Courant janvier et février derniers, une centaine de cas d’excision ont été enregistrés dans des villages de la province du Poni. Les services de l’Action sociale, en collaboration avec les forces de l’ordre, ont pu identifier quelques présumés auteurs et complices de ces forfaits. La tenue de cette audience foraine a permis de situer les responsabilités des uns et des autres.

Les prévenus étaient au nombre de 24, soit 12 hommes et 12 femmes. Ce sont des parents de victimes issus de trois communes de la province du Poni, à savoir Djigouè, Kampti et Perigban. Tous étaient présents à la barre et le président du tribunal a notifié à chacun les charges qui lui sont retenues en ces termes : « Vous êtes prévenu d’avoir, courant 2019, aidé ou assisté une personne non-encore identifiée dans des actes de mutilations génitales féminines. Ces faits sont prévus et punis dans les articles 134-4,131-6 et 513-7 du code pénal. Reconnaissez-vous les faits ? ».

Aucun prévenu n’a reconnu les faits et tous ont plaidé non-coupable. Dans leur audition, les prévenus ont avancé des raisons ancestrales, ou affirmé qu’ils n’étaient pas présents au moment des faits, pour raison de funérailles. Une autre se défend : « Je n’étais pas à la maison ce jour. Elles ont suivi leurs camarades qui partaient ». Parmi les prévenus, un président de Conseil villageois de développement (CVD). Il a été complice et a fait semblant de ne rien savoir, en démobilisant la population pour une séance de sensibilisation sur les Mutilations génitales féminines, avant de s’enfuir en Côte d’Ivoire, selon les propos du président du tribunal. Parmi les victimes, sept étaient présentes et leur témoignage n’aura pas permis de comprendre ce qui s’est passé parce que toutes disent s’être rendues de leur propre gré au lieu de l’excision.

A l’issue de l’audition des témoins, le parquet a présenté son réquisitoire. Au total, 116 filles ont été excisées et seulement la moitié d’entre elles ont été retrouvées et prises en charge. Le parquet estime que les prévenus sont complices et ont manifesté de la mauvaise foi tout au long de l’audience ; il a donc requis au procureur une peine d’emprisonnement de 3 ans ferme et une amende d’un million de F CFA pour chacun, à cause de leur entêtement.

Du verdict, il sera retenu 12 mois de prison ferme et une amende de 500 000 F CFA pour le père d’une victime de 7 ans. 14 autres sont condamnés à 12 mois et 500 000 F CFA assortis de 10 mois de sursis.

Pour le procureur du Tribunal de grande instance de Gaoua, Alpha Boubacar Compaoré, « le sens de ces audiences foraines, c’est de sensibiliser, informer et éduquer. Vous avez vu que le tribunal a donné des peines exemplaires parce que les juges ont voulu sensibiliser, les amener à ne pas récidiver ».

Du coté du Conseil national de lutte contre la pratique de l’excision (CNLPE), sa présidente Alphonsine Sawadogo se dit satisfaite parce que c’est l’effectivité de la loi qui a été appliquée et ces audiences foraines rapprochent les tribunaux des populations, d’où leur caractère pédagogique.

Boubacar Tarnagda
Lefaso.net