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Sommet Russie-Afrique de Sotchi : « Je suis certain que la Russie a les moyens de régler la crise libyenne », Henri Koubizara, président du groupe d’amitié Burkina-Russie

Publié le lundi 7 octobre 2019 à 22h50min

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Sommet Russie-Afrique de Sotchi : « Je suis certain que la Russie a les moyens de régler  la crise libyenne », Henri Koubizara, président du groupe d’amitié Burkina-Russie

Du 22 au 24 octobre 2019, le tout premier sommet Russie-Afrique ouvrira ses portes, à Sotchi. Les représentants du monde des affaires et de gouvernements africains s’activent pour un véritable raout diplomatique, politique et stratégique. Pour le député Henri Koubizara, président du groupe d’amitié parlementaire Burkina-Russie, lors d’une interview accordée, à Lefaso.net, c’est le son de cloche du retour total de la Russie en Afrique. Interview.

De quoi découle l’idée d’un tout premier sommet Russie-Afrique, du 22 au 24 octobre 2019, à Sotchi ?

Je crois qu’après tout ce qu’on a vécu, surtout des relations entre la Russie et l’Afrique, qui, en son temps étaient basées sur la libération des pays africains et la lutte contre le néocolonialisme. Aujourd’hui, avec la nouvelle forme des relations internationales, dont émerge une autre forme du capitalisme, surtout la forme « domination » du capitalisme, sur les pays africains ; la deuxième voie qui la Russie devient une bonne chose pour les africains.

En ce sens, qu’on le veuille ou pas, la Russie est restée dans sa relation gagnante-gagnante, à l’endroit des pays africains, tout comme à l’époque de l’Union soviétique. Maintenant, ce sera certainement une relation de rapprochement économique en termes de partage d’expériences. Surtout que la Russie est un pays très avancé, en termes de technologies ; en termes techniques et un pays industrialisé. Bien évidemment, aujourd’hui, il y a du capitalisme partout dans nos pays et autour de nous, mais les contrats de transferts de compétences sur le plan coopératif ne seront pas pareils, à ce que nous vivons avec les USA et les pays occidentaux.

Cela sera du gagnant-gagnant avec la Russie et vous le voyez déjà avec les pays qui entretiennent le partenariat avec la Russie. Donc, étendre ce partenariat, à travers le sommet de Sotchi à tout le continent démontre le besoin des pays africains, d’un espace pour étendre ses partenaires et bénéficier de l’apport des acteurs économiques étrangers. Rien qu’une grande entreprise russe, le Burkina Faso tout seul ne peut pas faire son affaire ; elle a besoin d’agir sur le marché de la sous-région. Donc, le continent dans tout son ensemble coopérant avec la Russie dans cette nouvelle forme, peut-être une bonne chose pour nous, les africains.

Combien de représentants du monde des affaires et de gouvernements africains prendront part à ce sommet ?

En termes de nombre, il est très tôt pour estimer. Mais, tout porte à croire que plusieurs gouvernants de plusieurs pays répondront présents, tout comme les entrepreneurs des pays africains. Je pense que beaucoup d’africains sont motivés et cela a été démontré avec le forum des parlementaires Russie-Afrique, en début juin 2019 ; tous les pays étaient-là ; plusieurs présidents d’assemblées africaines qui ont fait leurs études en Russie avaient exprimé leur satisfaction du retour de la Russie en Afrique. Evidemment la plupart des pays africains vont s’y retrouver.

Le sommet de Sotchi annonce-t-il le retour total de la Russie vers les anciens alliés africains (partenaires) perdus à la suite de l’effondrement de l’URSS ?

Je crois qu’on bascule plus vers le domaine de la diplomatie. Evidemment il y a de la politique, mais la diplomatie doit jouer plus. Ce qui est sûr, la volonté de la Russie de revenir en l’Afrique est là ; l’envie des pays africains de coopérer avec la Russie est aussi là. Ces conditions subjectives sont exprimées ; mais encore faudrait-il, la mise en place des conditions objectives qui dépendent de la réactivité diplomatique de chaque côté.

Aussi, probablement des différentes structures, surtout que la Russie sait que les pays africains sont organisés en des organismes régionaux et sous régionaux, de façons géographiques et politiques ; et, c’est à eux de déterminer l’orientation et la rapidité de cette coopération. Ce qui peut accélérer cette coopération, c’est le terroriste qui sévit en Afrique ; il est évident que, le partenariat de la Russie avec les pays africains peut contribuer à atténuer ou annihiler ce phénomène de terrorisme.

C’est une bonne chose quand on parle du retour de la Russie en Afrique, surtout un retour qui se fait sous la direction d’un leader comme Vladmir Poutine ; un homme averti des enjeux de la scène internationale. Lorsqu’on voit les interventions de Poutine et ses réactions, on se rend compte qu’il connait très bien l’Afrique et la situation actuelle des relations internationales. A travers son profile, un homme qui a débuté comme agent de mairie pour gravir les échelons, l’un après l’autre ; montre un homme averti, qui avec le retour de la Russie en Afrique s’annonce comme une très bonne chose.

C’est clair que la Russie va tenter de renouer avec ses anciens partenaires, il ne faut pas écarter cette hypothèse. Subjectivement, ces anciens partenaires, qui ne sont pas véritablement anciens ; peut-être seront privilégiés ; il ne faut pas le nier ; les Etats n’ont pas d’amis, ils n’ont que des intérêts. Cela aussi peut déterminer la suite. Parce que les pays qui sont restés, et surtout les pays occidentaux qui avaient occupé l’espace, vont essayer d’écarter la Russie et conserver leur pré-carré ; voilà, c’est tout çà qui fait dire qu’il y’a des conditions objectives et subjectives, et lorsqu’elles seront réunies, elles définiront la vitesse de cette coopération.

Sur la question libyenne, que proposera la Russie aux Africains ?

Pour commencer, tout dépendra de beaucoup de choses. Tout d’abord, ce n’est pas à la Russie de faire des propositions en ce sens, c’est aux africains de proposer leurs solutions à la crise libyenne et la Russie apportera son soutien à cette proposition.

Je suis certain que la Russie a les moyens de règlement de la crise libyenne. L’exemple syrien est là, avec la Russie. Poutine est très pragmatique ; si les pays africains posent les problèmes clairement et pragmatiquement, la Russie va trouver des solutions. Mais, les problèmes posés sous forme de louvoiement, c’est sûr que la Russie, avec poutine, il n’y a pas de demi-mesure ; on ne commence pas quelque chose avec Poutine et on ne la termine pas.

Pour pacifier la Libye, il y a des conditions ; cela passe par la question de ramener les factions antagonistes en conflits, en Libye à la table de négociation. Ce sera une vraie gageure ; Je crois que ceux qui ne veulent pas voir la question de la Libye se résoudre, passent toujours par des revirements des factions et la création des factions opposées. Si cela continue ainsi, on sera toujours dans la création de factions toujours nouvelles en fonction de l’évolution, sans toutefois, aller vers les solutions concrètes.

Ainsi, de suites de nouvelles factions sortiront avec de nouvelles revendications. Donc, c’est aux africains d’avoir une position unanime ; claire et précise ; en ce moment-là, la Russie peut apporter son soutien, jusqu’à la résolution totale. Sinon, ceux qui ont créé la situation, notamment, les occidentaux n’ont pas intérêt, à cause de l’exploitation minière libyenne. Ils n’ont aucun intérêt à ce que cette crise soit résolue.

Sur les questions migratoires, quelles seront les propositions de la Russie ?

Comme, c’est un premier sommet, je crois que ce sont les formes de coopération qui vont être abordées. C’est vrai qu’il aura d’autres thématiques, telle que l’immigration qui est un sujet très important. Je crois que cette question est purement économique, elle sera abordée dans le volet économique.

L’immigration est une conséquence de mauvaise gestion de nos ressources ; nos minerais sont bradés par les occidentaux ; la gouvernance est chaotique, voilà ce qui amène l’immigration. La Russie ne va faire des propositions de solutions, elle va apporter sa contribution à la mise en œuvres des propositions des africains ; il faut que les africains posent clairement ce qu’ils veulent, et la Russie va apporter sa contribution.

Toutefois, la solution de l’immigration ne viendra jamais de l’Europe, elle est en Afrique. Par exemple, quand un jeune africain va se noyer dans la mer, pendant qu’un ministre a des cantines de milliards ; voulez-vous qu’on fasse quoi ? Quand un ministre va brader les minerais de l’Afrique aux européens, est-ce que la solution est chez les européens ? Donc, la solution est entre les mains des africains. Les gens vont en Europe, ils voient comment l’Europe est ; on voit comment, les gens y travaillent. Est-ce qu’un européen peut se permettre de détourner l’argent, comme on le fait dans nos pays ?

Jamais ! Il ne va pas le faire. Mais ici, on le fait allègrement ; c’est celui qui le fait qu’on encourage, celui qui le fait que tout le monde est à ses pieds ; bien sûr, les jeunes vont aller et mourir dans la mer. Une fois de plus, pour moi, la solution des questions migratoires est liée à la gouvernance de nos pays.

Concernant l’environnement et le réchauffement climatique, quelle sera la position de la Russie ?

La question changement climatique frappe tout le monde, aujourd’hui. Mais, quant à la question de l’adaptation et la résilience, la Russie peut proposer beaucoup de choses qu’on puisse en faire. Ils ont des techniques de protection des berges ; des techniques de cure de barrages ensablés ; ils ont de bonnes techniques dans le solaire. A ce niveau, les pays qui seront intéressés par ces axes de coopération pourront être satisfaits.

Qu’entend proposer la Russie en matière d’éducation et de transfert de technologies ?

A ce niveau, la Russie a formé des cadres d’Afrique à très moindres coût, ils peuvent fournir des ouvrages ; ils peuvent former des formateurs et ils peuvent former des étudiants. Mais, il revient aux africains d’exprimer leurs besoins, puisque la Russie a les capacités et elle peut assurer cela.

Quelles propositions attendre de la Russie sur le Sahel, ; la région des grands lacs, du lac Tchad et particulièrement de la République centrafricaine ?

Dans les grands lacs, la Russie est présente au Congo et en République centrafricaine ; je crois que la solution ne viendra pas des mains des russes, mais aux africains de proposer leur plan de coopération, ce sera un partenariat. La Russie étant la première grande puissance mondiale, elle ne peut que dans la forme de partenariat, faire en sorte que les africains tirent un maximum. Mais, si les africains sont dans les formes de coopération qu’ils ont avec les occidentaux et les autres pays, ce qui est sûr, la Russie ne pratiquera pas cette forme de partenariat.

Au regard des menaces terroristes dans plusieurs régions africaines, la sécurité et la défense ne seront pas exclues sur la table des débats. Concrètement, que proposera la Russie (de nouveau) pour l’ensemble des pays africains ?

Elle pratique une forme qui veut que les africains tirent profit de cette forme de partenariat, à travers le transfert de compétence et de technologie. Maintenant, si nos pays n’arrivent pas, à présenter un bon plan de partenariat, on passera à côté de la Russie, comme un grand pays qui revient en Afrique. Surtout dans la formation et l’équipement des forces de défenses et de sécurité ; la preuve, la plupart de ces pays ont leurs élites de l’armée formées en Russie ou par la russes. Au Congo, la plupart des militaires congolais sont formés en Russie. Il y a cette possibilité de bénéficier d’un appui en sécurité ; en défense et en moyens d’équipements, surtout les équipements performants.

D’importants accords dans les domaines du commerce, de l’économie et de l’investissement sont prévus. En ce sens, quels seront les arguments de la Russie ?

Sur le plan économique, les africains doivent négocier à ce que les minerais soient transformés sur place. Avec un partenaire comme la Russie, les africains doivent orienter leurs négocier, en ce sens-là.

Comment convaincre les Africains qu’avec le sommet de Sotchi, la Russie n’envisage pas l’Afrique comme un outil pour restaurer son statut de grande puissance vis-à-vis des Européens et des Chinois ?

Ceux qui ne voudront pas comprendre vont rester dans leurs positions. Dans tous les cas, la Russie n’a eu besoin de nos pays pour montrer au monde, ce qu’elle peut. La puissance russe ne fait que croitre. C’est vrai que nous sommes influencés et les informations que nous avons de la Russie sont beaucoup biaisées. En réalité, ceux qui suivent les informations savent que la Russie a tout pour réussir, et qu’avec un partenaire comme la Russie, on ne peut que gagner. Je ne fais pas la publicité de la Russie, la puissance russe est un fait.

C’est la première puissance du monde. Quand nous suivons les informations, nous savons que les pays comme la France ont des partenariats avec la Russie, nous savons ce qu’ils font ; c’est après tout qu’on vient nous dire, « faites attention ; faites attention ». Les pays occidentaux feront de bonnes guerres, les occidentaux cherchent à maintenir leur pré-carré, ils vont jamais laisser les africains nouer de bons contrats avec la Russie, mais c’est aux africains d’en saisir.

Avec le sommet de Sotchi, des tournées africaines du président Poutine peuvent-elles être envisagées ?

C’est clair qu’après le sommet de Sotchi, qu’il va forcément faire une tournée ; c’est cela, la partie hautement diplomatique, mais le cadre général est déjà campé ; c’est l’ouverture de la Russie vers les pays africains, après les années 1990 ; les pays africains qui ont cette envie aussi, vont déterminer le niveau de cette coopération.

Les mêmes pays africains attendus à Sotchi, étaient en Chine, en Europe et en Amérique …

Le continent africain va être un terrain de jeu ; économique et stratégique du monde dans les années à venir ; c’est en cela que nous sommes : c’est à nous de savoir faire les choses. Il nous faut nous organiser en conséquence. Par exemple, si nos pays étaient bien organisés, ces sommets devraient être en Afrique. Un seul pays organise et invite tous les pays africains et nous y allons. On n’est pas unis, et on est trop malléables ; mais avec nos enfants, les choses vont changer.

La dernière fois que les Occidentaux et les russes se sont rencontrés en Afrique au lendemain des années 1945, c’était lors de la guerre froide. Devons-nous craindre cela à nouveau ?

Une guerre froide, moi, je n’aime pas tellement vos guerres ; mais, je crois que le niveau du monde aujourd’hui, le niveau de chaque pays et des individus, je me dis que personne n’a besoin d’une guerre. Je pense qu’on ne va pas en arriver-là ; ces choses révolues.

Au lendemain du sommet de Sotchi, quelles seront les perspectives d‘évolution des relations russo-africaines ?

Les perspectives seront bonnes ; les russes ne sont pas des gens à baisser les bras, dans la mesure où ils s’engagent ; mais, cela dépend de l’efficacité de nos dirigeants. Les russes ne se préoccupent pas des intérêts individuels, mais les intérêts des nations ; si nos leaders cherchent les intérêts nationaux, on peut tirer profit, il est souhaitable que nos dirigeants visent l’intérêt général.

Votre message aux dirigeants africains à ce sommet ?

Nous, pays africains, nous avons intérêt à ce que nos pays renouent avec la Russie ; nos autorités doivent avoir le courage de nouer des partenariats gagnant-gagnant, avec la Russie ; ils doivent aller grouper et nouer unanimement ce partenariat ; par exemple l’union africaine peut chapeauter cette rencontre. Le partenariat morceler ne peuvent pas nous apporter grand-chose, au besoin d’aller par sous-région.

Kamboissoa Samboé

Lefaso.net

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