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Sondage du CGD, une élection blanche pour les candidats

Publié le jeudi 8 septembre 2005 à 08h17min

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Les élections se suivent mais ne se ressemblent pas. Sous réserve de quelques paramètres bien sûr, c’est l’impression qui se dégage à l’orée de la présidentielle du 13 novembre 2005. Pour la première fois de l’histoire du pays, le nombre de candidatures à l’élection présidentielle a franchi la barre de dix.

Scrutin aux enjeux multiples- mais peut-être aussi de tous les dangers-, la présidentielle de 2005 est en train de révéler l’engouement de quelques citoyens pour la fonction de président de la République. Les électeurs accordent-ils de l’intérêt à cette échéance ? A qui font-ils confiance et pourquoi ? Quels sont leurs ressentiments vis-a vis des acteurs et des forces en présence ?

Quid de leurs attentes et de leurs doléances ?...
Un sondage d’opinion initié par le centre pour la gouvernance démocratique (CGD) esquisse quelques réponses.

Le vendredi 26 août dernier, le CGD a rendu public les résultats d’un sondage d’opinion qu’il a mené avec l’appui du centre culturel américain. C’était au cours d’un débat télévisé. Grande première s’il en est, ces résultats agrémenteront immanquablement l’actualité et l’activité politique pendant cette période de pré campagne électorale.

Intitulé « Enquête par sondage sur l’image, la notoriété et les intentions de vote en faveur des candidats aux élections présidentielles de 2005 au Burkina Faso », ce sondage s’est effectué sur un échantillon de 1200 personnes âgées de 18 ans ou plus et résidents dans la ville de Ouagadougou, la capitale. Les interviews ont été réalisées du 27 juin au 7 juillet 2005 au niveau des 30 secteurs. A travers cette initiative, le CGD qui est une organisation non gouvernementale poursuivait les objectifs suivants :

Renforcer la culture démocratique en suscitant un dialogue démocratique autour des résultats des enquêtes ;

Informer les partis politiques, les organisations de la société civile, les populations de l’état exact des rapports de force entre les candidats et de la photographie exacte des intentions de vote en leur faveur, en vue de prévenir les fraudes ;

Stimuler la mobilisation et la participation des électeurs lors des élections présidentielles de 2005 ;

Institutionnaliser un mécanisme d’imputabilité des hommes et partis politiques à travers les enquêtes par sondage au titre des objectifs généraux. L’objectif spécifique étant d’ « appréhender quant à lui ,l’image, la notoriété et les intentions de vote en faveur des candidats potentiels aux élections présidentielles de 2005, ainsi que les enjeux (issues) majeurs de politiques que les électeurs de la ville de Ouagadougou souhaiteraient voir abordés au cours de la campagne présidentielle et traité par le futur président du Faso. »

En ce qui concerne les résultats proprement dits, on note que sur le bilan du septennat finissant du président Compaoré, si les sondés trouvent que l’état de certaines infrastructures telles les routes et l’accès à l’électricité s’est sensiblement amélioré, plus de la moitié d’entre eux estime que la situation de la production agricole s’est aggravée au cours des sept dernières années. De même que la situation de l’emploi. Il convient du reste de noter à ce niveau que sur les 1200 enquêtés, 383 ont l’agriculture et / ou l’élevage comme activité
socioprofessionnelle tandis que 417 sont sans profession (chômeurs !).

84,2% des enquêtés se rendent comptent que les coûts de la vie se sont dépréciés et 86,5% estiment que la pauvreté s’est accentuée. Moins d’une personne sur quatre trouve que sa situation individuelle se soit améliorée sous ce septennat.

Le tiercé gagnant des priorités à résoudre

L’on sait qu’aujourd’hui, dans les grandes démocraties, les sondages sont pour les dirigeants politiques et les décideurs ce que la Bourse constitue pour les analystes financiers. Non pas seulement parce qu’ils sont un baromètre d’évaluation de la popularité par excellence, mais parce qu’ils jouent un rôle important dans l’élaboration des politiques pour la gestion des affaires publiques. En ce sens qu’ils renseignent sur les attentes et les préoccupations des électeurs par ordre de priorité. Et justement parlant de priorité, les sondés du CGD placent la pauvreté en tête des problèmes à résoudre en priorité. Ensuite vient en deuxième position la situation sanitaire suivie de l’emploi.

Les enquêtés ont eu à se prononcer sur une liste de 16 personnalités politiques retenues (voir encadré) pour « subir » une triple évaluation. Une évaluation au niveau de leur notoriété (spontanée et suggérée), une évaluation au niveau de la confiance des électeurs envers ces personnalités et une évaluation quant à la capacité de ces hommes politiques à mener à bien le mandat pour lequel ils sollicitent ou pourraient solliciter les suffrages des électeurs. Sur les 16 personnalités, 11 ont déclaré leur candidature pour la prochaine présidentielle. Les cinq autres quant à eux constituent à des degrés divers, la clé de voûte du pouvoir en place.

Il ressort que plus de 22% des enquêtés ne reconnaissent pas spontanément - ne serait-ce que de nom le premier magistrat du pays à savoir le président du Faso malgré le pouvoir des médias.

Que dire ou que penser aussi si environ 40% de la population de la ville de Ouagadougou ignore qui est leur maire ? Quant au crédit de confiance, Blaise Compaoré peut s’enorgueillir d’être bien côté à la bourse de la « confiance ». 80,7% des personnes interviewées lui font confiance contre 16,1% qui ne lui accordent aucune confiance. Vient ensuite - par ordre de mérite - Salif Diallo, Roch Marc Christian Kaboré, Ernest Parmanga Yonli, Simon Compaoré ; tous sont actuellement aux affaires ou si vous voulez au pied du mur.

Le premier de ceux qui sont dans l’opposition est Me Bénéwendé Sankara. C’est à une différence près, le même ordre dans l’évaluation sur la « capacité » des personnalités politiques à diriger le pays. Loin d’être anodins, ces critères et leurs résultats donneront inévitablement du piquant dans la bataille de positionnement au sein du parti au pouvoir (le CDP) dans la perspective de la succession.

Quid des chances des candidats pour l’élection de novembre 2005 ? A la question de savoir « pour quel candidat voteriez-vous » si l’élection présidentielle avait lieu demain, 61,2% des enquêtés jètent leur dévolu sur le président sortant Blaise Compaoré. 5% penchent pour Me Sankara ; Laurent Bado engrange 2,2%. Si Gilbert Ouédraogo était candidat, il se tirerait probablement avec 2% un peu devant Hermann Yaméogo (1,4%).

Il convient de noter que sur les 1200 sondés, 68,9% sont déjà inscrits sur les listes électorales donc membres potentiels du corps électoral et que 62,57% des enquêtés qui ont voté aux législatives de 2002 avaient donné leur voix au CDP, le parti au pouvoir.
Autre aspect non moins important de ce sondage, c’est que celui-ci révèle que de manière générale les facteurs déterminant le choix des électeurs potentiels sont la compétence (78,3%) l’honnêteté (55,8%).

Simple question de décence ou de convenance ? En tout cas cela ne manque pas de surprendre étant entendu qu’il est de notoriété publique que dans la réalité, les votes sont motivés le plus souvent par les moyens financiers et autres gadgets, l’achat de conscience ; seuls 17,8% tiennent compte des moyens financiers et 6,4% pour la région d’origine. Bref, à l’image de tout sondage, les statistiques foisonnent.

Le commanditaire prévient d’emblée que « les résultats présentés doivent être interprétés comme des rapports de force à la période de l’enquête et en aucun cas comme prédictifs des résultats le jour du vote. » Bien que donnant des tendances par extrapolation, ce sondage d’opinion qui a le mérite de tâter le pouls de l’opinion publique ne saurait pour autant avoir un caractère national. Le Directeur du CGD le Pr. Augustin Loada donne rendez-vous pour un sondage national qui aura lieu en septembre. Les personnalités politiques, notamment les candidats déclarés pour la présidentielle prochaine doivent dorénavant souffrir de subir le jugement - avant la lettre - de l’opinion. C’est dire que les mœurs politiques doivent désormais intégrer cette donne qui comme toute chose incarne des avantages et/ou des inconvénients.

Le sondage, un outil complexe

Est-il besoin de souligner en effet que les sondages d’opinion sont des outils de précision émoussés, susceptibles d’être truffés de nombreuses erreurs si elle ne procède pas simplement de la manipulation ? La marge d’erreur maximale de ce sondage est fixée à plus ou moins 3,6%. Les erreurs ou ce qui s’apparente à des insuffisances de ce travail que les initiateurs se veulent « scientifique » peuvent provenir de plusieurs niveaux :
Au niveau de l’échantillonnage, de la langue utilisée et de la traduction de certains concepts. En rappel, 66,42% et apparentés des enquêtés sont originaires du plateau mossi. Et connaissant le poids de l’analphabétisme et surtout la culture de cette catégorie de citoyens qui sont généralement légitimistes, il y a fort à parier que tous ces facteurs ont dû rejaillir sur les résultats.

En outre, le questionnaire soumis aux enquêtés qui, à ce qu’on dit, comporte une cinquantaine de questions paraît trop long et harassant et cela n’aura certainement pas manqué de se ressentir dans la qualité des résultats obtenus. Et fait notable, le questionnaire a fait la part belle au bilan du président sortant Blaise Compaoré.

Et il est à se demander si cela n’a pas orienté ou conditionné l’attitude de certains enquêtés qui se doutaient bien des motivations exactes et de l’utilisation éventuelle qu’on ferait de leurs réponses. Reste aussi qu’on peut jaser sur l’opportunité du sondage en fonction du contexte et du niveau de démocratisation ou même sur la prise en compte de certaines personnalités tels les dignitaires du régime qui sont certes aux affaires mais qui ne sont pas candidats à la prochaine présidentielle.

Le sondage s’étant déroulé à Ouagadougou, les enquêtés auraient pu donner leur avis sur le conseiller municipal atypique, Nana Thibaut entre autre par exemple.
Qu’à cela ne tienne, le CGD mérite bien une mention spéciale pour avoir donné ainsi une mine d’information... politique.

Si la religion des spécialistes de la sociologie de l’information est faite que l’information c’est le pouvoir, l’information politique confère bien un pouvoir politique en fonction des orientations. Ailleurs, en occident notamment, la question de savoir si les sondages d’opinion influent de façon importante ou excessive sur le déroulement des campagnes électorales et les choix continue de susciter la polémique.

La publication des sondages d’opinion peut avoir une incidence positive ou négative sur le moral des militants bénévoles et des donateurs, ainsi que sur l’évolution d’une campagne. Les stratèges des partis déplorent qu’il soit difficile de regagner du terrain quand les médias ont décidé sur la foi des sondages qu’un parti n’est plus dans la course parce qu’étant en mauvaise posture. D’autres aussi ne manquent pas d’en tirer profit au moment décisif car leur position éventuelle dans les sondages leur garantit un vote stratégique et les faveurs de l’effet d’entraînement. Bien complexe que tout cela mais ça ne fait que commencer ! ! !.

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Les personnalités évaluées

1- Laurent Bado
2- Blaise Compaoré
3- Simon Compaoré
4- Salif Diallo
5- Roch M. C. Kaboré
6- Ali Lankoandé
7- Gilbert Ouédraogo
8- E. Nongma Ouédraogo
9- Philippe Ouédraogo
10- Ram Ouédraogo
11- Emile Paré
12- Bénéwendé S. Sankara
13- Norbert Tiendrébéogo
14- Soumane Touré
15- Hermann Yaméogo
16- Paramanga Ernest Yonli


Interview express

Que pensez-vous des résultats du sondage du CGD ?

Laurent Bado, président du PAREN candidat à la présidentielle de 2005 : " ... Ça ne m’intéresse pas "

Norbert Tiendrébéogo, président du FFS, candidat à la présidentielle de 2005 : "Je n’ai pas de réaction. Je n’ai rien à dire."

Bénéwendé Sankara, président de l’UNIR/MS
"Je crois d’abord que c’est une bonne chose d’instaurer au Burkina Faso le principe de pouvoir faire les sondages. Que ce soit en matière électorale ou dans tout autres domaine (...) Le CGD a pris cette initiative et c’est à son honneur. Je ne connais pas les critères et comment ça été fait, sauf que j’ai vu les résultats dans la presse. Nous avons pris bonne note du travail qui a été fait.

Maintenant, les résultats qui ont été publiés placent le chef de l’Etat Blaise Compaoré largement en tête avec une opposition réduite à son expression la plus incongrue. Même si le rayon utilise c’est Ouagadougou, je pense qu’il faut prendre cela au sérieux. C’est une interpellation qui a été véritablement faite à l’opposition qui doit considérer ce travail là comme étant un résultat et un défi si on tient véritablement à réaliser l’alternance en 2005.

Je pense que c’est une tendance qu’on peut inverser pour peu que l’on prenne le résultat au sérieux. Il faut se mettre à travailler en ayant à l’idée que l’opinion reste favorable à M. Blaise Compaoré malgré tout ce que nous dénonçons et malgré tout ce qu’il y a en sa défaveur [...] Pour ma modeste personne qui a été perçu comme le possible balloteur de Blaise Compaoré, je crois que la première des conditions c’est de pouvoir créer une véritable unité d’action.

On a toujours fait des reproches par rapport à son émiettement par rapport à son manque de cohésion, souvent même par rapport à l’instrumentalisation dont certains aujourd’hui sont les chantres. Mais je crois qu’au delà de tout ça, le peuple burkinabè a ses aspirations profondes. C’est ce peuple là qui justement a besoin de leaders."

N.B. : Nous avons tenté vraiment de recueillir l’avis de :
Hermann Yaméogo candidat et président de l’UNDD.
Ali Lankouandé candidat et président du PDP/PS.
Roch Marc Christian Kaboré, président du CDP, parti ayant investit Blaise Compaoré.
Mais ces derniers étaient soit en déplacement, soit indisponibles.

Par Bangba Nikiema
Bendré

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