Situation sécuritaire : « La priorité, c’est comment se sortir de cette situation. Après, on pourra continuer les débats », préconise Mélégué Traoré
« Burkina Faso : un pays en guerre ? Que faire ? ». C’est la principale préoccupation autour de laquelle, l’association Citoyen du renouveau a initié, le lundi, 16 décembre 2019 à Ouagadougou, une conférence publique qui a mobilisé un grand public. Pour décortiquer le thème, des avertis de domaines : le chef d’État-major de l’armée de terre, colonel Gilles Bationo ; le diplomate et ancien Président de l’Assemblée nationale, Mélégué Traoré ; le juriste et politologue Dr Abdoul Karim Saïdou ; l’enseignant en journalisme, Pr Serge Théophile Balima.
Le décor est campé par le président de Citoyen du renouveau, organisation initiatrice de ce cadre, qui a fait une description de la situation que traverse le pays, depuis quatre ans maintenant. De multiples attaques terroristes, avec pour entre autres conséquences, de nombreuses pertes en vies (civiles et militaires) et plus de 500 000 déplacés internes.
« Ce qui se passe donc en ce moment dans notre pays, relève de la catégorie du jamais vu dans l’histoire du Burkina Faso post-indépendance », affirme le président de l’association, Mathieu Tankoano, pour qui, cette période sombre contraste d’avec le comportement de la société burkinabè, prise dans sa globalité. « Aussi paradoxal que cela puisse paraître, sur le plan social, comme si de rien n’était, des mouvements sociaux se sont multipliés ; les uns réclamant l’amélioration de leurs conditions de vie et de travail, les autres, l’élargissement des espaces de liberté. Dans la capitale notamment, tout comme dans les autres zones frappées de plein fouet par le phénomène terroriste, l’incivisme est à son paroxysme ; les bars et les maquis ne désemplissent pas, les boîtes de nuit tournent à fond, la bière coule à flots, la vie suit son cours normal, bref, les habitudes n’ont vraiment pas trop changé. Est-ce de l’insouciance ou de la résilience ? Du côté de l’exécutif, des signaux suffisamment forts n’ont pas été donnés relativement à la ‘’guerre’’ que nous imposent les groupes terroristes », dépeint M. Tankoano.
- Mélégué Traoré
Il déplore également que certains hommes politiques se servent de la situation de crise pour renforcer la haine et la division entre Burkinabè. « Même le dialogue politique national, initié par le président du Faso, n’a pas réussi à faire parler d’une même voix, les filles et fils de ce pays, face au péril qui menace les fondements même de notre patrie », affirme-t-il.
« Vous serez forts, malgré vous »
Pour Mathieu Tankoano, par cette réflexion, il s’agit pour son organisation de dresser l’état des lieux de la situation sécuritaire du pays, connaître ce que requiert la législation du Burkina lorsque le pays est en guerre, proposer des actions à mener en vue de la mobilisation sociale en cas de guerre et des pistes de réflexion sur les meilleures formes de collaboration avec les partenaires internationaux, etc.
Le premier panéliste à livrer sa communication est le chef d’État-major de l’armée de terre, colonel Gilles Bationo. Il va procéder par une approche définitionnelle et de clarification de certains termes et notions, une présentation de la nature du terrorisme, son origine, le mode opératoire avant de donner des conseils pratiques.
Selon le communicant, l’ONU (Organisation des Nations-Unies) a défini le terrorisme comme toute action qui a pour intention de causer la mort ou de graves blessures corporelles à des civils ou à des non-combattants, lorsque le but de cet acte est de par sa nature ou son contexte, d’intimider une population ou de forcer un gouvernement ou une organisation internationale à prendre une quelconque mesure ou à s’en abstenir.
« C’est exactement ce qui se passe au Burkina ici. En 2015, les députés de la transition ont voté la loi qui permet de mieux décrire les circonstances des actes pouvant recevoir la qualification de terrorisme », renvoie-t-il.
« Au début, personne ne se prépare à faire face au terrorisme. (…). 2Pac (artiste-rappeur américain, ndlr) a dit que les temps de paix créent des hommes faibles, mais les temps de crise créent des hommes forts. Vous, peuple burkinabè, serez forts, malgré vous. Malgré nous, nous serons forts. Où est-ce que vous allez aller ? On va déménager en Côte d’Ivoire ? Au Mali ? Au Bénin ? On sera au Burkina Faso, n’est-ce pas ? Donc, vous allez être forts », insiste colonel Gilles Bationo.
- Colonel Gilles Bationo, lors de son exposé
Le spécialiste a aussi expliqué au public que le recrutement des terroristes se fait également dans les salles de musculation, sur les réseaux sociaux et dans les salles de jeux vidéo. Aussi, recommande-t-il d’éviter la stigmatisation, de redoubler de vigilance dans les lieux publics et de ne pas hésiter à signaler les faits et actes suspects.
« Ça pose un problème extrêmement complexe sur la question de savoir si nous sommes en paix ou en guerre. Donc, la question de savoir s’il faut déclarer la guerre ou s’il faut considérer que nous sommes en paix est une question éminemment politique ; on n’a pas de réponse objective, on n’a pas de réponse sur le plan scientifique », a analysé l’homme de droit, Dr Abdoul Karim Saïdou, précisant qu’en principe, la guerre est, selon la Constitution, déclarée par l’Assemblée nationale.
- L’ancien ministre de la défense (gouvernement Compaoré), Yéro Boly (6ème à partir de la droite) était parmi les participants à la conférence publique
Une lutte pour la monopolisation et le contrôle de l’information
Puis, contextualise l’enseignant-chercheur, Dr Saïdou, pour qui, la question importante est de savoir quelle est la réponse des Etats face à ces menaces terroristes.
Pour Mélégué Traoré, le Burkina est « évidemment » en guerre. « Ça, il ne faut pas se le cacher. On n’est pas en état de guerre, mais on est sûrement en situation de guerre. Vous savez qu’on ne déclare plus la guerre comme autrefois ! (…). En tout cas, il faut faire comme si on était en guerre, même si on ne l’était pas, pour pouvoir se préparer à toutes les éventualités », interpelle le diplomate.
Partant d’exemples à travers le monde, le panéliste souligne l’impératif de faire en sorte que le terrorisme ne s’installe pas, sinon il peut prendre du temps pour être éradiqué (les risques et les conséquences peuvent être beaucoup plus lourds que ce qu’on pensait). Le fondateur du Centre parlementaire panafricain suggère que l’on repense la diplomatie, et la relation entre celle-ci et la sécurité.
« Objectivement, les Français et les Américains ne sont pas là parce qu’ils nous aiment. (…). Nos débats philosophiques sur les accords avec la France ne sont pas notre priorité. La priorité, c’est comment se sortir de cette situation. Après, on pourra continuer les débats », clarifie Mélégué Traoré.
Dans les perspectives de la lutte, l’ancien Président de l’Assemblée nationale juge nécessaire l’accompagnement de l’Algérie dans le cadre du G5 Sahel.
Au Burkina, il faut que l’ensemble des forces acceptent de travailler avec le président du Faso ; pas en tant qu’individu, mais en tant que président, institution, prône Mélégué Traoré.
- De g.à d. Gilles Bationo, Mélégué Traoré, Newton Ahmed Barry (modérateur), Serge Théophile Balima et Abdoul Karim Saïdou
Quant au dernier panéliste à intervenir, Pr Serge Théophile Balima, il a exhorté les médias à accroître leur niveau de vigilance pour ne pas se laisser manipuler de façon inconsciente. L’enseignant-chercheur relève que dans ce contexte de guerre, il y a une lutte pour la monopolisation et le contrôle de l’information. « Je trouve, personnellement, que les élites burkinabè n’ont pas une culture de l’information, la communication organisationnelle suffisante, pour faire face aux situations de crise, aux situations difficiles », poursuit l’ancien ministre de l’information et de la culture.
Pr Balima fait ressortir que la guerre de l’information s’exerce de trois manières : la guerre pour l’information (lutte pour les renseignements…), la guerre contre l’information (protéger certaines informations et interdire à l’ennemi d’y accéder) et la guerre dans l’information (accepter de composer avec le vice).
Pour Pr Serge Théophile Balima, dans le contexte actuel, il faut donc accepter de sortir des chantiers battus et des schémas classiques.
OL
Lefaso.net
Vos commentaires
1. Le 18 décembre 2019 à 02:15, par Hamon En réponse à : Situation sécuritaire : « La priorité, c’est comment se sortir de cette situation. Après, on pourra continuer les débats », préconise Mélégué Traoré
Voilà encore une vérité de Melegué Traoré, intellectuel burkinabé plein et sans bavure. En toute indépendance, il préconise que tout le monde y compris ceux qui ont amené cette pègre djihadiste dans notre pays, se ligue contre le terrorisme. Après la victoire sur le fléau, on avisera. Donc tout burkinabé qui a une quelconque proposition pour arrêter cette guerre comme par exemple négocier avec les terroristes est encourager à le faire. Inch Allah !!!
2. Le 18 décembre 2019 à 06:08, par Prince Sanmatenga à Montpellier France En réponse à : Situation sécuritaire : « La priorité, c’est comment se sortir de cette situation. Après, on pourra continuer les débats », préconise Mélégué Traoré
Merci mon Colonel. Vous avez posé le cadre théorique du problème depuis 2015. Un problème avec une origine, quels sont les auteurs pour le résoudre. C’est clair, les auteurs sont du pays. Ils sont dans les salles de musculation, dans les salles de jeux vidéo. Les auteurs sont meme sous les hangars au bord des rues parlant très mal du pouvoir et riant des attaques du pays. C’est dommage que c’est ainsi que va la vie au Burkina. Certains pleurent et certains rient. Mon Colonel je sais que vous avez joué un rôle. Mais il faut encore cette fois-ci une solution pour le peuple réel dans son ensemble.
3. Le 18 décembre 2019 à 08:12, par kap En réponse à : Situation sécuritaire : « La priorité, c’est comment se sortir de cette situation. Après, on pourra continuer les débats », préconise Mélégué Traoré
En voila des intellectuels non calculateurs qui qui aident leur patrie a trouver des solutions pour sortir de la crise sécuritaire et politique
4. Le 18 décembre 2019 à 08:13, par karatyele En réponse à : Situation sécuritaire : « La priorité, c’est comment se sortir de cette situation. Après, on pourra continuer les débats », préconise Mélégué Traoré
Félicitation au journaliste qui a fait le resumé.
5. Le 18 décembre 2019 à 08:20, par le bon En réponse à : Situation sécuritaire : « La priorité, c’est comment se sortir de cette situation. Après, on pourra continuer les débats », préconise Mélégué Traoré
Très belle initiative à multiplier aussi bien en français qu’en langue. On n’a pas encore pris la mesure des choses, et nos concitoyens (politiques, syndicats, citoyen lamda) se comportent de façon irresponsable. On doit se souder les coudes et se discipliner.
6. Le 18 décembre 2019 à 10:16, par ollo En réponse à : Situation sécuritaire : « La priorité, c’est comment se sortir de cette situation. Après, on pourra continuer les débats », préconise Mélégué Traoré
Nous devons aussi développer la guerre communicationnelle en direction de nos frères instrumentalisés et radicalisés. Jusque-la ils n’ont accès qu’à un langage fanatique venant de ceux qui les manipulent. Il faut, au niveau de nos média, choisir des langues et des canaux de communication qui les atteignent. Devant deux voix, ils pourront discerner le vrai du faux sinon ils resteront toujours à la merci de leurs maitres à penser. N’oublions pas que beaucoup sont ignorants et manipulés.
7. Le 18 décembre 2019 à 11:01, par Sidi Mohamed Dah En réponse à : Situation sécuritaire : « La priorité, c’est comment se sortir de cette situation. Après, on pourra continuer les débats », préconise Mélégué Traoré
Tous les pays du G5 sont concernés. Nous avons tous connu des attaques térroristes. Combattre le terroriste nécessite une collaboration et une contribution de tous les pays. Les métastases de ce mal se propagent rapidement et dans tous les sens. Le combat doit être multiforme :
fermer les sources d’approvisionnement en homme et ce à travers une éducation religieuse correcte dont les préceptes sont établis par des hommes du savoir. Une justice dans nos pays et une gouvernance qui permet une répartition juste de notre richesse.
fermer les sources de financement : surveillance accrue du commerce transfrontalier des marchandises, de la drogue et aussi des êtres humains par l’arrêt de la migration clandestine.
Stabiliser la Libye. tant que ce Pays est dans cette situation de guerre fratricide, les armes couleront à flot dans le Sahel.
De grâce, les pays qui ont des moyens pour acheter les armes et faire des règlements de compte hors de leur territoire doivent comprendre que la paix est précieuse et ses armes se retourneront un jour contre eux.
8. Le 18 décembre 2019 à 11:20, par Moi En réponse à : Situation sécuritaire : « La priorité, c’est comment se sortir de cette situation. Après, on pourra continuer les débats », préconise Mélégué Traoré
Je préconise leur nomination à un prix nobel de la paix burkinabé. C’est ça les intellectuels et les appoteurs de solution. La reflexion est menée avec objectivité et sans arrière pensée, sans calcul pilitico politicienne malgré qu’il ya des hommes politiques parmis eux.
C’est mieux que le vacarme provenant de la course au fauteuil qu’on entend chez d’autres. Il faut être malade d’esprit pour croire que si tu viens au pouvoir dans une telle situation tu peux être meilleur.
Si les attaques étaient dirrigées contre le BF uniquement ou si le même partie politique était au pouvoir dans les 4 pays principalement attaqués ce jour je dirai sans doute que c’est dû à l’incapacité de telle ou telle personne.
Quand j’écoute certaines personnes vociférer et cracher du vénin c’est comme si ils croient que les balles vont epargner les membres de leur famille et eux même et ne prendre que les autres. Quand à l’insouciance que le paneliste évoque il a 1000 pour cent raison, on ne comprend tout simplement pas le burkinabé contemporain.
Cependant nous aimons prendre l’exemple sur le japon la chine alors que ce qui fait la force de ces gens c’est le sentiment d’appartenance à leur nation, il ne sont pas prêt à trahir l’interêt commun pour leur interêt personnel.
Brandit un pain devant des africains il vont se pietiner, se tuer pour le saisir et fait de même chez les japonais ils vont agir autrement !
Vivement que ce genre debat constructif continue ! Dieu vous bénisse !
9. Le 18 décembre 2019 à 12:38, par barkbiiga En réponse à : Situation sécuritaire : « La priorité, c’est comment se sortir de cette situation. Après, on pourra continuer les débats », préconise Mélégué Traoré
Tout cette démonstration est noble mais je vois aucune proposition pratique pour nous sortir de là.Rien que du verbiage avec des citations de 2PAC !!! vous aviez le temps d’écouter 2PAC dans ce contexte ? je pensais que vous aviez l’esprit au nord , à l’est etc qu’à 2PAC.
La vraie solution pour moi passe par une réconcialiation nationale avec la libération de tous les prisoniers d’après insurection sinon notre orgueil va nous conduire loin.
10. Le 18 décembre 2019 à 18:43, par GANZOURGOU BIGA En réponse à : Situation sécuritaire : « La priorité, c’est comment se sortir de cette situation. Après, on pourra continuer les débats », préconise Mélégué Traoré
Très belle initiative qui marque un début de prise de conscience de la gravité et de l’ampleur du problème qui ne peut être géré, combattu et /ou endigué par une seule personne, une seule organisation ou partie politique en ignorant un seul Burkinabé.
La patrie est menacée et cela doit être l’affaire de tous sans distinction ni discrimination aucune.
Les actions urgentes d’accompagnement à cet élan d’ensemble est la restriction des réjouissances populaires et individuelles (limité par exemple les heures d’ouverture des maquis, des bars, des salles de jeux, etc).
Les politiques et surtout l’UA et l’UE devraient prendre au sérieux ce qui se passe actuellement en Algérie car la dégradation de la situation politique dans ce pays ou la prise en main du pays par un pouvoir non reconnu par la majorité aura un impact incontournable sur la sécurité de la sous région comme ce que nous avons vue pour le cas de la Libye. L’Algérie semble être loin mais ce pays constitue l’échelle entre l’Europe et les pays du G5 sahel.
11. Le 18 décembre 2019 à 19:26, par Ouedraogo D Pascal En réponse à : Situation sécuritaire : « La priorité, c’est comment se sortir de cette situation. Après, on pourra continuer les débats », préconise Mélégué Traoré
Prix Nobel de la paix, qu’est-ce qu’ils ont apporté de nouveau dans ce que nous connaissons déjà. Chaque burkinabè doit faire des efforts personnels pour comprendre la menace qui est en train de détruire notre pays. Et je ne comprends pas cette excitation derrière Gilles. Mon ami fouille dans son passé et tu verras qui il est. Personne au Burkina ne peut encore nous feinter