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Vente de véhicules d’occasion à Ouagadougou : Un business florissant miné par le désordre et l’arnaque

Publié le dimanche 4 août 2019 à 08h10min

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Vente de véhicules d’occasion à Ouagadougou : Un business florissant miné par le désordre et l’arnaque

Ouagadougou, un gigantesque parking anarchique à ciel ouvert ! Ces dernières années, l’on assiste, dans la capitale burkinabè, à une explosion du marché de la vente de véhicules d’occasion. Dans ce secteur juteux en pleine expansion, le désordre règne en maître. Les quelques rares professionnels se disputent les parts de marché avec les amateurs de plus en plus nombreux.

Des parkings sauvages poussent de partout. De tous les âges, de toutes les marques, des voitures parquées en plein air. Aux abords des rues de la capitale, voire dans les ruelles des quartiers, ce commerce prend de plus en plus de l’ampleur. A vue d’œil, il ne semble pas y avoir de limites dans ce secteur d’activité. Professionnels détenant des agréments ou amateurs ne disposant pas de documents en la matière, se frottent les mains. L’activité est florissante !

Si dans un passé récent, les Burkinabè étaient reconnus dans la sous-région pour leur « passion » pour les motos, aujourd’hui, les choses ont beaucoup évolué. Avoir un véhicule est progressivement en passe d’entrer dans les habitudes, avec l’émergence d’une classe moyenne.

Amadou Sinaré, que nous avons rencontré sur un des sites de vente de véhicules, vient de s’offrir une « Toyota ». Le visage rayonnant de joie, il témoigne : « Avec cette acquisition, c’est une épine de moins au pied. Les risques d’accident seront désormais minimisés dans les rues de la capitale qui grouillent d’engins à deux roues ».

Quant à Sophie Nikiema, une autre cliente, la taille de sa famille commandait d’avoir un engin à quatre roues. Et il n’y a pas que cela. En effet, confie-t-elle, « lorsque vous avez un véhicule, vous pouvez sortir avec toute votre famille et être en sécurité, surtout quand on a des enfants, et vous êtes respecté parmi vos amis, parents et collègues ».

Plus de 20 000 véhicules enregistrés par an

Presque toutes les grandes villes burkinabè connaissent cette explosion de la vente de véhicules d’occasion. Mais il ne fait aucun doute que la capitale Ouagadougou remporte la palme d’or. Et selon les statistiques de la Direction générale des douanes, l’importation des véhicules d’occasion s’est accrue ces cinq dernières années. Ainsi, plus de 20 000 véhicules sont moyennement enregistrés par an au Bureau de dédouanement de véhicule automobile (BVA).

Ces véhicules automobiles sont, pour la plupart, importés de la France, de l’Allemagne, de la Belgique et des Etats-Unis. Ils transitent par les ports de Lomé, Cotonou ou Accra. De 2014 à 2018, l’on est passé de 16 210 à 25 454 véhicules convoyés annuellement sur le territoire national burkinabè. Les marques les plus en vue sont Toyota, BMW, Mercedes. A Ouagadougou, les véhicules se vendent et s’achètent maintenant comme des petits pains. Il y en a pour toutes les bourses. Pour moins de deux millions de francs CFA, le client peut s’offrir le plaisir de rouler en Toyota de plus de huit ans d’âge, nous chuchote un vendeur bien au parfum du business. Pour la qualité, chacun fait avec.

Toutefois, il faut préciser que pour une certaine gamme de véhicules, il faut débourser une petite fortune, allant de vingt millions de F CFA à plus. L’âge, la marque, l’état, sont autant de paramètres qui déterminent le prix.


Lire aussi : Véhicules d’occasion : Un marché florissant au Burkina Faso


Le secteur de la vente de véhicules d’occasion est, aujourd’hui, une grosse machine économique qui générerait en moyenne une recette douanière de plus de 12 milliards de francs CFA par an, confie le chef du Bureau de dédouanement de véhicule automobile, Nouhoun Diallo. Pour le dédouanement d’un véhicule, le client doit s’attendre à payer un minimum de 400 000 F FCA. La base de calcul se fait en fonction du prix d’achat de l’engin.

Nouhoun Diallo, chef du bureau de dédouanement des véhicules

Avant l’acquisition d’un véhicule, chaque client doit savoir qu’il a l’obligation de respecter toutes les formalités douanières, aux fins d’éviter les mauvaises surprises quand il sera en possession dudit véhicule. « Comme vous le savez sans doute, la plupart des véhicules d’occasion sont vendus sans des garanties ; et lorsque l’acquéreur ne prête pas attention à certains détails, il sera abandonné à son triste sort », conseille le chef du BVA.

Des difficultés à la pelle

La ruée vers la vente des véhicules d’occasion se fait souvent en violation de la règlementation en la matière. « Nombreuses sont aujourd’hui ces personnes qui se sont lancées dans le domaine sans vraiment savoir de quoi il est question ; ce qui se traduit par la multiplication des parkings anarchiques, des véhicules désuets, des arnaques, etc. partout dans la ville », reconnaît d’ailleurs le président de la Fédération nationale des associations des vendeurs de véhicules d’occasion (FNAVVOB), Dramane Nikiema. Selon lui, c’est en voyant ce désordre naissant dans le milieu, que « les acteurs aguerris du domaine ont décidé de fonder, en 2018, la FNAVVOB, qui s’est donné pour mission, avec l’accompagnement des autorités du pays, d’assainir le secteur ».

Il fallait bien cette structure parce que, explique Dramane Nikiema, « sur le terrain, il y a plusieurs types de vendeurs : ceux dits ‘‘vendeurs agréés’’, c’est-à-dire les professionnels ; ceux appelés ‘‘vendeurs d’occasion’’, qui mènent l’activité occasionnellement ; et la catégorie des ‘‘arnaqueurs’’ qui, eux, font beaucoup de victimes ». Les professionnels, comme ils se font appeler, seraient entre 800 et 1 000 personnes sur l’ensemble du territoire national, selon les estimations de la Fédération. En prenant en compte les autres catégories d’acteurs, ce chiffre est à plus de 3 000.

Chacun arrive plus ou moins à tirer ses marrons du feu. Quels bénéfices engrangent-ils ? Les montants sont gardés secrets. Toutefois, le président de la FNAVVOB nous souffle à l’oreille que, « sur un véhicule écoulé, le vendeur peut s’en tirer avec un minimum de 100 000 à 150 000 F CFA comme bénéfice si l’engin est en bon état ».

Outre cet apport en argent frais, le secteur est créateur d’emplois, « parce que chaque parking automobile emploie plusieurs personnes, ce qui contribue d’une manière ou d’une autre au développement du pays. Il y a donc nécessité pour l’Etat de s’engager aussi à son tour à accompagner les acteurs du domaine pour que le secteur devienne plus professionnel », recommande Dramane Nikiéma.

Même si ce secteur d’activité économique procure à l’Etat en moyenne une recette douanière de plus de 12 milliards de F CFA par an, il faut également noter que le non-respect de la procédure de dédouanement par certains acteurs fait perdre au Trésor public beaucoup d’argent en termes de recettes douanières.

Véhicule Toyota RAV4, l’une des voitures les plus prisées des Ouagalais

C’est une difficulté évoquée par le premier responsable du Bureau de dédouanement, qui souligne par ailleurs que ces hors-la-loi utilisent plusieurs méthodes pour se soustraire aux obligations. Parmi les méthodes utilisées, on peut citer entre autres les faux documents, le transfèrement des plaques et des cartes grises des véhicules hors circulation sur de nouveaux engins et le trafic des cartes grises. Mais, rassure ce responsable, « des moyens sont mis en place afin de démanteler tous ces réseaux de trafic ».

Un marché délaissé aux mains des acteurs du domaine

Alors que les professionnels se donnent pour mission d’assainir le secteur, ils se trouvent être confrontés également à une autre difficulté, celle de la réglementation quant à la limitation de l’âge des véhicules importés au Burkina Faso. A cet effet, il faut dire que pour le moment, en matière de « limitation d’âge des véhicules d’occasion importés », le Burkina n’a pas une réglementation particulière. C’est pourquoi, il n’est pas rare de voir des véhicules d’un certain âge toujours en circulation. C’est alors bonjour la pollution !

Mais cette situation profite aux acteurs du secteur, parce que, plus le véhicule est vieux, moins l’on paie de frais à la douane. De ce fait, il arrive que les acteurs du domaine falsifient les caractéristiques pour « vieillir » le véhicule afin de payer moins cher. Un problème qui, selon le directeur général adjoint du Centre de contrôle des véhicules automobiles (CCVA), Mamadou Diallo, est récurrent au niveau des véhicules de transport dont la moyenne d’âge tourne autour de 22 ans.

Pour ce qui concerne les autres véhicules, la moyenne d’âge est de 17 ans. « Et avant que la réglementation soit en vigueur, des mesures sont en vue afin d’aller vers un système de rajeunissement du parc automobile, surtout pour les véhicules destinés au transport de marchandises, en éliminant les taxes douanières et autres frais, afin de permettre aux transporteurs d’être compétitifs face aux autres pays et, par-là, contribuer à désenclaver le pays ».

Du fait que la réglementation n’est pas toujours respectée par les usagers, des dispositions ont été prises pour délivrer des certificats de conformité aux véhicules importés, qu’ils soient neufs ou d’occasion. Le but de ce certificat de conformité, c’est de s’assurer que le véhicule est conforme à la réglementation en vigueur au Burkina Faso et en adéquation avec la réglementation communautaire notamment au niveau de l’UEMOA et de la CEDEAO. « Et le rôle du CCVA, c’est de pouvoir révéler tout cela à la douane et de l’orienter, en lui donnant les vraies caractéristiques du véhicule, en faisant une traçabilité du véhicule ».


A lire aussi : Burkina Faso : Utilisation de fausses immatriculations - 73 véhicules mis en fourrière


En attendant que tous les problèmes liés à ce secteur d’activité soient résolus, la vente des véhicules d’occasion continue de faire son bonhomme de chemin à Ouagadougou et dans d’autres villes du pays. Un business florissant qui gagnerait à être mieux structuré et encadré, pour des raisons économiques, de sécurité routière, de lutte contre le chômage, et surtout de pollution, pour ne pas dire de santé publique.

Yvette ZONGO
Lefaso.net

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Vos commentaires

  • Le 4 août 2019 à 13:30, par Le Capitaine En réponse à : Vente de véhicules d’occasion à Ouagadougou : Un business florissant miné par le désordre et l’arnaque

    Merci pour cet article. Il serait temps qu’une règlementation soit adoptée et mise en application pour interdire l’entrée des véhicules de plus de 5 ans. Et aussi, plus le véhicule est récent et moins les frais de dédouanement sont élevés.

    Je vous recommande, pour un article semblable, de citer les références de la règlementation en vigueur.

  • Le 4 août 2019 à 13:31, par Impartial En réponse à : Vente de véhicules d’occasion à Ouagadougou : Un business florissant miné par le désordre et l’arnaque

    Avis découlant d’une expérience personnelle.
    1) Pour le dédouanement d’un véhicule, le client doit s’attendre à payer un minimum de 400 000 F FCA : non, ça c’est la somme à payer à la frontière. A cinkassé par exemple, avant que la douane laisse entrer votre véhicule au Burkina. Arrivé au BVA. Même somme minimale. En fait pour les véhicules de plus de 10 ans d’âge, c’est un forfait. autour de 650.000 affiché au BVA. Il faut ajouter les frais d’estimation de valeur (comme si les douaniers ne savaient pas lire l’année, le kilométrage d’un véhicule !), de contrôle technique, etc. Véhicule de 2003 dédouané 950.000FCA en avril 2018. Ceux de moins de 10 ans d’âge sont plus chères. Le prix d’achat n’est pas pris en compte (la facture venant avec le véhicule). Ils parlent de gabarit. Si vous avez un SUV, c’est un 4x4 (mais non : les SUV peuvent être 2 roues motrices ou 4 roues motrices ; mais comme on veut faire sembant : tous les SUV sont des 4 x 4 ; m^me si la notice du véhicule dit que c’est 2 roues motrices). Mais ils font plutôt leur propre "Estimation", qui s’avère arbitraire. 1.500.000F de frais de dédouanement d’une Hyunday Tucson de 2012 en novembre 2018.
    2) En l’état actuel des choses, les importateurs individuels sont à la merci des transitaires véreux, de la Douane qui ne montre pas clairement les frais encourus, obligeant les particuliers à recourir à des transitaires véreux. La douane se plaint qu’elle perd de l’argent ; non : l’Etat perd l’argent et ce sont les douaniers véreux qui se partagent les gains avec les transitaires véreux, comme des larrons en foire.
    Si la Douane veut vraiment être juste, pour facturer les couts réels, elle doit informatiser le processus de dédouanement des véhicules. Trop d’intermédiaires se sucrent sur le dos des citoyens.
    PS : il y a certainement des citoyens fraudeurs que la Douane doit effectivement traquer. Mais en l’état des choses, c’est le citoyen le plus grand perdant, suivi de l’Etat.

    • Le 5 août 2019 à 00:08, par Goomsida En réponse à : Vente de véhicules d’occasion à Ouagadougou : Un business florissant miné par le désordre et l’arnaque

      Ca m’a fait plaisire de vous lire- Impartial. Au Burkina Faso, nous avons une grande potentialite pour prosperer mais le probleme c’est la corruption. Et je vous dit que meme nos dirigeants se plaisent dedans. Vous parlez d’informatiser le systeme douaniere, une bonne idees, mais une manque cruade de volonte s’impose.

      Au finish, j’ai tjrs l’espoire pour la generation future - dans 50 ans.

  • Le 4 août 2019 à 17:14, par jeunedame seret En réponse à : Vente de véhicules d’occasion à Ouagadougou : Un business florissant miné par le désordre et l’arnaque

    Tout le monde est coupable. Car, le burkinabè aime la facilité et ne résiste pas à la tentation. Mêmes les professionnels avec ces chiffres titubant, ont des réseaux de truquage et autres falsifications avec la conspiration des grands douaniers.

  • Le 5 août 2019 à 11:46, par Bamos En réponse à : Vente de véhicules d’occasion à Ouagadougou : Un business florissant miné par le désordre et l’arnaque

    Merci beaucoup en fait le problème c est un manque de volonté. Depuis on a demandé l interconnexion entre la douane et les autres services mais les gens refusent. Ke projet de securisation des titres de transports en cour le projet est passé à côté de son but. La fraude va continuer. Personne ne veut ce qui est clair comme l eau de roche. C est l Etat qui devrait veiller à ce que l INTERCONNEXION se fasse mais l Etat même ne le veut pas .on fait comment. Les gens préfèrent enfermer les gens pour faire croire qu’ ils prennent à bras le corps le problème mais c est faux la fraude est encouragée depuis le haut. Sinon cette fraude se finir en une minute. C est le Burkina

  • Le 5 août 2019 à 12:53, par Laverite En réponse à : Vente de véhicules d’occasion à Ouagadougou : Un business florissant miné par le désordre et l’arnaque

    Voici ce qui m’est m’arrive. Début 2014, j’achète une véhicule. Arrivée à la frontière, rien n’est clair, qu’il faut une attestation de propriété, donc des frais pas très clair, on a durée là-bas et personne pour te donner la bonne information. Que tu n’as qu’à repartir avec ton véhicule si tu n’es pas content.
    Arrivée à Ouaga, même combat, douaniers, qui sortent des excuses que il faut faire une estimation, donc on facture, qu’il faut faire une nouvelle déclaration car à cinkanse eux ils n’étaient pas là-bas. Donc tu paies. De négociation en négociation, tu te retrouves à payer pas moins de 3.000.000 pour un véhicule. Même si c’est un SUV , on qualifie de 4x4, même si tu as les papiers, on te sors des chiffres à payer que tu ne peux même pas vérifier. Les transitaires aussi sont dans le deal. Vraiment, comme ils voient que tu as mobilé, donc ça veut dire que je dois distribuer tout mon argent jusqu’à la fin. Honte à vous ! Les autorités doivent se pencher sérieusement sur le problème de corruption. Même les investisseurs ne viennent pas car ils savent comment la corruption peut leur faire perdre tout leur investissement. Ils préfèrent aller au Ghana ou au Rwanda. BURKINABÈ n’est plus intégre, je suis désolé. La seule personne c’était une dame, franchement la femme là, c’est une vraie sérieuse et honnête qui fait son travail avec le sens du service et du sacrifice mais regardez autour , les autres vermines c’est pas la peine C’est ça qui est la VÉRITÉ !

  • Le 5 août 2019 à 13:54, par MonOpinion En réponse à : Vente de véhicules d’occasion à Ouagadougou : Un business florissant miné par le désordre et l’arnaque

    Notre douane est corrompue jusqu’a la moelle. C’est le plus gros probleme du Burkina faso. Tous les dedouanements se font a la tete du client. Si tu as des relations au MINEFID corrompu, tout comme les agents de ce ministere, tu ne payes pas la douane. Par contre si tu es un honnete citoyen qui veut dedouaner dans les regles de l’art, tu recois le marteau.
    La douane burkinabe manque de transparence, et c’est expres. Ca permet la corruption. Pourtant l’etat leur verse des dizaines de millions de primes et avantages mais helas !
    Apres on se plaint que la vie est chere dans le pays. La source du probleme c’est la douane, pas les commercants detaillants. Les frais de douanes exhorbitants et non conformes a la loi augmente le cout des produits au consommateur.

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