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Journalisme : La défense des droits de la presse et la promotion du respect de l’éthique et de la déontologie, le leitmotiv de Crédo Tetteh, journaliste togolais

Publié le mardi 19 novembre 2019 à 22h00min

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Journalisme :   La défense des droits de la presse et la promotion du respect de l’éthique et de la déontologie, le leitmotiv de Crédo Tetteh, journaliste togolais

Précédemment secrétaire général de l’Union des journalistes indépendants du Togo (UJIT), Crédo Adjé Kpatagnon Tetteh, puisque c’est de lui qu’il s’agit, est avant un syndicaliste. Actuellement, directeur de publication de l’hebdomadaire « Le Medium », sa voix continue de résonner dans l’univers médiatique togolais, mais aussi à l’international. Brillant journaliste, il est avant tout « un homme de lutte ». Bien entendu, son parcours n’a pas du tout été un long fleuve tranquille et les stigmates se font ressentir dans la voix et le regard de l’homme. A l’occasion de l’atelier régional de la Fédération internationale des journalistes (FIJ) sur « l’organisation dans les médias numériques, la réforme syndicale et le recrutement de jeunes » tenu du 5 au 6 Novembre 2019 à Lomé au Togo, aux côtés de l’actuelle présidente de l’UJIT, Patricia Adjisseku, et de la représentante de la Fédération internationale des journalistes (FIJ), Sohna Dia, il délie la langue du syndicaliste, mais cette fois-ci à l’endroit des jeunes journalistes. C’est avec des propos toujours fermes de conviction lorsqu’il s’agit de parler de la vie du journaliste, que le désormais ex-secrétaire général de l’UJIT a reçu Lefaso.net. Interview

Lefaso.net : Qu’est-ce qui vous motive à partager votre expérience à l’occasion de l’ atelier de la FIJ ?

Crédo Adjé Kpatagnon Tetteh : Ce qui me motive, je pense que j’ai répondu à l’invitation de la Fédération internationale des journalistes (FIJ) et de l’Union des journalistes indépendants du Togo (UJIT) pour partager mes expériences avec les jeunes journalistes, mais aussi parler de leur engagement dans la vie de nos syndicats, les techniques de recrutements, afin de redynamiser la vie de nos syndicats. Nous avons réfléchi avec les participants, que je trouve assez fournis, de la problématique de recrutement des jeunes au sein de nos syndicats. Egalement, on s’est penché sur les voies et moyens de leur implication dans les instances de décision de nos organisations professionnelles de presse au niveau pays et pourquoi pas, à l’international.

Donc, il s’agissait de poser les bases sur les modalités de recrutement au sein de nos syndicats. L’exercice s’est fait à travers les trois marches d’escaliers : la traditionnelle marche d’adhésion à travers l’envoi d’une demande d’adhésion. Ceci, après avoir pris le temps d’observer les activités de cette organisation. Ensuite, vient la courtoisie des membres qui consistent à parcourir les écoles de formation du journalisme, pour présenter des organisations de presse, cela suscite des engouements et des ambitions d’adhésion à cette organisation. L’autre dimension consiste à impliquer les jeunes journalistes dans la vie de nos organisations. Il faudrait avant tout les responsabiliser, il faudrait leur présenter les réalités des faits. L’objectif étant d’accomplir nos devoirs et réclamer nos droits.

Quelles étaient les préoccupations des jeunes ?

Leurs préoccupations, c’est d’intégrer les concepts de nos organisations, voir comment elles fonctionnent ; c’est la base de défense des intérêts des journalistes ; et, lorsque nous en sommes membres, nous veillons à ce que les intérêts de la presse et du journaliste soient défendus.

Un journaliste en conflit avec la loi a besoin de ses pères ou de ses confrères. Un journaliste qui manque de déontologie et d’éthique doit être rappelé à l’ordre par ses pères ; ce côté également doit être signalé. C’est pourquoi, je parlais tantôt des droits et devoirs du journaliste. On voit les droits et les devoirs du journaliste par rapport à son métier. Vous ne pouvez pas être dans ce corps de métier et ne pas maîtriser les textes qui régissent ce métier- parce que l’écriture journalistique, ce n’est pas comme la rédaction française à l’école. Il y a des règles, des questions que nous nous posons et nous devons essayer de trouver dans la rédaction des articles, des réponses que nous ne trouvons pas dans les écoles de formation.

Ce petit atelier de deux jours sous l’égide de la Fédération internationale des journalistes (FIJ), c’est d’amener les jeunes journalistes à s’approprier la thématique. Aujourd’hui, nos associations doivent avoir un regain d’intérêt en termes de mobilisation et d’action sur le terrain. Ce n’est pas les éternels journalistes qui le feront, mais nous avons besoin de rajeunir nos organisations de presse d’où cette nécessité de procéder à des recrutements.

Ce n’est pas la façon classique de recrutement comme on cherche un emploi dans une entreprise de presse, mais il faut vanter, bien présenter les objectifs de notre organisation pour que ce soit clair dans la tête des jeunes journalistes ; et qu’après leur formation, ils aient besoin dans l’exercice de leur profession d’être membres d’une organisation de presse.

Qu’est-ce que l’organisation de presse peut leur apporter en retour ?

Non seulement, il y a la poursuite d’informations, mais il y a surtout la défense de leurs droits et surtout la promotion de leurs devoirs. Donc, voilà en gros ce que nous avons dit, en gros avec un bémol sur cette urgente nécessité à ce que les jeunes journalistes s’impliquent réellement dans la vie de leurs associations.

Il ne suffit pas d’attendre l’Assemblée générale (AG) ordinaire ou l’Assemblée générale (AG) sélective pour se présenter. Le journaliste, membre d’une organisation doit faire jouer son principe de redevabilité ; donc, il doit également demander des comptes, mais dans des formules polies, pas de rébellion ; et il doit faire valoir ses droits. La redevabilité, c’est dire que vous êtes responsable de l’organisation de presse. Vous agissez au nom d’une entité, d’une corporation et vous devez rendre compte de votre mandat. Vous devez privilégier la défense des droits de la presse et faire la promotion du respect de l’éthique et de sa déontologie ; parce que lorsque nous n’avons pas la déontologie, nous n’avons pas la morale ; lorsque la déontologie n’est pas au rendez-vous, la presse sera toujours critiquée, alors que nous avons tous les outils à notre disposition pour faire une presse professionnelle en Afrique.

Il y a des excellences dans la presse africaine, au niveau de nos organisations de presse ; pourquoi ne pas prendre les exemples sur ces personnes-là ? Là où ils ont réussi, je dois également y réussir, aller plus loin. Mais, je ne dois pas aller plus loin pour essayer de les diffamer, de les dénigrer, surtout pas contre quelqu’un qui me dépasse ; je dois au moins être à son niveau de connaissances. Voilà, ce que nous voulons souffler à nos jeunes journalistes à travers cet atelier.

Au regard de votre expérience, qu’est-ce qui les empêche de se fidéliser et de s’engager avec professionnalisme ?

Il y a un laxisme et un manque de motivation. Les jeunes journalistes pensent que tout doit être donné sur un plateau d’or, alors que ce n’est pas le cas. Même dans la vie profane nous devons lutter ; savoir où on va. Lorsque vous êtes professionnel, il faut avoir une vision et épouser la vision de l’organisation. Une chose est d’avoir la vision et une autre est de s’assigner une mission, parce que c’est la mission qui vous permet d’atteindre cette vision. La vision qui est vue comme un idéal. Lorsque vous ne déterminez pas une mission, comment, dois-je faire pour atteindre cette mission, vous n’atteindrez pas les résultats escomptés au bout du rouleau. Donc, aujourd’hui, il est plus impérieux que les jeunes journalistes et les « journalistes » s’imprègnent de nos réalités sur le terrain et prennent à bras le corps la défense de leurs intérêts.

Il y a également un point très important qu’il faut toucher, c’est qu’il y a une diminution d’expression de confraternité entre nous. On pense que le problème qui arrive par exemple à Edouard est uniquement un problème pour Edouard, alors que le problème peut m’arriver aussi. Donc, nous devons développer toujours cette solidarité, cette fraternité entre nous. Nos anciens l’ont fait, pourquoi pas nous ? Donc, nous ne sommes pas des extra-terrestres pour ne pas le faire.

Lorsqu’on parle aujourd’hui de la compétence et de l’engagement des journalistes comparativement à leurs aînés, il semble qu’il y a une régression. Comment expliquez-vous cet état de fait ?

Non, euh ! Je parlerai d’un abus de langage. Les compétences, c’est sur le terrain, dans l’exercice de leur fonction et aussi, il ne faudrait pas que l’on pense que la compétence se définit uniquement par rapport aux diplômes qu’on a. Je le disais tantôt, la meilleure formation en journalisme est celle que nous appelons In Situ .Dans les rédactions, c’est là où vous apprenez le mieux, ce que c’est que le journalisme. C’est vrai la littérature nous l’avons dans nos écoles de formation. Nous avons des gens qui ont fait des écoles de formation en journalisme, mais qui aujourd’hui ne peuvent pas faire un article de presse, qui sont incapables et qui n’exercent même pas et au pire des cas, sont devenus des chargés de communication, donc il y a cette réalité qui est là.

Le journalisme est un noble métier, mais il faut avoir le feeling. Lorsque vous n’avez pas le feeling, vous allez toujours rendre des choses qui sont assez plates, sans grand intérêt .Prendre la plume et écrire un article de presse, c’est un art parce que vous vous posez la question qu’est-ce que le lecteur va lire ? Qu’est-ce que l’auditeur va comprendre ? Qu’est-ce que le spectateur veut écouter ? Vous devez vous transposer, faire cette mutation- là et prendre souvent même la place de ceux qui nous suivent. Donc, nous devons nous mettre également dans leur peau. On fait cet exercice, on se questionne et vous répondez à ces questions dans la rédaction de vos articles ou des faits. Il est plus important pour le journaliste de se mettre à la place du commun des mortels, lorsqu’il aborde un sujet qui est assez particulier et sensible.

Vous parlez des médias en ligne qui communiquent instantanément. Face aux défis sécuritaires, quel doit être le rôle du jeune journaliste des médias en ligne ?

Bon, il faut dire les péchés mignons des medias sociaux, c’est le sensationnel. Parce que c’est doublé d’instantanéité. Donc on veut être le premier à donner l’information, mais on ne prend pas le temps pour scruter l’information. Pour le journaliste, l’un des points les plus importants, c’est la vérification des informations ; on nous a appris que lorsque vous exercez la profession et que vous êtes face à une source unique, c’est qu’elle est nulle. Il faut diversifier ses sources d’information dans les medias sociaux. Il s’avère même que toutes les informations ne sont pas justes. Cela ne fait pas la bonne publicité du monde des medias .Et je voulais nuancer pour dire que celui qui est un bloggeur n’est pas forcément un journaliste.

Le journaliste sait qu’il doit obéir à des règles et on ne peut pas se cacher derrière les IPhone et balancer une relation des faits et l’assimiler à un article de presse. Il faudrait que nous puissions travailler là-dessus et c’est là que je suis très content parce que dans le processus de la révision du code de la presse et de la communication au Togo ; cela est pris en compte : parce que dans les législations africaines, il n y a pas de législation qui soit adaptée à nos médias. On nous laisse comme des champignons dans des chambres à coucher, dans des studios. Il suffit d’avoir un ordinateur, de la connexion et on s’improvise journaliste, ce n’est pas du journalisme.

Quels sont les défis majeurs des jeunes journalistes ?

C’est de nous humilier pour apprendre. C’est bien vrai que notre personnalité sera piétinée, mais il le faut. Il faut s’humilier. Il faut apprendre tous les jours.

Interview réalisée à Lomé par
Edouard Kamboissoa Samboé
samboeedouard@gmail.com
Lefaso.net

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Vos commentaires

  • Le 20 novembre 2019 à 11:52, par Le Pacifiste En réponse à : Journalisme : La défense des droits de la presse et la promotion du respect de l’éthique et de la déontologie, le leitmotiv de Crédo Tetteh, journaliste togolais

    Vous avez tout dit. "Bon, il faut dire les péchés mignons des médias sociaux, c’est le sensationnel. Parce que c’est doublé d’instantanéité. Donc on veut être le premier à donner l’information, mais on ne prend pas le temps pour scruter l’information. Pour le journaliste, l’un des points les plus importants, c’est la vérification des informations ; on nous a appris que lorsque vous exercez la profession et que vous êtes face à une source unique, c’est qu’elle est nulle. Il faut diversifier ses sources d’information dans les médias sociaux. Il s’avère même que toutes les informations ne sont pas justes. Cela ne fait pas la bonne publicité du monde des médias .Et je voulais nuancer pour dire que celui qui est un blogueur n’est pas forcément un journaliste"."Le journaliste sait qu’il doit obéir à des règles et on ne peut pas se cacher derrière les IPhone et balancer une relation des faits et l’assimiler à un article de presse. Il faudrait que nous puissions travailler là-dessus et c’est là que je suis très content parce que dans le processus de la révision du code de la presse et de la communication au Togo ; cela est pris en compte : parce que dans les législations africaines, il n y a pas de législation qui soit adaptée à nos médias. On nous laisse comme des champignons dans des chambres à coucher, dans des studios. Il suffit d’avoir un ordinateur, de la connexion et on s’improvise journaliste, ce n’est pas du journalisme".

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