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Procès du putsch de 2015 : « Si on ne se pose pas les bonnes questions, on met le pays en danger », avertit Me Antoinette Ouédraogo

Publié le lundi 19 août 2019 à 21h40min

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Procès du putsch de 2015 : « Si on ne se pose pas les bonnes questions, on met le pays en danger », avertit Me Antoinette Ouédraogo

Les plaidoiries des avocats du général Djibrill Bassolé, débutées le vendredi, 16 août 2019, se sont poursuivies ce lundi, 19 août 2019. Pour les conseils, le seul tort de l’ancien patron de la diplomatie burkinabè, c’est d’avoir des ambitions politiques.

Malgré la présentation de la plaidoirie écrite (déposée auprès du tribunal) par Me Dieudonné Bonkoungou, les avocats ont décidé de passer individuellement au barreau. Ainsi, à la suite de Me Bonkoungou, c’est au tour de Me Mireille Barry de démontrer ce qu’elle a qualifié de « complot purement politique » qui se cache derrière le dossier de son client, général Djibrill Bassolé (accusé d’attentat à la sûreté de l’Etat ; meurtres, coups et blessures ; trahison).

Mireille Barry a d’abord fondé sa démarche sur la déclaration liminaire de l’ancien président, Jean-Baptiste Ouédraogo, qu’elle a scrutée et commentée. Elle y retient (et entre autres) que sous la transition, le climat était délétère et des complots, il y en avait à profusion et les plus forts de l’époque ont imposé leur loi. L’avocate est persuadée que l’opinion publique a été manipulée à des fins politiques. « Ce n’était pas les objectifs du peuple insurgé qui étaient défendus, c’était des combats politiques », avance Mireille Barry.

« Nous assistons à un jugement politique qui concerne tous ceux qui ont été, à un moment, proches de l’ancien président, Blaise Compaoré », relève-t-elle, prenant pour preuves, le communiqué du procureur général près la Cour d’appel de Ouagadougou sur le gel des avoirs des personnes et partis politiques parmi lesquels, le général Djibrill Bassolé et la Nouvelle alliance du Faso (NAFA, parti politique qui a porté sa candidature en 2015).

Le relèvement de certains maillons judiciaires de leur fonction

Me Barry relève que ce communiqué a été rédigé trois jours après la libération du Premier ministre, Yacouba Isaac Zida. Elle déplore que des responsables de la chaîne judiciaire aient travaillé sous les ordres d’officines politiques. Elle fait ressortir également que la transition était marquée par une chasse aux sorcières contre les proches du régime déchu.

« C’est un complot politique qui a été ourdi de toutes pièces contre le général Bassolé », déploie l’avocate, pour qui son client est donc accusé pour ce qu’il n’a pas fait.

Pour Mireille Barry, le seul péché du général Bassolé, c’est son engagement politique. « Bassolé veut aller à Kosyam (palais présidentiel, ndlr). Il faut l’arrêter à tout prix. Bassolé ne doit pas envisager d’aller à Kosyam », reconstitue-t-elle.

Me Barry est aussi revenue sur l’élément sonore (écoute téléphonique) incriminé, qu’elle qualifie de « sauvage ».

« Sur le Net, on retrouve les mêmes conversations avec des contenus divergents », soulève-t-elle avant d’ajouter que par des manipulations politiques, l’on met l’ancien président de l’Assemblée nationale ivoirienne Soro Guillaume dans l’affaire et par des manipulations politiques, on le fait ressortir (référence faite au mandat d’arrêt lancé contre lui avant d’être annulé). Mais, le général Bassolé, supposé principal interlocuteur, y est maintenu, retient l’avocate.

Dans le même ordre, Me Barry dit observer l’absence à la barre de certains accusés qui pouvaient blanchir le général Bassolé. Il s’agit entre autres de Bénédicte Jean Bila qui est revenu sur sa déposition concernant le général. De même, note-t-elle, que des éléments sonores issus d’échanges entre le général Bassolé et l’ambassadeur de France au Burkina à l’époque ont été ignorés dans ce dossier. Pour elle donc, la non-prise en compte de ces aspects susceptibles de décharger son client est aussi une preuve du complot politique contre son client.

Toujours en appui au caractère politique du dossier, elle revient sur un certain nombre d’actes. Il s’agit notamment durelèvement de juges d’instruction de leurs fonctions et du remplacement du commissaire du gouvernement au tribunal.

« Yacouba Ouédraogo a été libéré suite à des tractations politiques »

Dans sa dynamique de démonstration du caractère politique du dossier, Mireille Barry est revenue sur le cas du colonel Yacouba Ouédraogo, ancien ministre des Sports et loisirs et président-fondateur du parti politique Union pour un Burkina Nouveau (UBN). Auditionné et incarcéré le 18 novembre 2015 dans l’affaire du coup d’Etat de septembre 2015, il avait demandé sa libération conditionnelle qu’il a obtenue dans l’après-midi de jeudi, 31 mars 2016.

A ce sujet, l’avocate révèle : « Si à la période des événements, le général Bassolé ne s’était pas lancé en politique, il ne serait pas devant votre barre. (…). Le Burkina est un pays de savane. Tout se sait. Et selon certaines indiscrétions, Yacouba Ouédraogo a été acquitté suite à des tractations politiques. Dès sa libération, il a fait un communiqué pour dire qu’il se retire de la politique ».

C’est pourquoi, Me Antoinette Ouédraogo, qui a succédé à Mireille Barry dans les plaidoiries, a invité à se poser les vraies questions. « Si on ne se pose pas les bonnes questions, on met le pays en danger », campe-t-elle avant de relever des irrégularités dans l’instruction du dossier du putsch de septembre 2015. Elle a noté un manque d’équité, des violations de droits fondamentaux des accusés par le juge d’instruction.

« Le juge d’instruction a refusé à nos clients, leurs droits constitutionnels. Et je suis venue vous dire qu’il a manqué d’équité. Il a refusé de répondre aux questions légitimes de nos clients. Nous pensons qu’il a manqué de loyauté. Alors qu’un procès qui manque de loyauté, c’est de l’arbitraire. Ce qui est arbitraire n’est pas légal », a-t-elle relevé.

Pour Me Ouédraogo, le coup d’Etat était un montage réalisé par l’ancien Premier ministre, Yacouba Isaac Zida.

« Il est un bon fabricant ; il a su fabriquer ce qu’il fallait. Ce dossier dit emblématique, c’est du vent ; c’est quelqu’un qui l’a monté », convainc l’ancien bâtonnier, Antoinette Ouédraogo.

Les plaidoiries se poursuivent, mardi, 20 août 2019, avec la présence au tribunal du général Bassolé lui-même, selon une source qui lui est proche.

OL/JTB
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