LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Soyez un repère de qualité. Certaines personnes ne sont pas habituées à un environnement où on s’attend à l’excellence.” Steve jobs

Présidentielle égyptienne : Moubarak, le mandat de trop ?

Publié le jeudi 8 septembre 2005 à 08h09min

PARTAGER :                          

Sur la tribune en ce 6 octobre 1981, Anouar el Sadate avec à ses côtés le vice-président Hosni Moubarak assistait à un défilé militaire. Soudain les armes crépitèrent et Sadate "le traître" (il s’était rendu en visite en Israël) fut tué.

Moubarak s’emparera alors des rênes du pouvoir et ne les lâchera plus.

L’Egypte des années 80 avait deux boulets chevillés au corps : le premier est l’islamisme radical, qui n’a d’ailleurs jamais baissé pavillon, notamment avec le groupe islamiste mondial, les Brigades de l’unification islamique, la Gama Islamya... le deuxième est une économie au creux de la vague avec des fondamentaux à l’orange.

Militaire (il a été de 1967 à 1975 patron de l’aviation), Hosni Moubarak s’était promis de mettre de l’ordre et de donner un second souffle aux finances. Le monde assistera alors à une véritable répression des islamistes, qui, il est vrai, ne lui laissent pas le choix avec plusieurs attentats à leurs actifs. Le Raïs fera également quelques actions pour booster l’économie. Vingt-quatre ans après ce règne interminable, le successeur de Sadate n’a pu que présenter un bilan mitigé.

En effet, si dès les premières années de sa présidence, la violence légale s’expliquait, elle était difficilement soutenable à long terme, surtout sur le terrain politique. Ainsi en va-t-il des réformes, annoncées et chaque fois renvoyées, Moubarak estimant que la liberté, la démocratie et le pluralisme sont, dans le contexte égyptien, le plus sûr moyen vers le désordre et l’anarchie.

Et manifestement, entre le désordre et l’injustice, à l’instar d’Houphouët Boigny, Moubarak préfère de loin l’injustice, une injustice qui frappe depuis des lustres les frères musulmans, le plus vieux, le mieux structuré et le plus populaire des formations politiques.

Hier 7 septembre, alors qu’un incendie ravageait un théâtre de Bani Soueif à 150 km au sud du Caire, faisant une quarantaine de morts, 10 candidats parmi lesquels Hosni Moubarak, sollicitaient les voix de 32 millions d’électeurs pour le scrutin présidentiel. Le Majlis Echaâb, le Parlement égyptien, dominé par le parti national démocrate (PND), parti au pouvoir, avait en mai 2005 désigné l’actuel président comme son candidat naturel.

Et voilà donc Hosni Moubarak reparti pour se succéder pour un mandat de 6 ans. Certes, c’est la première présidentielle multipartite qui se tient dans ce pays, mais, à moins d’un tremblement de terre, Moubarak va encore rempiler, le plus sérieux des candidats, Ayman Nour, faisant figure de cendrillon de la fable dans ce scrutin majeur.

Vainqueur, il est parti pour faire 30 ans de pouvoir presqu’absolu, à moins, comme le soutient l’opposition, qu’il fasse une "succession à la syrienne", en se faisant remplacer par son fils cadet, Gamal, président du Comité politique du PND transformant ainsi l’Egypte en une "République monarchique".

Tout ou presqu’indique que son rejeton est mis en pole position : fréquents voyages aux USA, influence de Gamal sur certains ministres clés du gouvernement..., mainmise sur le PND... Atmosphère de fin de règne donc au bord du Nil même si le vieux raïs s’accroche à son fauteuil, car certains signes ne trompent pas : d’abord sa santé, sujet tabou qui, il y a quelques années, a fait de plus en plus la une des journaux. Ainsi, en juillet 2004, il s’est rendu à l’hôpital orthopédique de Munich (Allemagne) officiellement pour un check-up. Mais de nombreux Egyptiens savent que la santé de Moubarak est chancelante.

D’aucuns pensent que ce 5e mandat qu’il brigue, est celui de trop, car non seulement, en 24 ans, il aura fait ce qu’il a pu, et 6 ans de plus ne changeront pas grand-chose à son action. En plus, la logique biologique veut également qu’il se retire des affaires, et qu’il laisse la place à d’autres, y compris ceux issus de l’opposition, qui réclament à cor et à cri des réformes dont certaines ont eu lieu (pluralité des candidatures, suffrage universel direct).

A moins que l’avènement d’une Joumloukiya (République monarchique) ne soit déjà pour les prochains mois. Du reste, les USA (partenaire et allié de Moubarak) pèsent de plus en plus pour un changement en Egypte. Mais quel changement ? Celui dans la continuité ? Le sphinx du Nil l’entendra-t-il de cette oreille ? Lui seul sait, si Dieu lui prête longue vie, ce qu’il fera de ce mandat qui, à l’évidence, sera celui de tous les dangers.

Zowenmanogo Dieudonné Zoungrana
Observateur Paalga

PARTAGER :                              
 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique