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Attaques terroristes : « Eviter la surenchère politicienne »

Publié le vendredi 23 août 2019 à 16h55min

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Attaques terroristes : « Eviter la surenchère politicienne »

Le bilan est lourd. Très lourd. La douleur est immense. Incommensurable. Le 19 août, à Koutougou dans le Soum, face à une attaque terroriste d’« envergure » contre leur détachement militaire, 24 valeureux soldats burkinabè ont décidé de se sacrifier pour la défense de la patrie.

C’est la plus grosse perte jamais enregistrée par l’armée burkinabè depuis le début de cette guerre asymétrique. Il n’en fallait pas plus pour que certains politiciens ruent dans les brancards appelant à la démission hic et nunc du gouvernement. Non ! Il faut savoir raison garder.

Le Burkina Faso se trouve dans une situation tellement critique que sa classe politique doit se garder de toute fébrilité ou de toute velléité de récupération politique du terrorisme. Face à un ennemi plus que jamais déterminé, la meilleure riposte qui sied est celle de la clairvoyance, du sursaut patriotique, de l’unité d’action.

Les dernières attaques terroristes ont été savamment planifiées. Les terroristes ont décidé d’accomplir leur sale besogne de façon graduelle. Les faits parlent d’eux-mêmes :
- 14 août : Des soldats sont tués par un engin explosif improvisé au passage de leur convoi sur l’axe Toéni-Loroni, dans la province du Sourou.

- 15 août : Trois policiers sont tués dans une embuscade à Djibo-Mentao alors qu’ils assurent la protection du site des réfugiés.

- 19 août : La Brigade territoriale de gendarmerie de Nako, dans le Poni (région du Sud-ouest), est attaquée. Le bâtiment est à moitié incendié. On ne déplore aucune perte en vie humaine.

- 19 août : Le détachement militaire de Koutougou, situé à environ 70 km de Djibo, dans le Soum, est attaqué par des hommes armés à motos et en véhicules. L’attaque fait 24 morts dans les rangs de l’armée, 7 blessés et 5 portés disparus. En riposte, 40 terroristes sont neutralisés.

Même si la dernière attaque n’a pas été clairement revendiquée, de nombreux analystes y voient la marque déposée du groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM), groupe né de la fusion le 02 mars 2017 du groupe Ansar Dine du djihadiste malien Lyad Ag Ghaly, du groupe Al-mourabitoune de l’Algérien Mokhtar Belmokthar et de l’Emirat du Sahara, une branche d’Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI).

Du reste, ce groupe qui cible particulièrement les FDS, avait déjà revendiqué l’attaque contre l’état-major général des armées du Burkina Faso, le 02 mars 2018 à Ouagadougou. Si le GSIM est pointé du doigt, dans la région du Sahel, on parle aussi de l’action d’Ansarul Islam. Pour ses attaques, ce groupe recrute de nombreux jeunes sahéliens radicalisés du fait des nombreuses frustrations et des conflits intercommunautaires non résolus.

Comme nous pouvons bien le constater, les dernières attaques se sont focalisées sur les FDS. Les terroristes ont décidé de faire montre de leur capacité de nuisance en dépit de l’Etat d’urgence et des opérations militaires enclenchées par l’armée burkinabè. En réalité, le détachement militaire de Koutougou était la cible principale. Les terroristes n’ont pas opté pour une attaque frontale. Il fallait au maximum harceler les FDS, détourner l’attention et disperser les forces.

C’est pour cette raison que les attaques ont été planifiées pour s’exécuter dans un délai d’une semaine dans des régions diamétralement opposées. Il ne fallait laisser le moindre temps de répit aux soldats engagés sur le front. Avec l’attaque de Koutougou, la guerre entre dans une autre dimension.

Les terroristes seront enclins à récidiver. L’armée et toutes les composantes de la société burkinabè doivent donc rapidement tirer leçon de cette tragédie de Koutougou pour éviter que pareille situation ne se reproduise à l’avenir.

Le Burkina pris dans un tourbillon

Dans cette lutte contre le terrorisme, le Burkina Faso est en réalité pris dans un tourbillon d’intérêts géopolitiques et géostratégiques que les grandes puissances se disputent au Sahel. Plus le terrorisme perdurera, plus les ressources des pays en proie aux incessantes attaques seront exploitées sans coup férir. C’est un véritable capharnaüm.

Dans ce contexte, sauf à vendre totalement le pays, aucun homme politique quelque soit sa volonté ou son expérience, ne peut prétendre venir à bout du terrorisme par un coup de baguette magique. Cette solution miracle n’existe pas ! Le Burkina Faso doit au contraire travailler à renforcer sa résilience car le pays est malheureusement engagé pour plusieurs années dans cette affaire terroriste.

Exiger la démission d’un gouvernement issu d’une élection démocratique n’est guère la panacée. Cette exigence fait au contraire le jeu des terroristes dont l’un des objectifs est de rendre les pays ingouvernables pour pouvoir mieux les mettre sous coupe réglée.

En ces moments douloureux, les hommes politiques doivent faire preuve de transcendance pour comprendre que l’intérêt supérieur de la nation passe nécessairement avant toute ambition politique personnelle. Vouloir faire feu de tout bois, c’est contribuer à précipiter davantage ce pays dans l’abîme et scier la branche sur laquelle on est soi même assis. En politique, l’effet boomerang n’est jamais définitivement écarté. Il ne faut pas nécessairement attendre d’être au pouvoir pour apporter son expertise lorsque le pays est en danger.

Mais appeler les hommes politiques à faire preuve de dépassement de soi, ne doit, en aucune manière dédouaner les tenants actuels du pouvoir. Ils doivent impérativement faire montre d’une farouche volonté de combattre le terrorisme. En ce sens, il convient de réévaluer la menace pour réorienter l’opération Ndofu. Il faut aussi faire toute la lumière sur les évènements de Yirgou et d’Arbinda qui ont contribué à cristalliser bien de ressentiments dans les communautés.

Il n’est pas non plus superfétatoire que le Président du Faso endosse par moment son manteau de chef suprême des armées pour descendre sur le théâtre des opérations afin de galvaniser les boys tout en oeuvrant à les équiper conséquemment. Il urge aussi de renforcer la lutte contre la corruption, la mal gouvernance, d’opérationnaliser les conclusions du dialogue politique sur la situation sécuritaire et la réconciliation nationale.

Comme cela se constate sur le terrain, aussi salutaires qu’elles soient, les opérations militaires ne sont malheureusement guère suffisantes. Le Burkina Faso doit donc tendre vers une stratégie intégrée de lutte contre le terrorisme. Cette stratégie nécessite de profondes reformes et d’importants investissements. Les sillons sont déjà tracés. Il faut intensifier les efforts. Il faut aussi et surtout se convaincre d’une chose : le salut ne viendra ni du G5 Sahel ni de Barkhane. La solution est en chaque Burkinabè et en la capacité du pays à se réinventer face à un ennemi ondoyant.

Jérémie Yisso BATIONO
Enseignant chercheur
Ouagadougou

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Vos commentaires

  • Le 23 août 2019 à 15:44, par TANGA En réponse à : Attaques terroristes : « Eviter la surenchère politicienne »

    Il y a belle et bien une solution !
    IL FAUT JUSTE ETRE BÊTE ET MÉCHANT COMME EUX !!!

  • Le 23 août 2019 à 16:23, par Sorgh O W. En réponse à : Attaques terroristes : « Eviter la surenchère politicienne »

    Vous ne dites rien de nouveau sous le ciel du Faso. La surenchère est le produit de ces malcauseurs qui bavardent au hasard quand tout va bien. Quand les choses les arrangent ils critiquent ridiculisent les autres et quand c’est chaud ils veulent qu’on se taise sur leurs erreurs ou errements pour se ranger hypocritement. Celui qui veut qu’on le respecte, respecte aussi l’autre. Ou alors laissons les politiciens faire ce qu’ils savent faire le mieux.

  • Le 23 août 2019 à 17:16, par Sacksida En réponse à : Attaques terroristes : « Eviter la surenchère politicienne »

    D’abord, il faut eviter la mauvaise gouvernance, les detournements de deniers publics, les vols, le mensonge d’Etat, les injustices sociales et les ecarts sociaux dans l’utilisation des ressources nationales. De meme, il faut eviter egalement la politique politicienne commune a tous les politiciens qu’ils soient de la majorite, du pouvoir ou de l’opposition. Que tous les crimes economiques ou malversations soient combattus et juger dans le strict respect de la verite et de la revendication du peuple integre du Burkina Faso. Ce sont ces conditions la seules qui pourraient amener la paix, la concorde et la justice sociale au profit de tout le monde. Salut.

  • Le 23 août 2019 à 17:27, par Le réaliste En réponse à : Attaques terroristes : « Eviter la surenchère politicienne »

    Article réaliste. Que les politiciens de tous bords s’en approprie s’ils ont encore une conscience et un sentiment patriotique en eux. Le chao du pays n’arrange personne. Ce qui est certain, la méchanceté des Burkinabè qui sont contre le Burkina Faso pour leurs intérêts partisans prendra fin tôt ou tard. Tôt ou tard !

  • Le 23 août 2019 à 19:53, par La vérité En réponse à : Attaques terroristes : « Eviter la surenchère politicienne »

    Tous les politiciens , les fils et filles de ce pays doivent savoir que le Burkina nous appartient à tous et oeuvrer à travailler pour bouter le terrorisme hors du pays. Le chaos dans ce pays ne profitera à personne. Il faut donc se souder les coudes pour vaincre le mal et ses complices.

  • Le 25 août 2019 à 12:52, par Raogo En réponse à : Attaques terroristes : « Eviter la surenchère politicienne »

    "Il faut aussi et surtout se convaincre d’une chose : le salut ne viendra ni du G5 Sahel ni de Barkhane."
    Alors qu’elle remède dans ce jeu de dupe ! Dupe parce que nous savons tous d’ou viens l’épine que nous avons au pied ! Kidal et tout cette zone de non droit ou campent ces suppôt du diables au Mali ! ce foutu "Accord d’Alger" sensé régler le problème de cette satanée et maléfique rébellion Touareg peine a être mis en place pourquoi ? mystère et boule de gomme ! Non ! Car le Burkina Faso et les autres pays du sahel sont en réalité pris dans un tourbillon d’intérêts géopolitiques et géostratégiques q’une puissance colonial tutélaire veut contrôler.

  • Le 26 août 2019 à 17:22, par mytibketa En réponse à : Attaques terroristes : « Eviter la surenchère politicienne »

    Terrorisme voilà le mot du mois, des mois , des années. Il sévit au Mali, au Niger mais également au Burkina Faso.Les préoccupations doivent tourner autour des moyens à mettre en oeuvre pour éradiquer ce fléau dont on sait qu’il résulte d’une volonté de créer ici ce que les tdjihadistes n’ont pas réussi dans leur pays notamment là où la religion musulmane s’est révélé à une horde de tribus barbares qu’étaient les arabes.En dehors d’une certaine morale à nous enseignée nous n’avons pas besoin ici de leurs querelles intestines. Celà nous apprendra à prendre pour argent comptant les croyances venues d’ailleurs en lieu et place de celles que nous ont léguées nos ancêtres. Et si on refusait purement et simplement d’être caporalisé par ces croyances ? De deux que ce soit le Djihad ou les croisades ils drainent avec eux des bandits des grands chemin incapables de réciter une sourate, ou un verset mais auxquels on donne des armes on nom d’une alliance contre nature. Il y a aussi ces partis qui pensent tirer profit d’une déstabilisation du pays. Après les ennemis identifiés en 1 et 2, on sera obligé de retourner la baïonnette contre ces apatrides dès qu’une accalmie se fera jour au front.Il faut qu’il en soit ainsi pour garantir une païx durable au Burkina Faso.

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