c’est-à-dire les citoyens adultes sont membres ( qu’ils soient des hommes ou des femmes ) de ces congrès ou de ces comités populaires.

Le peuple reste, donc le pouvoir reste dans les mains du peuple. Vous pouvez poser votre question dans un pays ou à quelqu’un où il n’y a pas de pouvoir populaire. C’est-à-dire où il y a un Président, un pays gouverné par un personnage, un individu ou un parti. Qui est-ce qui va remplacer celui-ci ? Qui est- ce qui va remplacer ce parti ? Mais quand le peuple entier est au pouvoir, la question ne se pose pas. On ne peut pas dire qui est-ce qui va gouverner. Le peuple est là et il a le pouvoir. Vous devez examiner ou étudier le Livre vert.

Frère Guide, vous avez plus de 60 ans, nous a-t-on dit, et vous paraissez jeune ; vous avez pratiquement consacré la moitié de votre vie à faire la politique à l’intérieur de votre pays. Aimeriez-vous qu’un de vos fils fasse la politique ?

Comme vous le savez, mes fils sont des citoyens, comme les autres citoyens du peuple libyen. C’est le peuple de Libye qui exerce le pouvoir. Et puisqu’ils font partie du peuple libyen, ils peuvent exercer eux aussi l’autorité populaire. Mais je ne sais pas dans quelle position de responsabilité le peuple libyen va les mettre.

Frère Guide, la Libye est un pays riche, il suffit de se promener pour s’en apercevoir, avec toutes ces réalisations. Comment cette richesse profite-t-elle au peuple libyen ?

Pour vous répondre, j’avais tout à l’heure demandé de lire le Livre vert. La réponse à votre question se trouve dans la deuxième partie du Livre vert, c’est-à-dire le socialisme populaire. Vous pouvez également l’appeler le capitalisme populaire, c’est-à-dire les deux faces d’une même médaille : socialisme populaire ou capitalisme populaire.

Vous avez passé 36 ans à la tête de votre pays ; vous êtes déjà entré dans l’histoire. Comment aimeriez-vous que l’histoire ou les futures générations se souviennent de vous ?out d’abord, il ne s’agit pas de 36 ans à la tête du pays. Il y avait une dizaine d’années de travail souterrain. Ça fait 36 ans que je suis à la tête du pays en ce qui concerne l’action publique, officielle.

Si j’étais un Chef d’Etat, Président ou si je gouvernais par le truchement d’un parti politique, on aurait dû me changer ou changer le parti politique. Depuis l’année 1967, le pouvoir a été remis au peuple. On a mis en place en 1977 le pouvoir populaire, le système Jamahiriya. On a déclaré la Jamahiriya. Depuis 1977, je suis à l’extérieur du pouvoir. Le pouvoir était dans les mains du peuple depuis cette époque. Nul ne peut battre le peuple libyen pour arracher le pouvoir entre ses mains.

Tous ceux qui ont essayé d’arracher le pouvoir ont subi un échec. Personne ne peut défaire ou battre le peuple. Celui qui veut s’opposer au pouvoir populaire s’oppose au peuple. Donc, il est l’adversaire de tout le peuple ; tout le peuple prendra parti contre lui. C’est ainsi qu’on peut défaire toutes les initiatives, toutes les tentatives simplistes qui visent à arracher le pouvoir au peuple.
J’aimerais que l’histoire me mentionne comme quelqu’un qui travaille pour les autres ; comme quelqu’un qui a travaillé pour l’Afrique. Malgré tout cela, j’aspire à vivre sous ma tente. Malgré le pétrole qu’on a, moi j’aime la tente.

Pour terminer, quel est son message à l’adresse du peuple de Côte d’Ivoire ?

Mon message à mes chers frères de la Côte d’Ivoire : ils doivent préférer leur unité à n’importe quelle autre aspiration ou convoitise. Car leur différend a ouvert une brèche pour que d’autres forces étrangères pénètrent en Afrique. Je suis de confession musulmane. Moi je suis musulman et je conseille mes frères et sœurs musulmans de Côte d’Ivoire qu’il n’est pas de leur intérêt de faire bande à part. il n’est pas de leur intérêt de donner aux forces étrangères, aux puissances étrangères de pénétrer. Votre religion, votre confession appelle à la paix, à l’unité. La religion musulmane vous pousse, vous encourage à empêcher votre ennemi ou adversaire à entrer dans votre pays. Ce n’est pas de leur intérêt de voir la partition de la Côte d’Ivoire.

Je conseille la même chose aux autres frères qui ne sont pas de confession musulmane. Je leur dis le même langage. Vous êtes tous des Ivoiriens, des Africains. Votre adversaire est unique. Votre destin est unique ! Nous sommes actuellement en passe de nous intégrer en Afrique, de supprimer les frontières établies par le colonialisme. Nous voulons que le continent tout entier s’intègre. Sans parler de la Côte d’Ivoire

Propos recueillis à Tripoli par Jean-Baptiste AKROU
Fratertinité Matin du 09/09/2005 (www.fratmat.net)

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Vos commentaires

  • Le 13 septembre 2005 à 01:24 En réponse à : > Kadhafi Parle : Crise ivoirienne, relations Gbagbo-Compaoré, réformes de l’ONU

    COMEDIE,AH...AH...AH...

  • Le 28 octobre 2005 à 22:10, par Paul KERE En réponse à : > Kadhafi Parle : Crise ivoirienne, relations Gbagbo-Compaoré, réformes de l’ONU

    Mon Cher frère et Guide Bien Aimé,

    Merci de nous apporter toujours votre lumière et votre expérience de la démocratie directe.
    Je vous ai apperçu, pour la première fois au Burkina Faso, alors que j’étais encore petit étudiant à Ouagadougou. Déjà, mes cheveux bougeaient à votre passage sur la route de l’aéroport qui vous amenait vers la présidence où le Président SANKARA vous avait reçu.
    Après une thèse de doctorat, je suis actuellement avocat en Europe.
    J’aimerais bien vous rencontrer un jour sous votre tente en Libye et vous dire en face, oh !!! combien je vous aime... ou du moins je cautionne votre mode de fonctionnement démocratique.
    Votre interview m’a conforté dans votre position traditionnelle d’attachement au peuple africain et à sa démocratie directe.
    Voici mon adresse mail pour me joindre. Paul.kere@wanadoo.fr
    Bien à vous et je serai ravi de vous rencontrer...
    votre bien dévoué frère.

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