Celui qui a tenu à peu près ce langage le week-end écoulé sur les antennes de la station mondiale, Radio France internationale (RFI), n’est pas un inconnu de la scène politique ivoirienne, loin s’en faut. Le général Mathias Doué, hier encore patron des Forces armées nationales de Côte d’Ivoire (FANCI), depuis sa tanière, a en tout cas largué sa bombe et tout le monde retient son souffle.

De la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) à l’Organisation des Nations unies (ONU), en passant par l’Union africaine (UA), qui misent sur la présidentielle hypothétique du 30 octobre prochain pour espérer une sortie de crise, pas la moindre voix officielle ne s’est pourtant encore émue de cette déclaration de guerre du général clandestin, qui tombe après les révélations du lieutenant-colonel Jules Yao Yao, porte-parole en disgrâce des FANCI, sur les escadrons de la mort qui règnent sur Abidjan, et les griefs faits par Guillaume Soro au médiateur sud-africain Thabo M’Beki.

Un non-événement, selon Bertin Kadet, le conseiller du président Gbagbo pour les questions de défense, et le général Philippe Mangou, le nouveau chef des FANCI, même si peu après, pour une panique consécutive à un simple feu d’artifice, ils n’ont pu s’empêcher de s’inviter sur les antennes de la Radiotélévision ivoirienne (RTI) pour appeler les populations abidjanaises au calme. Mais de quoi le général Mathias Doué est-il capable ?

Rare rescapé du régime du général "balayeur" Robert Guéi, ce saint-cyrien peu loquace a été aux côtés du "Christ" de Mama pendant quatre bonnes années, donc comptable des frasques de ce dernier, qui ont plongé et la Côte d’Ivoire et la sous-région ouest-africaine dans la crise que l’on connaît. Et lorsque certaines voix lui faisaient un appel du pied lors du massacre des marcheurs de l’opposition en mars à Abidjan, de la kermess des Sukhoï sur Bouaké, suivie de la leçon de chose dispensée par les Forces de l’Opération Licorne dans la capitale économique, le nouvel allié refusa de cueillir le fruit pourtant mûr.

Mieux, il ira se réfugier dans une clinique, attendant son limogeage après l’échec de l’opération "Dignité" pour prendre le maquis. Si à la tête des FANCI il n’a pu évincer Gbagbo, le pourra-t-il maintenant que le président ivoirien a placé ses hommes "sûrs" aux premiers postes de combat et surarmé son ethnie pour prévenir toute surprise désagréable ?

Bien sûr en Centrafrique, à Madagascar, et récemment en Mauritanie, on a vu des retournements de situation inespérés, mais tout le monde n’est pas le général Bozizé, le pasteur Ravalomanana, le colonel Val, encore moins le capitaine Compaoré du Centre national d’entraînement commando (CNEC) de Pô. Le clin d’œil fait par le général Doué aux Forces nouvelles suffira-t-il à inquiéter le locataire du palais de Cocody ? En tout état de cause, cette déclaration de guerre de la St-Jean-Eudes mérite d’être prise au sérieux, à moins qu’elle réponde à l’attente secrète de tous.

Car, de par le passé, le silence, la négligence et la cupidité des grandes puissances ont fait d’innombrables victimes au Liberia, en Sierre-Leone, au Rwanda, au Burundi, au Congo, au Zaïre, en Centrafrique et nous en oublions. On a d’abord consciemment laissé le temps aux marchands d’armes de bien ficeler leurs deals, pour ensuite mettre le feu aux poudres avant de jouer aux pompiers. Alors, qu’en sera-t-il du pays d’Houphouët ?

En tous les cas, le retour du général Doué, pour ne pas dire le déclenchement des hostilités, à moins que ce ne soit une fiction, est imminent, puisqu’il a prévenu : "Je rentre dans quelques jours en Côte d’Ivoire pour prendre pleinement ma place dans le combat, en vue de faire cesser les exactions et les assassinats commis sur les populations". Et si le général n’y rentre pas, à moins qu’il y soit déjà, son poisson d’août serait une baleine.

Mais peut-on encore douter de sa capacité à tenir sa parole d’honneur quand, depuis Pretoria, Guillaume Soro clame être heureux que le général Doué ait enfin décidé de prendre ses responsabilités, avant d’inviter la communauté internationale à réserver à l’époux de Simone le même sort que celui qui a été réservé à Charles Taylor du Liberia et à Jean Bertrand Aristides d’Haïti ?

Dans l’attente, des jours sans lendemain s’annoncent pour la sous-région ouest-africaine, et si rien n’est fait, les vautours envahiront une nouvelle fois la cité pour inscrire dans les annales de l’histoire un macabre festin. Gageons que le pire, que nous redoutons tant, ne surviendra pas, et partageons l’optimisme d’Henri Konan Bédié qui promet, lui aussi, de descendre, le mercredi 24, sur les bords de la lagune Ebrié pour lancer sa campagne.

Observateur Paalga