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Quel rôle pour les intellectuels africains : Le cas du Gabon ?

Publié le mercredi 5 février 2020 à 12h00min

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Quel rôle pour les intellectuels africains : Le cas du Gabon ?

Plus d’ombres que de lumière dans le chef des intellectuels africains dont le rôle suscite plus des questions qu’il n’apporte des réponses.

Pendant combien de temps doit-on encore se complaire de voir des élites godiches quasi inexistantes sur le terrain des recherches et de l’innovation nécessaire pour affronter les défis du développement à travers le continent ?
Plus de cinquante ans après les indépendances, l’Afrique peut se glorifier d’avoir fait évoluer significativement le nombre de ses intellectuels. Cependant, pour ce qui est de leur rôle, les avis sont contrastés.

D’où l’intérêt de cette réflexion interpellative. Au moment où le continent traîne à la queue du peloton en matière de développement et peine à trouver une issue heureuse pour montrer le bout du nez sur la scène internationale, essayons de mettre les doigts là où ça fait mal.

Oui, dans presque la totalité des pays d’Afrique subsaharienne, notamment au Gabon, les défis à affronter par les différentes sociétés ont pour noms l’essor économique, la croissance, l’industrialisation, le plein emploi, l’accès à l’eau et à l’électricité, l’accès aux soins et à une éducation de qualité. En un mot, c’est le défi du développement.

A ce qui semble, ces problématiques ne sont pas nouvelles pour l’élite politique et intellectuelle du continent ou du Gabon en particulier.

Si l’élite politique multiplie tant bien que mal les initiatives audacieuses pour rencontrer les aspirations des populations avec plus ou moins de réussite dans certains secteurs, il est à noter une certaine ambiguïté qui n’en finit pas de susciter moult interrogations pour ce qui est du rôle réel de l’élite intellectuelle notamment gabonaise.

Des intellos dans un jeu en clair-obscur ?

Face aux problématiques majeures qui se posent à la société, la logique voudrait que, comme on l’a vu en Occident, en France, dans les Dragons d’Asie ou ailleurs, ce soit l’élite intellectuelle (en tant mémoire et laboratoire) qui se place en première ligne dans l’ordre de bataille pour accoucher les pistes de solutions, tracer la voie, galvaniser et tirer vers le haut les autres corps sociaux, car c’est elle la lumière de la société.

C’est tout le contraire des élites gabonaises qui, profitant de leurs voyages dans ces pays comme l’Inde, Singapour, la Chine ou ailleurs se livrent à des diatribes sophistes au lieu de s’en inspirer pour impulser les progrès sur le plan local.

Ils font même pire. S’ils ne postent pas des messages tendancieux appelant à la révolte contre les institutions, ils s’enchantent à jeter l’anathème contre les partenaires de développement majeurs suffisamment implantés dans le tissu économique local comme Olam, ou dissuader les potentiels nouveaux investisseurs à visiter la destination Gabon.

Empêtrées dans leurs propres contradictions, les élites gabonaises auraient même du mal à définir avec clarté les contours de leur rôle ou leurs propres missions dans la société.

Tantôt elles flirtent avec la sphère politique, tantôt elles s’en démarquent. D’autant plus qu’on voit les élites de temps à autre alterner les postures d’acteurs politiques ou d’intellectuels critiques pur-sang. La frontière n’en est pas moins brumeuse.

La bouche qui mange ne parle pas. Au Gabon, quand l’élite est aux affaires, c’est le silence radio, tout va bien. Mais sur le plan de l’efficacité, Il n’y a pas de quoi pavoiser.

L’expérience démontre que l’élite intellectuelle gabonaise est plus connue pour ses hauts faits de prédation que pour des réalisations d’intérêt public massives.
La moisson réalisée dans le cadre de l’opération mains propres scorpion pour assainir les finances publiques du pays continue encore de faire écho à travers le pays et le continent.

Au lieu d’être dans le rôle de fer de lance du développement public, la promotion de l’intérêt général, on s’aperçoit que dans leur quotidien, les élites gabonaises font dans le nombrilisme et sont promptes à satisfaire les intérêts personnels.

L’intérêt public relégué au second plan

On voit par exemple une élite gabonaise très active dans l’univers de chamailleries politiciennes (la sorcellerie politique pour reprendre l’expression chère à Moubamba), l’invective via les réseaux sociaux ou les blogs, mais inexistante dans la production d’idées lumineuses au service de l’intérêt public.
Conséquence, la société qui ne palpe presque rien en termes d’apports qualificatifs de la part de ces étoilés émet de plus en plus des doutes sur leurs capacités réelles à porter au firmament l’envol de la société gabonaise !
Même quand les intellectuels gabonais s’enchantent dans les amphithéâtres des universités, ce n’est pas pour former ou réveiller un nouveau profil d’étudiants aptes à l’auto-emploi.

S’ils n’excellent pas dans l’art de la manipulation, l’endoctrinement des étudiants qu’ils orientent généralement vers l’activisme politicien, ils s’enracinent chaque jour dans les schémas battus loin de répondre à l’exigence de l’adéquation formation-emploi.

Par la faute de son élite inapte à innover, les universités gabonaises déversent d’année en année des grappes de chômeurs sur le marché.

Aux antipodes des défis de la société, au Gabon, les élites se sont taillé la tunique des véritables marionnettistes prompts dans l’effusion de la critique négative, les débats sur les individus à tout va via les réseaux sociaux ou les blogs généralement étayés par aucun projet de construction positive.

Ailleurs, les élites sont des maîtres-penseurs et les scientifiques rivalisent d’ardeur pour faire des universités les vrais moteurs du développement. Au Gabon, les élites sont des maitres chanteurs résolument inscrits dans une forme de fatalité qui ne dit pas son nom.

Presqu’un parjure ! Un déni de soi qui a valeur d’une porte ouverte aux ténèbres qui s’emparent de l’ensemble de la société annihilant toutes les chances de sortir de la nuit des cavernes.

Les élites portent le rêve de la société

Pourtant, sur le continent ou au Gabon, plus d’un demi-siècle après les indépendances, le peuple aspire résolument à une vision centrée sur le développement. Le rêve aurait été permis !

Mais, le développement ne se décrète pas. Cela passe en amont par la pose de certains jalons notamment les infrastructures structurantes, le tissu industriel de production ou de transformation, matrice susceptible de créer une chaîne de valeurs sur le plan local.

C’est la principale équation à résoudre pour placer le Gabon et le reste de l’Afrique sur la rampe.

L’autre pan du problème ? Ce sont les hommes bien formés. Il faut en effet avoir les ressources humaines ayant le profil du métier pour relever les défis technologiques qu’exige tout développement.

C’est certainement pour avoir compris cet enjeu qu’il y a deux ans, le chef de l’Etat gabonais, Ali Bongo Ondimba, avait montré la direction en se prononçant en faveur des réformes donnant avantage aux filières techniques et technologiques dans les critères d’attribution des bourses.

Comment les élites scientifiques gabonaises et les universitaires se sont-ils approprié cette vision des autorités pour l’orienter vers la floraison des filières techniques ou technologiques au sein de différents pôles scientifiques ?
Les élites ont-elles fait leur job dans la matérialisation de cette ambition ?

Chacun connait la réponse.

A vrai dire, c’est sur ce chantier quasi à l’agonie que les intellectuels gabonais auraient pu s’illustrer pour se signaler positivement. Mais au regard de son infertilité sur le plan des idées, tout porte à croire que l’élite gabonaise a lamentablement échoué. Observons !

Certes encore embryonnaires, les entités industrielles (usines, manufactures) s’implantent progressivement à travers le Gabon.

L’infertilité des élites gabonaises est rédhibitoire

La Zone économique de Nkok, fleuron gabonais qui suscite les visites à répétition des chefs d’Etat et autres personnalités venues d’ailleurs, a pignon sur rue. D’autres usines fleurissent à Kango, Lambarené, Mouila, ou dans d’autres sites. Des nouveaux ports sont également construits.
C’est sans doute un petit pas, mais il n’en demeure pas moins une étape décisive.

Constat amer ! Les contingents des Gabonais présents dans ces usines sont affectés à des tâches souvent moins qualifiantes. A qui la faute ?
Où sont les ingénieurs, les électromécaniciens, les techniciens supérieurs gabonais intervenant dans ces différentes chaînes de production et de transformation ?

Voilà un autre axe sur lequel les intellectuels gabonais auraient été d’un apport significatif et leur contribution appréciable. Une fois encore, c’est quasi le vide.
C’est la même réalité dans le secteur agricole. Où sont les agronomes nationaux qui s’évertuent à expérimenter des options ou tentent d’innover afin d’inverser la forte dépendance alimentaire du Gabon qui se saigne à coût des milliards pour importer la quasi-totalité des produits de première nécessité d’ailleurs ? Là aussi, c’était aux intellectuels de tenir le flambeau. Mais, rien !

Au regard d’un tableau aussi peu reluisant, y aurait-il encore de doute sur l’impuissance des intellectuels gabonais à jouer leur vrai rôle à savoir : être des acteurs avant-gardistes de la société et féconder le progrès public dans une relation dialectique entre critique négative et critique positive. C’est ici que s’amorce le vrai débat à l’heure de l’intelligence économique.

Didier AWOMI
En avant, l’Afrique !

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Vos commentaires

  • Le 7 février 2020 à 22:44, par Arthur F. NDONG En réponse à : Quel rôle pour les intellectuels africains : Le cas du Gabon ?

    Dans un premier temps, j’invite l’auteur de cet article à lire l’ouvrage d’un ingénieur gabonais intitulé "DÉFICIT DÉMOCRATIQUE ET MAL DÉVELOPPEMENT EN FRANCOPHONIE" (Edmond Okemvele Nkoghe) .
    Dans un second temps je l’invite à compléter son analyse en articulant le rôle des intellectuels africains, gabonais en particulier, avec le système de gouvernance de leur pays respectifs, sans occulter le jeu des protagonistes externes.

    Car Je reste sur ma faim après lecture de l’article.

    C

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