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Présidentielle 2005 : Blaise les sables mouvants du Sahel

Publié le jeudi 8 septembre 2005 à 08h18min

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Le Sahel s’apprête à entrer dans la campagne présidentielle alors que la campagne agricole s’annonce prometteuse. Le déficit céréalier n’a pas fait baisser le mercure des passions politiques et la région la plus touchée par la sécheresse est restée attentive au débat politique.

L’élection présidentielle du 13 novembre 2005 se prépare et suscite un grand intérêt en pays nomade. De tous les candidats déclarés à cette présidentielle, le président sortant Blaise Compaoré a la faveur des pronostics. Sur les six députés de la région, cinq appartiennent à la mouvance présidentielle (3 sont du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), 1 de la Convention pour la démocratie et la fédération (CFD) et 1 de l’Alliance pour la démocratie et la fédération/Rassemblement démocratique africain (ADF/RDA) qui vient de prendre fait et cause pour le candidat Blaise Compaoré.

L’unique député opposant de la région appartient au Parti pour la démocratie et le socialisme PDS dont le candidat investi à la présidentielle est Philippe Ouédraogo. Au Sahel, Blaise Compaoré a confié la responsabilité de sa campagne à Kader Cissé, ministre des Mines, des Carrières et de l’Energie. L’homme est un fils du terroir, un intellectuel de haut rang, un habile politicien mais qui commet des erreurs que ses adversaires pourraient exploiter à fond. Kader Cissé est, selon ses adversaires, souvent en déphasage avec les réalités du terrain. Il demeure inaccessible selon certains électeurs, et dans le choix des hommes chargés de conduire le parti il a du mal à dégager un consensus. Dans quatre provinces du Sahel, la tâche ne sera pas aisée pour le candidat Blaise Compaoré.

Séno : la poire en deux avec Philippe Ouédraogo

Dans la province du Séno, le CDP de Kader Cissé a confié la direction de la campagne présidentielle au maire de Dori, Boubacar Dicko. Pourtant le maire est décrié pour son bilan. On avance que Kader Cissé qui n’aime pas la contestation a préféré un lieutenant docile pour la campagne. Seulement, il faut aller à la pêche aux voix et là ce sont les grands mobilisateurs, les hommes de poigne qu’il faut placer au devant des choses. Au Séno, le CDP est fragilisé par des querelles intestines dont les plaies ont du mal à se cicatriser.

L’émir du Liptako, Dicko Nassourou, éjecté de la mairie, refait son come-back et entend vendre cher son savoir-faire électoral. Il n’était plus en odeur de sainteté avec Kader Cissé qui a pourtant besoin d’un vieux loup pour battre le rappel des troupes. Une alliance entre les deux hommes, même avec Blaise Compaoré comme dénominateur commun, promet des étincelles.
L’un des piliers de Kader Cissé dans cette province est le dignitaire Birabia. Malheureusement, ce dernier est affaibli par l’âge et n’a plus assez de tonus pour aider à ratisser large.

Dans la machine électorale du CDP, une des pièces maîtresses, Lompo Idrissa, a des rapports tendus avec le ministre Kader Cissé. Lompo est redoutable dans la mécanique du maire CDP, il sait aller au charbon, il a créé son clan au CDP local et sa mise au banc de touche profitera aux adversaires du candidat Blaise Compaoré. Les hommes du CDP sauront-ils transcender la crise interne que vit le parti pour voter massivement pour leur candidat ? L’opération est corsée pour Kader Cissé dans son propre fief du Séno.

L’ADF/RDA lui viendra au secours, mais le leader local du parti n’est autre que Dicko Bassirou Amirou, le frère cadet du chef du Liptako. Dans la cité du Liptako, les hommes du président Blaise Compaoré sont des dinosaures rompus dans l’art du marchandage politique et qui n’entendent pas jouer les seconds rôles.
Cette situation fragilise le CDP, et le PDS de Philippe Ouédraogo qui a fait ses preuves aux dernières législatives se frotte les mains. Avec son député Nassourou Moussa Dicko, le PDS va donner du fil à retordre au CDP dans la province du Séno.

Ce sont deux formations politiques qui vont animer la campagne dans cette province où elles sont au coude-à-coude. Qui de Blaise Compaoré ou de Philippe Ouédraogo l’emportera au soir du 13 novembre 2005 dans la province du Séno ? Les suffrages pourraient être partagés à parts égales.

Le Soum : en rangs serrés

Dans le Soum qui est numériquement, en termes d’électeurs, la plus grande province du Sahel, Blaise Compaoré n’a pas beaucoup de soucis à se faire. La dame de fer et députée du CDP, Bana Ouandaogo, bien que malade, est toujours écoutée par ses frères. Elle peut compter, pour mobiliser la communauté Foulcé, sur le ministre Laya Sawadogo qui, depuis un certain temps, s’intéresse à la politique de sa région. Au niveau des Peulhs du Djelgodji, le maire de Djibo (secrétaire général du CDP) et ses frères sont des fidèles du CDP même s’ils ne digèrent pas le classement fait par Kader Cissé aux dernières législatives.
Au Soum, l’ADF/RDA sera d’un grand apport au candidat Blaise Compaoré. Le jeune député Ousséni Tamboura a du beau monde pour grossir les rangs des électeurs du candidat Blaise Compaoré.

Les autres forces politiques dans la province qui peuvent bousculer la suprématie de la mouvance présidentielle sont le Parti pour la démocratie et le progrès / parti socialiste (PDP/PS) du candidat Ali Lankouandé, et le PDS de Philippe Ouédraogo.

Le PDP/PS compte sur un fils du Soum Hassane Wereme, membre du bureau politique national du parti qui l’a longtemps implanté dans la province.
Le PDS, à la faveur des dernières législatives et sous la houlette de Son Excellence Arba Diallo, a effectué une percée au Soum. Si ce parti a consolidé ses acquis, il peut avoir une bonne carte à jouer.

Oudalan : oui pour Blaise mais ...

Dans cette province, le CDP et la CDF du député Dicko A. Diemdioda sont les grands partis de la mouvance présidentielle mais des frères ennemis. Kader Cissé a choisi Boureim Alpha Traoré, bouillant militant au tempérament difficile, pour coordonner la campagne provinciale du candidat Blaise Compaoré. Cet homme aura un grand boulot à abattre surtout que le député du CDP, Arouna Maïga, est un anonyme que Kader Cissé a imposé. Les mauvais choix tactiques du CDP dans la province ont toujours fait le bonheur de la CDF qui gère la municipalité de Gorom-Gorom.

Comment la CDF va-t-elle composer avec le CDP pour faire triompher Blaise Compaoré ? Les deux co-épouses de Blaise ne se font jamais de cadeaux et ce dernier ne sait pas à quelle sauce il sera mangé.

Autre tendance qui se dégage et qui occupe le terrain politique, c’est le PDP/PS de Ali Lankouandé avec son fidèle lieutenant Maïga Garkoleré, coordonnateur régional de la campagne présidentielle du PDP/PS. Une autre force émergente est le PDS de Philippe Ouédraogo qui a récupéré beaucoup de militants des autres partis après avoir effectué un travail souterrain et poser des actes concrets pour les populations (constructions de forages, de mosquées...)

Le Yagha de Soumane Touré

Le Yagha est la plus jeune et la plus petite province de la région du Sahel. Erigée en province à la faveur de la loi n°09/96/ADP du 24-04-96 portant création et dénomination de 15 nouvelles provinces, le Yagha a le sentiment d’être abandonné et vit dans un état de délaissement. Aux dernières législatives, la province n’a pu obtenir un élu à l’hémicycle. Le Yagha a la particularité d’être la province où, depuis le retour du multipartisme, le parti au pouvoir n’a pas remporté une élection législative. L’ancien député Yaya A. Barry jouit d’une grande popularité et son adhésion au PAI du candidat Soumane Touré donne des sueurs froides à la mouvance présidentielle.

Le Yagha est une des provinces où le candidat Blaise Compaoré pourrait être battu. Il faut dire au passage que cette province n’a jamais reçu la visite du président Compaoré et elle est l’une des rares au pays où les ABC (Amis de Blaise Compaoré) n’ont pas encore marché pour soutenir leur candidat.

Le Yagha se sentant orphelin (sans député), le PAI de Soumane Touré a un bon coup à jouer. Les ténors du CDP, "Djoudjou" et "Gorbero", devront batailler ferme pour que le candidat Blaise Compaoré séduise les voix des femmes et des hommes de la cité du miel. Parmi les autres candidats déclarés à la présidentielle du 13 novembre 2005, Ram Ouédraogo, Me Bénéwendé Sankara et Me Hermann Yaméogo sont les outsiders qui ont quelques voix à glaner dans le Sahel.

Le candidat indépendant Arouna Dicko, bien qu’originaire de la région, ne pourra même pas jouer les trouble-fêtes, il est un illustre inconnu.
Comme en politique rien n’est joué à l’avance avec les revirements spectaculaires, l’élection présidentielle du 13 novembre 2005 promet d’être palpitante au Sahel.

Par Mohamed Ag Ibrahim

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