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Lutte contre la corruption : la volonté politique fait toujours défaut

Publié le vendredi 26 août 2005 à 07h44min

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Le 5e rapport sur l’état de la corruption au Burkina Faso vient de paraître. Publié par le Réseau national de lutte anti-corruption, ce document, comme l’indiquent ses auteurs, "tient le pari de fournir chaque année aux Burkinabè une lecture sur le degré d’enchâssement de la corruption dans les différents secteurs de la vie socio-économique".

Voilà cinq ans que le REN-LAC s’évertue à fouetter la conscience des Burkinabè pour une mobilisation plus accrue contre ce fléau aux conséquences désastreuses pour une Nation. Mais avec quels résultats ?

Si l’on en croit le REN-LAC, "le phénomène de la corruption se banalise au Burkina". En somme, la croisade des incorruptibles a très peu d’effet sur la mentalité des Burkinabè, le comportement des acteurs de la vie nationale et l’engagement des pouvoirs publics.

En matière de corruption, on prend les mêmes et on recommence. Le hit-parade des secteurs d’activités les plus corrompus bouge très peu . Ce qui a de quoi décourager les acteurs de la lutte anti-corruption. Plus ils s’investissent dans la lutte et plus le phénomène s’enracine en prenant même des formes plus raffinées. "La fraude s’intellectualise au Burkina", avait lancé, dans nos colonnes, le Coordonnateur national de la lutte contre la fraude, dont l’action s’inscrit en droite ligne de celle du REN-LAC : inculquer le sens de la citoyenneté , du civisme et du patriotisme chez les Burkinabè.

Rien ne bouge donc, en dépit de la multitude de structures qui meublent le paysage institutionnel burkinabè. Les mauvaises habitudes semblent s’être particulièrement ancrées à la Douane qui, depuis 2002, occupe le sommet du classement du REN-LAC. Sans nier le caractère spécifique de la fonction de douanier avec ses contraintes, force est cependant de reconnaître qu’une chape de silence couvre les malversations commises dans le corps.

L’autorité compétente ne daigne lever le petit doigt que lorsqu’une affaire éclate au grand jour, généralement grâce à la perspicacité de la presse. Cette impunité encourage bien sûr les mauvaises pratiques. Pire, certains douaniers croient avoir un droit de prélèvement sur les deniers publics qu’ils collectent. Non, cet argent appartient à l’Etat et nul n’a le droit d’y toucher.

Comme les autres agents publics, ils sont payés pour faire leur travail. Il ne doit pas y avoir deux catégories de salariés au Burkina : ceux qui se croient tout permis parce qu’ils interviennent dans des secteurs financiers et les autres, obligés de se contenter uniquement de leur paie. Il est temps que dès l’école de formation, le sens du respect du bien public soit enseigné aux douaniers et à tous les autres agents destinés à brasser l’argent de l’Etat.
La douane est rattrapée par la police et la gendarmerie dans ce répertoire très peu glorieux.

Ces forces de sécurité , qui sont au contact quotidien de la population, sont en effet tentées par la corruption. Mais c’est le cas de la gendarmerie qui inquiète. Considérée, à juste titre, comme un corps d’élite rompu aux métiers des armes mais aussi doté d’un bon bagage intellectuel, la gendarmerie devrait être le dernier rempart contre toutes les dérives d’où qu’elles viennent.

Mais si cette dernière digue est en train de céder, à la lumière du sondage du REN-LAC, il y a de quoi s’inquiéter de l’avenir de ce pays. Et l’on ne peut que penser à cette question de Halidou Ouédraogo, "qui va enquêter sur qui ?", pour montrer à quel point tout le système est gangrené.

En fait, dans les mécanismes de la corruption, tout ramène à la chaîne de responsabilité, du simple chef de service au chef de l’Etat. A l’image de ces policiers et gendarmes qui s’en sont plaints aux enquêteurs du REN-LAC : "C’est nous que vous voyez, et les grands ? Ils font pire !". Il est clair que les dirigeants de ce pays doivent être les premiers ouvriers de la lutte contre la corruption par leur modèle de vie et de gestion de la chose publique, et par les actions de sensibilisation et de répression qu’ils entreprennent.

Mais au Burkina, on a la triste impression qu’au plus haut niveau de l’Etat, on a baissé les bras face à la corruption, si on ne l’encourage pas. Or, l’Etat, qui est le premier perdant de cette course à l’enrichissement illicite, doit encourager toutes les initiatives visant à renverser les tendances actuelles.
Cet appui manque cruellement.

Car il ne s’agit pas seulement de financer des structures ou d’en créer à la pelle. Encore faut-il se saisir des dossiers révélés et les traiter jusqu’au bout en appliquant des sanctions aux fautifs.

Le Pays

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