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Insécurité : « C’est ensemble que nous pouvons ramener la paix dans notre pays » , Mgr Pierre Claver Malgo, évêque de Fada N’Gourma

Publié le lundi 18 novembre 2019 à 23h40min

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Insécurité : « C’est ensemble que nous pouvons ramener la paix dans notre pays » , Mgr Pierre Claver Malgo, évêque de Fada N’Gourma

La dernière attaque terroriste contre un convoi de travailleurs de la mine de Boungou, dans la région de l’Est du Burkina Faso, est le symbole de la crise sécuritaire qui sévit dans la région. Monseigneur Pierre Claver Malgo, évêque du diocèse de Fada N’Gourma, a accepté de répondre aux questions de Lefaso.net sur le sujet. Interview.

Lefaso.net : Vous venez de Fada N’Gourma, quelle est la situation qui prévaut dans la zone au regard de ce qui s’est passé ces derniers temps ?

Mgr Pierre Claver Malgo : Nous suivons l’actualité au niveau de la région de l’Est ; les limites du diocèse coïncident avec celles de la région. Nous suivons les évènements, c’est vous-même qui les relayez. Pour cette année, il y a eu des déplacements de plusieurs personnes. Au niveau de certaines paroisses comme celles de Gayeri, Matiakoali, Pama et même Kantchari, il y a des déplacements.

Ces déplacements ont commencé dès le début de la saison. Il y a des gens qui n’ont pas pu semer et il y a certains qui ont semé et qui n’ont pas pu récolter à cause des attaques. Ces déplacés en grand nombre créent des préoccupations au niveau des familles, des enfants, pour la scolarisation des enfants, au niveau des urgences alimentaires. Il faut un minimum aux déplacés pour leur vie quotidienne.

Au niveau des diocèses, nous avons essayé d’apporter ce que nous pouvons au niveau de Gayeri, Matiakoali, Pama ; mais ce n’est rien par rapport aux besoins. Heureusement que nous ne sommes pas seuls à venir au secours de ces déplacés. D’autres organismes viennent nous donner un coup de main et ce que l’on voudrait, c’est que les forces de sécurité et de défense, aidées par la population, puissent faire en sorte que ces déplacés retournent chez eux. Quand on les rencontre et quand on les écoute, ce qu’ils recherchent au-delà de la nourriture et de se soigner, c’est de pouvoir retourner chez eux. On ne sait pas encore quand est-ce que cela pourra se réaliser.

L’église est au courant de beaucoup de choses ; dites-nous, qu’est -ce qui a manqué au plan sécuritaire, pour qu’on en arrive aux évènements, comme celui de Boungou ?

Je n’en sais rien. Les cars étaient escortés, je ne sais pas ce qu’on pourrait faire rapidement et davantage par rapport à la situation d’insécurité. Ce qu’on peut faire, c’est de libérer les zones pour que les gens puissent retourner chez eux. Le reste de ce qu’on fait est ponctuel, ce sont des débuts de résolution, mais la résolution complète est que les gens puissent regagner chez eux parce que la paix est prévenue.

Lorsque vous parlez de retour des déplacés chez eux, qu’est-ce que vous proposez concrètement ; quelles sont les actions à mener pour libérer les zones afin que les gens puissent retourner chez eux ?

Au niveau des paroisses comme Gayeri, Pama et Matiakoali , il y a des endroits où on peut aller. Il y aussi des endroits où on ne peut pas trouver quelqu’un parce que le village s’est complètement vidé.

Et quelles sont les actions , selon vous que chacun de nous, chaque compatriote pourrait entreprendre ?

Au niveau politique, je ne sais pas, mais c’est que les militaires seuls ne peuvent pas, au stade où nous sommes, libérer les lieux et faire que notre pays retrouve la paix. Il faut la contribution de tous les citoyens, de toute la population et c’est ce qu’on a toujours demandé. C’est ensemble que nous pouvons ramener cette paix qui était la nôtre dans notre pays.

Lorsque vous dites que les militaires ne peuvent pas à eux seuls lutter contre ce phénomène, pensez-vous qu’ils ne sont pas à la hauteur de ces défis ?

Ils sont formés pour ça. Je pense qu’ils le peuvent. Maintenant, est -ce qu’ils ont tous les moyens, parce qu’à chaque fois ceux qui voient les assaillants sont impressionnés par l’arsenal, l’équipement, les armes, etc. Si on avait des hélicoptères et des bombardiers cela nous avantagerait. Quand on est ami et que l’ami ne se porte pas bien, l’autre peut venir au secours de ce dernier. On ne voit pas où est la contribution de nos amis pour nous aider à nous en sortir.

Quand vous parlez par exemple de bombardiers, est ce que vous avez l’impression que dans la région de l’Est, les positions des terroristes doivent être rasées ; est-ce cela la solution ?

Je ne sais pas s’ils se sont regroupés quelque part. Ce sont d’autres personnes qui peuvent nous donner ces informations. J’écoute les informations comme vous, je ne suis pas militaire. C’est ce qui se passe à travers les médias qu’on essaie de savoir.

Le président du Faso a demandé des volontaires ; quel est votre point de vue par rapport à cette décision du gouvernement ?

Je n’ai pas de commentaires à faire. Il semble qu’il y aura un décret qui sera mis en place et on attend de voir tout cela.

Vous avez dit que les militaires à eux seuls ne peuvent pas venir à bout de ce phénomène ; êtes-vous dans la même dynamique que le gouvernement pour le recrutement de volontaires ?

Il y a plusieurs façons de contribuer. Vous et moi, nous pouvons contribuer en donnant ce qu’on a, à donner pour appuyer les forces de défense et de securité, il y a la prière…S’il y a des gens qui peuvent s’engager pour prendre des armes, cela est encourageant. Il y a plusieurs manières d’y contribuer.

Donc vous n’êtes pas contre l’idée que les jeunes prennent les armes pour la défense de la patrie ?

Je ne sais pas comment résoudre le problème des gens qui viennent nous attaquer avec des armes, alors que nous sommes à mains nues. Si vous trouvez cette réponse, vous trouvez ma réponse.

Certains pensent que l’Eglise n’a pas été consultée pour les propositions de sortie de cette crise ? Que répondez-vous à cela ?

L’Eglise n’a pas besoin d’attendre pour être consultée ; si on voit que l’on peut contribuer de telle ou telle manière, on le fait. On n’attend pas comme si on n’était pas concerné. Partout, dans les diocèses, les chaines de prière sont organisées, même la sensibilisation de nos fidèles pour qu’ils sachent ce qui se passe et comment s’adapter maintenant à notre environnement ; et ne pas vivre comme s’il n’y avait rien. On ne sait pas qui est qui. Dans un tel contexte, on a l’impression que tout est infiltré. Pour retrouver cette paix, cela prendra du temps, on a besoin de l’unité et de l’engagement de tout le monde. Il faut qu’on laisse nos intérêts égoïstes pour viser le bien communautaire ; tant que ce n’est pas le cas, j’ai l’impression que ça va durer.

A l’occasion de la journée de la miséricorde, le cardinal Philippe Ouédraogo appelait à la réconciliation nationale. Comment doit-elle se faire ?

On parle de réconciliation quand tout est fini, lorsque tu reconnais que tu as fait ceci et cela, et que je reconnais que tu as fait ceci ou cela. Quand c’est en cours, comment parler de réconciliation ? Autrement, l’église ne peut pas annoncer autre chose que la réconciliation, mais ce n’est pas au moment du feu de l’action que tu diras à quelqu’un qui souffre toujours que ce n’est pas encore fini. On vous invite à vivre en frères, même ton ennemi est ton frère. Quand tout sera apaisé, en ce moment, il faudra essayer de réparer les plaies et c’est en ce moment qu’on peut parler de réconciliation.

Qu’ avez-vous envie de dire aux Burkinabè ?

Je demande qu’ils soient concentrés sur le problème actuel du Burkina et qu’ils s’engagent dans la résolution de ce problème. Que nos forces ne soient pas dispersées, car cela entrainera un manque de force ; et donc nous demandons l’unité.

Interview réalisée par
Edouard Samboé
Laure Yaméogo (Stagiaire)
Lefaso.net

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