LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Soyez un repère de qualité. Certaines personnes ne sont pas habituées à un environnement où on s’attend à l’excellence.” Steve jobs

Cohésion sociale : « Si nous retournons à nos racines, à nous valeurs, nous pourrons déterrer ce joyau », pense Ayouba Porgo

Publié le mercredi 19 février 2020 à 23h10min

PARTAGER :                          
Cohésion sociale : « Si nous retournons à nos racines, à nous valeurs, nous pourrons déterrer ce joyau », pense Ayouba Porgo

Mon analyse porte ici sur le thème de la cohésion sociale et plus précisément de la cohésion qui existait entre nos parents agriculteurs et les éleveurs.
J’ai décidé de me pencher sur ce thème car, de nos jours, il devient non seulement d’actualité, mais très cher aux pays frappés par l’insécurité, à l’instar du Burkina Faso.

La cohésion sociale n’était pas un terme absent du vocabulaire des Burkinabè avant ce phénomène de l’insécurité qui se traduit aujourd’hui par des attaques terroristes. En effet, la cohésion sociale était employée surtout par les leaders politiques, religieux et traditionnels. Mais est-ce que cela était mesuré par le citoyen lambda ?

Je n’y crois pas. Le Burkinabè lambda employait journellement et comprenait des termes comme la pauvreté, la corruption, les crimes, les détournements, etc. Mais le terme de cohésion sociale a pris une importance capitale avec l’insécurité. Les Burkinabè ont compris de nos jours que si le Burkina Faso était cité parmi les pays où régnait la paix, c’était tout simplement par ce qu’il y avait la cohésion sociale au sein des ethnies, des communautés religieuses, etc. existant au Burkina.

Personnellement, je ne comprenais pas de façon profonde le sens de ce mot. C’est après une réflexion approfondie, une rétrospective vers mon passé que je suis parvenu à comprendre le sens vrai du terme. Pendant notre enfance, il se produisait des évènements au sein de nos communautés. Nos parents étaient agriculteurs et ils vivaient côte à côte avec des éleveurs Peulhs.

Pendant la saison pluvieuse, il y arrivait que les animaux viennent rentrer la nuit dans un champ et le saccager jusqu’au petit matin. Généralement, c’est le propriétaire du champ qui les retrouvait le matin en arrivant au travail. C’était d’ailleurs la meilleure tournure car, souvent, les animaux pouvaient disparaître dans la nature après avoir saccagé le champ. Et dans de tels cas, il était archi compliqué d’aller accuser un pasteur donné.

Si on retrouvait les animaux donc, on les conduisait jusqu’au domicile de leur propriétaire. Informé, ce dernier venait constater les faits. Il y avait ce qu’on appelait le « garko » qui signifiait en langue locale l’amende payée par le pasteur au propriétaire en guise de dédommagement. Le Peulh devait donc venir devant un tribunal communautaire ou le commissariat pour payer l’amende.

Enfants, nous étions courroucés par la destruction des fruits de notre labeur, de notre sueur et nous nous attendions à ce que nos parents taxent les Peulhs sévèrement. Mais c’était avec amertume que nous constations que nos parents ne prenaient presque rien aux Peulhs. D’ailleurs, de mon enfance, je n’ai jamais vu un habitant de notre village trimballer un Peulh jusqu’au commissariat. Chaque fois, nos parents et les Peulhs finissaient par s’entendre.

Les Peulhs leur donnaient en général l’argent de cola ou de café, ce qui ne pouvait même pas acheter une tine de mil ou de maïs. Nos parents expliquaient qu’ils vivaient ensemble pendant longtemps et qu’ils ne pouvaient pas brouiller les liens qui les unissaient juste à cause de ces incidents. Ils ajoutaient que d’ailleurs, les animaux ne savaient pas ce qu’ils faisaient.

Ainsi, nous remarquions que les Peulhs devenaient plus prudents avec leurs animaux. Aussi devenaient-ils plus courtois envers nous et nous les voyions venir nous assister à chaque évènement, heureux ou malheureux. Nous aussi, nous assistions aux leurs. Nous ne nous mariions pas aux Peulh, mais on vivait en parfaite entente, en parfaite harmonie. Ils parlaient presque tous notre langue et beaucoup d’entre nous parlaient la leur.

En repensant à tout cela, je vois que nos parents cultivaient ce qu’on appelle aujourd’hui la cohésion sociale. Et je comprends pourquoi ils ont pu vivre sans problème avec les Peulhs pendant très longtemps. De nos jours, ces genres d’incidents seraient gérés par les autorités administratives, les paysans iraient réclamer le dédommagement, et mes lecteurs peuvent imaginer la suite.

De nos jours, on chante le terme cohésion sociale partout. Mais rares sont ceux qui essaient de s’inspirer du passé. Si nous retournons à nos racines, à nous valeurs, nous pourrons sans doute déterrer ce joyau enfoui qui, tel l’or, ne s’enrouille jamais.

Je n’ai choisi d’évoquer qu’un paramètre pour illustrer l’existence de la cohésion sociale dans mon article. Il en existait beaucoup dans nos communautés. S’il y a cohésion sociale dans un pays, c’est d’abord le fruit d’efforts de la part des communautés, des ethnies avant d’être un succès de la classe dirigeante.

Ayouba PORGO
Essayiste, poète, nouvelliste

PARTAGER :                              

Vos commentaires

  • Le 19 février 2020 à 22:02, par Diongwale En réponse à : Cohésion sociale : « Si nous retournons à nos racines, à nous valeurs, nous pourrons déterrer ce joyau », pense Ayouba Porgo

    .
    "Retourner à nos racines, à nos valeurs", cela veut dire retourner au temps d’avant les religions importées, causes de toutes les divisions et velléités séparatistes. Je suis d’accord, mais ça ne suffit pas !

  • Le 20 février 2020 à 08:31, par the upright En réponse à : Cohésion sociale : « Si nous retournons à nos racines, à nous valeurs, nous pourrons déterrer ce joyau », pense Ayouba Porgo

    Une opinion très juste ! Effectivement, la cohésion sociale dont parle M. Porgo est très proche de la fraternité que toute autre chose. C’est le vivre-ensemble. Puissions-nous malgré tout les affrontements inter-communautaires revenir à ces valeurs d’antan sans rancune. Difficile car la politique politicienne a fait foutre le camp à plusieurs valeurs ancestrales.

  • Le 20 février 2020 à 09:09, par Philaretus En réponse à : Cohésion sociale : « Si nous retournons à nos racines, à nous valeurs, nous pourrons déterrer ce joyau », pense Ayouba Porgo

    C’est beau et noble ce que vous affirmez, et dans la théorie, votre paradigme est pertinent. Mais, l’Afrique des temps anciens était caractérisée par le désintéressement, l’esprit de solidarité, d’entraide, et l’Humain était l’épicentre de tout. Or, le Burkina d’aujourd’hui est marqué par la sacralisation de l’argent et du materiel, l’égoïsme et la cupidité. Aucune valeur ne surpasse l’argent. Donc, les burkinabé d’aujourd’hui n’ont rien a cure avec votre cohesion sociale, ni les valeurs africaines, chacun se bat pour sa poche et son estomac, et tout problème se règle à la police ou au commissariat de police. MERCI ET BIEN A VOUS.

  • Le 20 février 2020 à 13:46, par Ka En réponse à : Cohésion sociale : « Si nous retournons à nos racines, à nous valeurs, nous pourrons déterrer ce joyau », pense Ayouba Porgo

    Ayouba Porgo : Merci pour cette très bonne analyse, une analyse fine et subtile d’un vrai poète. Tu as complètement raison de nous rappeler de ne pas oublier nos racines qui sont nos continuités des coutumes et de mieux les panaché avec le modernisme pour mieux vivre : Car un peuple sans culture est un peuple sans âme.
    Oui mr. Porgo, la difficulté de nous autres Africains se caractérise par l’abandon total de nos cultures pour le copier collé de celles des occidentaux. Pourtant nous avons des vrais chefs coutumiers qui devaient nous guidé, je ne parle pas de ceux de Manéga très politisés. Du plateau centrale mossi, en passant par des Dagara aux Dozos, et tant d’autres au Burkina, nos sociétés traditionnelles ne sont pas encore mortes, elles vivent, peuvent dicter nos réflexions et comportements, et elles sont un réservoir de sagesse encore utilisable pour redresser la barre de nos errements et de la mauvaise imitation du modèle occidental.

    Et comme un écrivain journaliste qui a tout mon respect me disait sur une analyse dans ce forum, ‘’’a l’image d’autres civilisations, notre culture contient beaucoup d’aspects positifs et d’autres négatifs. Nous ne perdons absolument rien à supprimer ce qui déshumanise nos comportements pour renforcer les aspects positifs. Refuser cette façon de voir les choses revient tout simplement à dire que nous sommes dans la perfection. Mais comment notre vie peut-elle être parfaite alors que par définition l’être humain est l’expression même de l’imperfection ? Surtout avec le laisser aller qui nous a conduit a ce qui nous arrive de nos jours ? Encore merci merci pour cette suggestion utile.

  • Le 20 février 2020 à 14:05, par thién En réponse à : Cohésion sociale : « Si nous retournons à nos racines, à nous valeurs, nous pourrons déterrer ce joyau », pense Ayouba Porgo

    C’est très beau de comprendre cela maintenant mais il est trop tard pour repartir en arrière !
    Le burkinabè a cultivé l’individualisme et l’égoïsme au point de ne rechercher que le développement individuel !
    Pour changer cela, il faudrait d’abord que les dirigeants donne l’exemple à travers le sacrifice de soi.
    SDi nous avons des dirigeants capables de penser aux autres d’abord, alors on pourra demander aux autres de suivre cet exemple.
    Or, il est inutile de rêver aujourd’hui que ces dirigeants, tout politique confondu, veuillent changer, eux qui vont au pouvoir ou à l’assemblée juste pour tirer un profit matériel !
    Le rêve est beau mais il est trop tard car nous avons déjà "tordu" les jeunes et nos enfants !
    C’est l’esprit de sacrifice qui nous manque et qui fait que cette guerre des terroristes perdure !
    Les membres du gouvernement et les députés se taillent leurs salaires et demandent aux fonctionnaires de se sacrifier ! Cela ne peut marcher !
    Le député devrait travailler sans un salaire et ne percevoir que des indemnités de session et c’est tout !
    Demandez leur cela et vous verrez que vous n’aurez aucun député à l’assemblée !
    On est donc déjà dans le mur et tant pis pour tous !

  • Le 20 février 2020 à 15:21, par Grace En réponse à : Cohésion sociale : « Si nous retournons à nos racines, à nous valeurs, nous pourrons déterrer ce joyau », pense Ayouba Porgo

    Je suis fière de vous lire très cher PORGO. Cependant je reste optimiste quant au retour à nos valeurs qui certainement ne peut se faire sans sacrifice. Tout doit commencer par le haut, ceux qui nous dirigent aujourd’hui doivent mettre de l’eau dans leur vain et asseoir un dialogue constructif avec tous les couches de la société et accepté se pardonner, moi je ne suis pas de ceux là qui pensent que tout doit se régler par la justice humaine qui nous savons n’est pas blanche comme neige. Finalement le burkinabè doit savoir qu’il n’est pas plus burkinabè que l’autre et que nul ne gagne en ayant la haine pour l’autre.Puisse la recherche de la paix animer tout burkinabè.

  • Le 20 février 2020 à 17:38, par TERMINATOR En réponse à : Cohésion sociale : « Si nous retournons à nos racines, à nous valeurs, nous pourrons déterrer ce joyau », pense Ayouba Porgo

    Celui qui a vu son champ saccagé était prêt à pardonner parce qu’il savait que la communauté allait venir à son aide en cas de besoin même s’il ne récolte rien, aujourd’hui est-ce possible ? Deux catastrophes sont arrivés à l’humanité depuis des milliers d’années et qui conduiront à sa destruction : l’invention de l’argent et la création des religions. Est-ce possible d’éviter le pire OUI,est-ce que le majorité des hommes sont suffisamment développés spirituellement pour l’éviter ? Pour le moment NON !

  • Le 20 février 2020 à 19:37, par Adama NIKIEMA En réponse à : Cohésion sociale : « Si nous retournons à nos racines, à nous valeurs, nous pourrons déterrer ce joyau », pense Ayouba Porgo

    J’ai bien lu l’écrit de M. Porto.Effectivement, la vraie cohésion sociale était là ! Elle était vraie.Cependant, de nos jours, avec la perte des valeurs africaines et l’installation du matérialisme, c’est maintenant une question d’intérêts.Il y’a des gens qui provoque expressément des situations difficile à des personnes afin de profiter d’un dédommagement. C’est tout ça qui fait que nous avons perdu ces valeurs. Ceux là même qui prônent la culture de la cohésion sociale, le sont-ils ?Quelles relations ont-ils avec leurs voisins dans les grandes villes ? Ce que nous vivons actuellement, le ’’chacun pour soi, Dieu pour tous’’ ne favorise pas cette cohésion tant recherchée. L’exemple doit venir d’en haut !

  • Le 21 février 2020 à 18:21, par Ayouba Porgo En réponse à : Cohésion sociale : « Si nous retournons à nos racines, à nous valeurs, nous pourrons déterrer ce joyau », pense Ayouba Porgo

    Merci pour vos nombreux commentaires sur mon article.Il est temps que L’Afrique reprenne sa fierté. Après tant d’errance, nous remarquons aujourd’hui que ceux qui nous ont apporté les choses nouvelles ne valent pas mieux que nous dans la mesure où ils s’entre-dechirent chaque jour de l’autre côté. Et ça arrive jusqu’ici. Nous devons ouvrir les yeux maintenant

  • Le 26 février 2020 à 22:31, par Dibi En réponse à : Cohésion sociale : « Si nous retournons à nos racines, à nous valeurs, nous pourrons déterrer ce joyau », pense Ayouba Porgo

    Difficile de retourner à ses racines quand on navigue entre occidentalisation frelatée et superficielle et arabité islamiste orientale et obscurantisme.
    En néocolonie entre pénétration culturelle occidentale et orientale obscurantiste, il n’y a aucune voie pour un enracinement culturelle authentique et endogène. les ministères de la culture ne sont pas missionnés à cet objectif très ambitieux. Il faudrait déjà commencer par l’identité ; c’est à dire nos noms, car le Nègre d’Afrique est le seul être humain qui ne porte que des noms d’origine et de cultures exogènes.
    Na an lara, an sara !
    La Patrie ou la mort !

 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique
Le Dioula : Langue et ethnie ?
Sénégal / Diomaye Faye président ! : La nouvelle espérance
Burkina : De la maîtrise des dépenses énergétiques des Etats
Burkina Faso : Combien y a-t-il de langues ?