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Irak : La mise à feu

Publié le mardi 30 août 2005 à 07h34min

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Le projet de constitution irakienne, qui consacre dans ses grandes lignes, la fédéralisation du pays et la négation du "caractère" arabe de l’Irak, ouvre la voie à une tension politique et militaire encore plus grande, avec des répercussions dans tout le Moyen-Orient et même au-delà.

George W. Bush a entraîné un choc des civilisations dont on n’a pas fini de mesurer toutes les conséquences. Avec le projet de constitution qui vient d’être arrêté, l’Irak se trouve plus que jamais en zone de haute tension, si tant est que ledit projet ne fait pas l’unanimité non seulement en Irak même, mais aussi et surtout au sein du monde arabe qui le rejette dans son ensemble.

En consacrant la fédéralisation du pays, le projet se heurte à l’opposition des Sunnites et des Chiites qui ont toujours milité pour un Irak un et indivisible. Et si Saddam Hussein a pu se maintenir au pouvoir contre vents et marée et malgré la grande animosité des Chiites, c’est parce qu’il a défendu cette unité avec la dernière énergie, n’hésitant pas à gazer les patriotes kurdes qui ont toujours milité pour une plus grande autonomie de leur région. C’est dire que les Américains qui ont toujours soutenu les Kurdes dans leur quête avec l’appui de la Turquie qui, elle, avait d’autres ambitions, remportent ainsi une victoire posthume contre Saddam Hussein. Une victoire qui va avoir cependant un goût amer car la résistance "sunnito-chiite" va s’organiser dès lors qu’elle deviendra effective.

C’est dire que la constitution en projet a du plomb dans l’aile, surtout qu’elle nie "l’arabité" de l’Irak, ce qui provoque non seulement la colère des Sunnites et des Chiites, mais surtout de la Ligue arabe qui s’y est opposée en bloc.

Autre grief fait à la constitution par les Sunnites cette fois, la "débaasisation" de l’Irak, avec la mise hors-jeu de l’ancien parti de Saddam Hussein. Or, le Baas a encore de nombreux militants en Irak, lesquels bénéficient de soutien en Syrie, voire en Arabie Saoudite et en Jordanie. Last but not the leaste, la répartition des richesses pétrolières ne fait pas la part belle aux Sunnites dont le "territoire" est peu doté. Même si la constitution prévoit de les prendre en compte dans la répartition du "pactole", il n’est pas exclu que dans les faits, l’appétit des uns et des autres n’entraîne un partage léonin des revenus de l’or noir.

Le choc intra et inter-civilisationnel

Autant de zones d’ombre qui laissent préfigurer un "choc" entre différentes communautés irakiennes qui vont bénéficier de soutiens extérieurs. L’Irak qui sent plus que jamais l’avènement d’un pouvoir chiite en Irak, va œuvrer à consolider celui-ci à travers un soutien logistique, matériel et intellectuel. Déjà, lorsque le jeune Ayatollah Moqtada Sadr s’agitait, la "porosité" des frontières entre les deux pays lui avait permis d’avoir de quoi alimenter sa

fronde. Mais, du fait que les Ayatollah de Téhéran jouaient plutôt la carte de l’imam Ali Sistani, la lutte du jeune Sadr s’était vite essoufflée, surtout que les conditions subjectives et objectives n’étaient pas encore réunies, ce, malgré la guerre de colonisation dont était victime l’Irak. Elles le sont maintenant , à travers le sentiment d’appartenance à une communauté et le retrait ou à tout le moins la mise en veilleuse de l’administration américaine au profit d’un leadership irakien. La Turquie, elle aussi, va se sentir concernée par ce "nouvel Irak" qui, en accordant une plus grande autonomie au Kurdistan irakien, donne des idées à ses propres kurdes. Un axe pourrait s’établir entre Kurdes des deux pays, préfigurant la naissance d’un Etat Kurde riche en pétrole, ce qui ferait de lui une puissance régionale. On comprend pourquoi le monde arabe se coalise contre ce projet, car, la question kurde pourrait déstabiliser toute la région.

C’est dire que le " résistant en chef " , Oussama Ben Laden, qui bénéficie déjà de soutiens multiples et multiformes aura désormais des amis dans tous les cercles nationalistes arabes. Arabie Saoudite, Jordanie, monarchies du Golfe autant de bailleurs de fonds pour une lutte qui oppose désormais deux cultures, deux modes de pensée et d’action. Bush qui veut "démocratiser" le monde arabe et les Arabes qui ne l’entendent pas de cette oreille, à cause essentiellement de la remise en cause de l’islam. On peut s’étonner que George W. Bush qui le sait mieux que quiconque persévère ainsi dans "l’erreur". En fait d’erreur, il n’en est rien, car la recrudescence de la violence va profiter d’abord à l’Amérique par le biais de la vente des armes conventionnelles devenues "inutiles" depuis la fin de la guerre froide. Les foyers de tension au Moyen-Orient et en Afrique sont devenus les seules occasions de "fourguer" celles-ci, ce qui contribue d’une manière, à perpétrer le cycle de domination. Guerre rime en effet avec misère, ce, d’autant que l’autre effet collatéral du confit, la flambée du prix du baril met une pression sans précédent sur les pays émergents.

La plupart des Etats du Tiers-monde sont au bord de l’asphyxie par la faute d’une économie mondiale devenue hautement spéculative. Une spéculation qui profite aux néo-conservateurs qui dictent la politique de l’administration américaine, la plupart d’entre eux ayant des intérêts dans le secteur pétrolier. Cette politique n’étant pas sans risques sécuritaires, d’autres régions plus calmes du monde, comme le Golfe de Guinée vont devenir un enjeu entre Chinois, Américains et Français.

En effet, l’exploitation off-shore est peu coûteuse et moins risquée. Seul problème, cette nouvelle concurrence peut entraîner des "dérapages", comme on l’a déjà vu en Côte d’Ivoire plus récemment, et en Angola, en RD Congo ... il y a quelques années. Pour en revenir à l’Irak, disons que la mise à feu programmée va bientôt avoir lieu. George Bush a-t-il calculé tous les risques ? L’avenir nous le dira.

Boubacar Sy
Sidwaya

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