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Jean-Baptiste Compaoré, ministre des Finances et du Budget : “Les contrôles fiscal et douanier ne connaissent pas de gros bonnets”

Publié le vendredi 19 août 2005 à 13h13min

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Pour le lancement de la rubrique « Wariko », la toute nouvelle rubrique qui traitera des questions d’économie, de finances et de développement, nous avons voulu sacrifier à la tradition. « A tout seigneur, tout honneur » dit-on.

Fidèle à cette philosophie, nous avons donné la parole à « l’argentier du Burkina » : le ministre des Finances et du Budget, M. Jean-Baptiste Compaoré. Dans cet entretien, Jean-Baptiste Compaoré se veut rassurant : « Les finances publiques se gèrent bien », « les partenaires apprécient positivement l’œuvre du gouvernement », « le Burkina Faso est loin d’une banqueroute »... ceci est un départ. Mais pour les publications, Wariko, votre rubrique bihebdomadaire (les vendredis) paraitra toutes ses sou rubriques : « chronique éco, « portrait », « décryptage », etc.

Sidwaya (S.) : Quelle est votre appréciation du secteur privé burkinabè après la rencontre des 7 et 8 juillet derniers à Bobo-Dioulasso ?

Jean-Baptiste Compaoré (J.B.C.) : J’ai eu le sentiment que le secteur privé burkinabè a beaucoup d’ambitions. Il travaille durement pour relever les défis de son existence et de son développement. C’est un secteur à la fois ambitieux et fragile. Il a besoin de l’appui de l’Etat pour tracer efficacement son chemin dans l’économie nationale. La rencontre de Bobo-Dioulasso a été l’occasion de connaître les difficultés actuelles des entrepreneurs. Celles-ci sont liées à une conjoncture internationale qui dépasse les opérateurs. Nous avons avec le Premier ministre visité des entreprises qui sont fortement attaquées par la fraude. Mais globalement parlant, le secteur privé burkinabé a montré à cette tribune qu’il est au rendez-vous de la compétition. Ses acteurs travaillent d’arrache-pied pour se tirer d’affaires. Certains ont réussi des redressements qui font marcher leurs affaires. C’est encourageant.

Le secteur privé burkinabè est en voie de croissance. Il est certes fragile, mais susceptible de mieux jouer son rôle dans le développement du pays si le partenariat-gouvernement-secteur privé se renforce à leur profit.

S. : Quelles sont les mesures prises à court terme pour protéger les entreprises nationales des méfaits de la fraude et de la concurrence déloyale ?

J.B.C. : Le Premier ministre a déjà donné des instructions pour ce qui concerne le domaine des huileries. Certaines unités ont été démantelées avant la rencontre de Bobo-Dioulasso.

Ces opérations de lutte contre la fraude, les fabriques clandestines et la protection du consommateur vont se poursuivre sur toute l’entendue du territoire. Bien avant ces mesures, la Douane avait déjà renforcé son dispositif pour combattre la fraude sur les routes et au niveau des frontières. C’est ainsi qu’au cours de l’année 2005, ce sont des matériels de plus de deux (2) milliards de francs CFA qui ont été saisis. Le gouvernement ne dort pas sur les lauriers. Il est conscient de la montée de la fraude et a pris des mesures pour préserver les chances du secteur privé national. Sur le front de la lutte contre la fraude les impôts font un travail remarquable au même titre que la douane. Quand on parle de fraude, il ne faut pas seulement voir ceux qui prennent les marchandises et évitent de payer les taxes douanières.

Il y a également des entreprises internes qui trouvent des subterfuges pour contourner le fisc ou le sous-estiment. Aussi, un travail quotidien est entrepris pour les détecter. Toutes les entreprises formelles ont été contrôlées par les services fiscaux. Le gouvernement essaie de sensibiliser et de mieux se faire comprendre.

A l’heure actuelle, l’administration fiscale sait qui est qui et doit pouvoir assurer efficacement la gestion des revenus internes de l’Etat en termes de récoltes. La chef du gouvernement a recommandé que les efforts soient axés sur la répression des piles fraudées comme c’est déjà le cas avec le sucre et les pneus. Les magasins des douanes sont remplis de ces produits saisis.

Il faut que tout citoyen, tout consommateur ou tout entrepreneur contribue à la lutte contre la fraude car l’Etat ne peut pas mettre un douanier ou un agent fiscal derrière chaque acteur du secteur privé. Il faut arriver à cultiver un civisme amenant le contribuable à viser volontairement et honnêtement ce qu’il doit à l’Etat. Outre la fraude, la rencontre de Bobo-Diolasso a abordé les éléments limitant la portée des investissements. Toutes les préoccupations font l’objet d’une analyse en vue de réduire les délais de création des entreprises et procéder à la relecture du code des investissements pour le rendre plus attrayant. Le document « Doing business in Burkina Faso » (Faire des affaires au Burkina Faso) s’est déjà penché sur ces aspects.

S. : Le Burkina Faso vient de bénéficier d’une annulation de ses dettes par les pays du G8. Qu’est-ce qui justifie ce choix de ces pays, et que peut apporter cette décision dans son développement ?

J.B.C. : J’aurais bien aimé être affirmatif. Mais pour l’instant, ce n’est pas encore concret. Nous avons été informé que notre dette va être annulée. Toutefois, nous continuons à la rembourser jusqu’à ce qu’on détermine à parler de quand et comment cette annulation doit être utilisée. Ces détails n’ont pas été fournis pour l’instant. Tout de même, c’est une belle annonce. C’est un effort de la part de nos partenaires qui a été réclamé depuis longtemps. Le Burkina Faso a toujours été bénéficiaire des réductions de dette arrêtées jusque-là. Il y a plusieurs concertations qui ont donné lieu à des allégements au niveau des clubs de Paris et de Londres.

On avait fini par dire que certains pays performants comme le Burkina Faso méritent que l’on reconnaisse leurs efforts et leur accorder un allégement supplémentaire de leur dette à condition qu’un cadre stratégique de lutte contre la pauvreté (CSLP) soit créé pour soutenir cet allégement. Notre pays a été parmi les premiers à créer ce cadre. Le document a été approuvé par tous les partenaires. En plus de cela, si votre CSLP se comporte bien, l’allégement devient plus substantiel. Il y a le point d’achèvement que le Burkina Faso a atteint en 2002. A partir d’avril 2002, notre pays pouvait prétendre à un allégement de 5 %. La seule difficulté c’est que la dette a été allégée mais elle est payée dans un compte. Et ces fonds serviront à des investissements dans les secteurs sociaux. Au lieu de rembourser à l’extérieur, l’Etat paie à l’intérieur.

Or si la dette est lourde et pesante, la trésorerie doit être allégée pour que la dette soit moins ressentie. C’est une très bonne chose que nous faisons partie des 18 bénéficiaires de l’annulation de dette consentie par le G8 car celle-ci est plus significative.

Ce choix se justifie par les efforts du Burkina Faso à assainir ses dépenses publiques et à améliorer les conditions de vie des populations. Nous apprécions très positivement ce signal de nos partenaires. Notre dette multilatérale et bilatérale s’élevait à 1035 milliards de F CFA en juin 2004.

Après cela, il y a eu encore des emprunts de 300 à 400 milliards de F CFA mais tout n’est pas décaissé en même temps. Le G8 a proposé l’annulation des dettes bilatérales (IDA, FAD, FMI). Etant un pays PPTE, c’est à l’égard de ces institutions là que nous avons le maximun de dettes.

S. : Les bailleurs de fonds reprocheraient au Burkina Faso son incapacité à monter des projets fiables pour l’utilisation optimale des fonds PPTE. Si une telle situation est avérée comment expliquez-vous le paradoxe du faible taux d’absorption des ressources clées aux remises de dettes ?

J.B.C. : Ce n’est pas ce que pensent les partenaires. Il est vrai qu’il y a un problème d’absorption. Cela n’est pas lié à l’incapacité des Burkinabè à monter des projets viables et à répondre à ces financements. Il ne s’agit pas de cela.

Lorsqu’on monte un projet, il y a tout un ensemble de procédures qui doivent garantir la bonne utilisation des ressources et la bonne exécution du projet. Le promoteur doit donner aux partenaires, l’assurance de la destinée réelle des fonds et leur faire le point à chaque étape en relevant le sens de la conduite des activités et les difficultés rencontrées. Un projet peut simplement s’arrêter en terme de procédures. Parce qu’à près avoir créé le projet, l’on n’a pas pu prendre le soin de faire un audit théorique. Or la convention signée avec les partenaires stipule qu’il faut fournir annuellement un rapport donnant l’état d’avancement du projet.

C’est sur cette base là que le partenaire peut décider ou pas de continuer à débloquer les fonds. Si cet audit n’est pas réalisé en retard cela suffit pour arrêter le projet pendant trois mois. Ce n’est pas l’incapacité qui constitue la première difficulté mais la gestion elle-même du projet.

L’avis de non objectif que l’on demande au partenaire peut aussi prendre du temps. Si celui qui s’en occupe n’est pas disponible, cette requête peut attendre deux ou trois semaines. Pour les marchés publics, un appel d’offres peut être lancé mais sans candidat. Il faut reprendre jusqu’à obtenir le mieux disant.

Nous sommes conscients que lorsqu’on vous accorde des ressources, il faut les consommer à 100 %. Actuellement, le taux d’absorption est à 70 %. Des efforts ont été faits pour atteindre ce chiffre là. Nous visons bientôt 80 % pour se situer autour des 95 %. Il faut nécessairement améliorer le taux d’absorption car il ne suffit pas de disposer de bons projets, il faut aussi que les ressources soient utilisées efficacement.

Cela ne témoigne pas d’une bonne gestion car l’Etat paie des frais d’engagement aux partenaires parce que les fonds à les accorder ne peuvent pas être utilisés ailleurs.

S. : Quelle est la gymnastique du ministre des Finances et du Budget pour qu’un pays pauvre comme le Burkina Faso arrive à payer de façon continue le salaire de ses agents publics à chaque fin du mois ?

J.B.C. : Lorsqu’on dit que l’économie burkinabè est permanente, cette appréciation ne s’adresse pas seulement au ministère des Finances. Elle se fonde sur une analyse de tous ceux qui participent à la constitution de cette économie : l’éducation de base, la santé, le commerce, l’agriculture, les infrastructures. C’est un regard porté sur l’action gouvernementale dans son ensemble. Il faut persévérer dans la même lancée. Les finances publiques sont à gérer en tenant compte d’un environnement économique défavorable. L’équipe gouvernementale comprend cela et ses membres se soutiennent mutuellement sous la conduite du chef de l’Etat. Un travail harmonieux est abattu pour affirmer un leadership gouvernemental.

Cette synergie d’actions éclipse un peu les difficultés financières que d’autres pays mieux nantis que le nôtre rencontrent. Dans la mobilisation des ressources financières les services de mon département ne dorment pas. On ne peut dépenser que quand on a l’argent liquide. Pour cela, notre objectif c’est de mobiliser d’abord les ressources internes en dépit de ce que l’on dit de la fraude et de la corruption. Parce que ce sont les recettes propres qui déterminent le dégré d’autonomie d’un pays vis-à-vis de l’aide. Le soutien financier extérieur est aléatoire. On ne peut pas compter à 100 % sur l’aide car un jour viendra où elle diminuera ou s’arrêtera. D’ailleurs pour pouvoir bénéficier d’une aide conséquente, il faut prouver à ces partenaires que l’on fait des efforts au niveau des ressources internes.

Après les avoir mobilisées, il faut déterminer les priorités. Surtout ne pas gérer au jour le jour. Car si les ressources sont utilisées immédiatement dans ce qui arrive, les dépenses peuvent ne pas être les meilleures ou celles du moment. Il faut donc être prévoyant. Et c’est ce que le Burkina Faso a compris pour ce qui concerne la masse salariale. Il y a une stratégie nationale de gestion optimale des ressources internes. La force de l’Etat dans la politique salariale réside dans sa capacité d’organisation. Les réformes initiées sont en train de porter des fruits en termes de circuit intégré de la dépense, de définition de priorités dans le CSLP, de déclinaison et de volonté de chaque ministre du gouvernement d’atteindre des résultats concrets sur le terrain. Tout cela amène une précision dans les dépenses à exécuter. C’est en cela que se situe la particularité du Burkina Faso. Tous les partenaires apprécient notre gestion. C’est vrai qu’à l’approche du 25 du mois, aucun membre du département ne dort. Dès le 11, les services des impôts, des douanes, du trésor, sont sur le qui vive pour que tous les fonctionnaires et les fournisseurs de l’Etat soient payés. Chaque maillon de l’Etat joue sa partition pour une meilleure gestion des ressources publiques.

S. : Face à la hausse généralisée des prix, le ministre des Finances ne s’inquiète-t-il pas que le salaire des fonctionnaires ne puisse leur permettre de mieux vivre ?

J.B.C. : Tout ce qui touche les contribuables, les concitoyens concernent également l’Etat. Car le ministre des Finances et du Budget est un consommateur comme tout autre Burkinabè. La hausse des prix particulièrement ceux du carburant gène tout le monde, le fonctionnement normal des foyers, des services, des entreprises et même la prévisibilité des activités. Seulement une réalité s’impose : le Burkina Faso ne produit pas de pétrole. Pour ce faire, il y a deux choix possibles. Ou alors il faut ajuster en faisant en sorte que les utilisateurs de premier ordre paient le cours normal de ce produit important. Car l’augmentation actuelle s’inscrit dans une volonté de l’Etat de rendre disponible le pétrole. Le gouvernement œuvre vaille que vaille à ce que cette denrée ne vient pas à manquer sur le territoire national. Ou l’on opte à défaut de ce choix pour la subvention. Mais là il faut que quelqu’un paie. Ce que l’Etat ne peut pas supporter indéfiniment vu ses moyens limités.

Ce choix va même conduire à une catastrophe : l’Etat sera à court de subvention et il n’y aura plus l’argent pour importer le carburant. Conséquence, les hydrocarbures viendront à manquer. Or aucun Burkinabè ne souhaite une telle situation. La hausse du moment est liée à un contexte économique mondial auquel le Burkina Faso ne peut se soustraire.Il appartient au consommateur de prendre ses dispositions pour diminuer au mieux la consommation d’un produit qui devient de plus en plus rare. Le souci actuel du gouvernement, c’est de rendre disponible les hydrocarbures au Burkina Faso quel que soit son prix au plan international. Cela évite au pays et sa population des situations plus dramatiques.

Un contexte difficile comme celui-ci ne s’applique pas seulement aux populations. L’Etat aussi en ressent. Il doit continuer à assurer ses postes de dépenses incontournables tout en faisant face aux réalités économiques actuelles. La hausse du cours des hydrocarbures au plan mondial suscite des craintes aussi bien chez le consommateur que chez l’Etat. Il faut donc développer des initiatives pour laisser passer l’orage. Des efforts ont été consentis par le gouvernement pour amoindrir les répercussions réelles de cette hausse sur le consommateur.

On ne peut pas parler de menaces, de banqueroute. Par contre toute corruption entraîne une hémorragie financière, une distorsion dans la compétition par rapport aux autres opérateurs, une utilisation très peu adroite des ressources dans ce cadre-là. Tous ces facteurs commandent une lutte contre ce fléau. C’est ce que nous avons entrepris. La révocation récente des douaniers ne doit pas faire oublier que la grande majorité travaille activement pour que les recettes de l’Etat s’améliorent.

S. : Des sources bien informées indiquent que selon les institutions de Bretton woods le gouvernement avait la possibilité d’augmenter les salaires de 25 % au lieu de 4,5, 5 et 8 %. Que répondez-vous ?

J.B.C. : Ce ne sont certainement pas des sources du ministère des Finances et du Budget. Honnêtement, le Burkina Faso n’a pas encore les moyens pour procéder à une augmentation de 25 % des salaires. Ceux qui réclament cela le reconnaissent lorsque nous nous retrouvons autour des tables de négociation. On ne peut pas dans le même temps considérer que nous avons des ambitions aussi élevées en matière d’éducation, de santé, d’infrastructures, de désenclavement... et dans le temps envisager 25 % de hausse de salaires. Ce serait donner 50 % des recettes, dettes et dons aux fonctionnaires ce qui n’est pas pensable et logique dans la mesure où nous sommes les derniers des derniers.

Et les autres composantes de la nation ? C’est déjà 130 milliards que l’Etat décaisse pour la masse salariale chaque année sur ces recettes intérieures de 330 milliards dont 280 effectives. Or cette masse doit être de 33 % des recettes internes pour être au diapason avec les directives de l’UEMOA. Celle du Burkina Faso soit 39,39 % dépasse largement la norme communautaire. Cette masse salariale pourrait même atteindre 170 milliards si l’on accordait les 25 % de hausse tant souhaitée. Le budget de l’Etat n’est pas seulement destiné aux fonctionnaires. Il doit aussi soutenir tous les secteurs économiques et sociaux de la nation.

S. : Avec la montée de la fraude et de la corruption, auxquelles certains de vos services (douaniers notamment) se trouvent d’ailleurs mêlés, n’y a-t-il pas un risque que l’Etat burkinabè connaisse un jour la banqueroute ?

J.B.C. : La banqueroute peut toujours être organisée dans un pays comme le Burkina Faso. Il faut alors des réformes pour assurer une certaine transparence dans les opérations et se mettre déjà à l’abri d’un problème systémique. On ne peut pas parler de menace de banqueroute. Par contre toute corruption entraîne une hémorragie financière, une distorsion dans la compétition par rapport aux autres opérateurs, une utilisation très peu adroite des ressources dans ce cadre-là. Tous ces facteurs commandent à une lutte contre ce fléau. C’est ce que nous avons entrepris. La révocation récente des douaniers ne doit pas faire oublier que la grande majorité travaille activement pour que les recettes de l’Etat s’améliorent. Ni l’équipe des douaniers ni le système informatique ne sont en cause. Un système a beau être performant, si quelqu’un à l’intérieur veut passer outre, il essaiera toujours.

Heureusement, ceux qui ont persisté ont été identifiés et mis hors d’état de nuire. Les procédures vont se poursuivre à l’endroit de tous les fautifs. Cela servira de leçon à la douane et ailleurs. C’est de cette manière que l’on peut éviter qu’un système se gangrène. Des mesures sont prises aux impôts, au trésor pour montrer que l’Etat ne transige pas avec ses recettes publiques. Ceux qui n’ont pas encore été pris ont intérêt à arrêter les malversations s’ils ne veulent pas tomber sous le coup des mêmes sanctions. La révocation des douaniers a empêché un phénomène de s’agrandir. En conseil des ministres, nous avons dit que les investigations se poursuivaient. Les responsabilités des révoqués sont à ce jour suffisamment établies. Si les enquêtes révèlent d’autres, nous repartirons devant le conseil des ministres pour adopter la conduite à tenir.

Nous n’en connaissons pas qui ont échappé. Peut-être que le temps nous en dira plus. Les instructions sont données dans tous les ministères et il vaut mieux pour leurs agents de ne pas aller à l’encontre. Cela participe de la bonne gouvernance. Ce qui se passe au ministère des Finances se fait ailleurs. Seulement comme ce ministère concentre les directions de dépenses, de recettes, les nœufs de tout l’argent de l’Etat, tant recherché et convoité, pour dépenser ou pour payer moins c’est pourquoi ce département est sur la sellette.

Toutefois le ministère des Finances n’est pas l’endroit de prédilection de la corruption. Dans un hôpital par exemple, les gens ne se rendent pas compte mais lorsqu’un malade passe avant un autre ou trouve des médicaments par le biais des relations quelconques, c’est une manière voilée de corruption. Certes de petite échelle mais il peut avoir mort d’hommes. La révocation des douaniers n’est qu’un signal fort à l’endroit de tous les agents publics qui viendraient à commettre des malversations.

S. : Quelle attitude adopteriez-vous à l’égard des « grands bonnets » qui ne paient pas leurs impôts ou les taxes douanières ?

J.B.C. : Les contrôles fiscal et douanier ne connaît pas de gros bonnets. Personne n’est exempte des sanctions appliquées. Le fisc accentue ses efforts jusqu’à ce que ceux que vous appelez gros bonnets soient saisis. Un travail de contrôle systématique est entrepris par la direction générale des impôts. Le taux de contrôle des structures formelles est aujourd’hui de 95%. Certaines entreprises ont même affirmé devant le chef de l’Etat que l’administration fiscale devient pesante car ses agents s’y sont rendus plus de quatre fois. L’Etat n’accorde aucune faveur à qui que ce soit dans la mobilisation de ses recettes. Il n’y a pas de préférence ni de choix des personnes ou des structures à contrôler.

Nul n’est épargné par les contrôles de l’administration fiscale que ce soit les bons payeurs que les mauvais. Nous sommes actuellement à mesure de montrer ceux qui sont en règle et ceux qui ne le sont pas. Nous allons bientôt passer à une autre étape. Avec la crise ivoirienne nous avons malgré le constat transigé. Cela peut se faire en matière fiscale et douanière au regard de la régularisation le paiement observé chez un opérateur. Nous avons allégé jusqu’à 75% des pénalités de certains. Mais à condition que ceux-ci ne tombent pas dans les mêmes erreurs. Ces recommandations sont valables pour les petits et pour les grands.

S. : Les ressources que l’UEMOA alloue sous forme de compensations à ses Etats membres prendront bientôt fin. Comment le Burkina Faso se prépare pour faire face à cette rupture de ressources ?

J.B.C. : C’est vrai que ce soutien prendra fin bientôt. Mais dans le même temps depuis quelques années déjà, nous avons des difficultés pour le reversement de ces fonds qui viendraient juguler les difficultés observées dans certains domaines. L’UEMOA devrait verser à l’Etat burkinabè des ressources d’une dizaine de milliards de F CFA. Nous sommes aguerris à ne pas recevoir de fonds de ce côté. Nous essayons d’avancer avec les moyens de bord. Le dispositif lui-même avait pour objectif de nous préparer à ne pas dépendre forcément des produits de porte mais de les relayer par des recettes internes.

Donc le soutien de l’UEMOA ne pouvait pas être éternel. Seulement, l’assistance s’estompant l’on devait être plus cohérent dans le système d’intégration à travers des réformes structurelles et des réalisations communautaires. Les pays membres devraient être plus solides pour dégager des recettes internes conséquentes. Ce n’est actuellement pas le cas mais le Burkina Faso a déjà emprunté la bonne voie pour ne pas trop sentir la rupture de versements de l’UEMOA. Nous espérons bénéficier néanmoins de ce qui est déjà considéré comme un acquis.

En 2003, le taux de croissance était de 8%. C’est un record car depuis 1994, ce chiffre tournait autour de 5%. Récemment, la moyenne était de 6%. Si les efforts sont maintenus la pauvreté regressera considérablement. La vision des autorités, c’est de voir des richesses émerger progressivement pour atteindre les localités les plus reculées. La production céréalière qui joue un rôle important dans la croissance a été relativement propice en 2003. Comme toutes les années ne se ressemblent pas, il faut nécessairement avoir le souci de diversifier l’économie nationale pour qu’il y ait un essai d’auto entretien de la richesse créée.

Ce qui apportera d’autres valeurs ajoutées au lieu de dépendre seulement du coton exporté à l’état brut. Pour l’instant, des problèmes de qualité et de référence font que les fruits et légumes ne sont pas bien vendus. Le gouvernement travaille pour que la croissance soit perçue dans tous les secteurs.

S. : L’argentier du Faso que vous êtes mène-t-il ses activités en toute liberté ou agit-il sous le couvert d’un puissant parrain politique comme certains l’ont soutenu lors d’une crise relative aux fonds communs entre votre département et celui de l’économie et du développement ?

J.B.C. : J’essaie d’accomplir au mieux la tâche que l’on m’a confiée. Tous les ministres travaillent sous la conduite d’un chef de gouvernement. On ne peut pas avoir des initiatives qui vont dans tous les sens. Il y a un maître d’orchestre qui est le Premier ministre.

Il rend compte au chef de l’Etat. Et chacun dans le gouvernement s’attelle à ce qui lui a été demandé à travers une lettre de mission. Pour ce qui me concerne, cette lettre dit que la corruption doit reculer et la fraude combattue pour une plus grande mobilisation des ressources. lle me permet aussi d’user de tous les moyens disponibles pour atteindre les objectifs et rendre compte. C’est là que se trouve le vrai parapluie. Il est aussi aisé de savoir que les actes que l’on pose sont ceux attendus par les populations. Le gouvernement doit être soutenu dans ses efforts car c’est la population qui souffre de la soustraction des recettes, des marchés publics mal octroyés. Une équipe qui travaille contre cela ne peut que recevoir un appui conséquent. Nous avons perçu à Bobo-Dioulasso que les opérateurs économiques attendent plus du gouvernement. C’est là un autre parapluie pour persévérer dans nos efforts de lutte contre la fraude, la corruption, la mal gouvernance.

S. : Quel message avez-vous à lancer à vos collaborateurs et à la population pour que votre département joue davantage le rôle qui est le sien au Burkina Faso ?

J.B.C. : Je voudrais assurer à mes collaborateurs et à tous les services de mon département de ma grande reconnaissance pour le travail que nous abattons ensemble tant pour la mobilisation des ressources et le contrôle pour l’exécution des dépenses publiques.

Ce sont des équipes déterminées qui s’acquittent de leur tâche avec loyauté. Et il faut les féliciter malgré le cas malencontreux rencontré à la douane. Cette situation ne doit pas conduire au découragement. Le fait de trouver chaque fin du mois son salaire positionné dans son compte en banque signifie déjà que la majorité des agents du département travaille dans le bon sens. Cette surprise agréable réservée à tout fonctionnaire n’a jamais été interrompue et ne le sera pas. Et il faut remercier les acteurs de la mobilisation de la masse salariale. Seulement le travail est loin d’être accompli. Il y a encore des réformes et des chantiers.

Pour cela, je voudrais que les uns et les autres redoublent d’efforts et d’abnégation pour relever les défis communs. Les missions auxquelles ils sont assignés ne permettent aucun répit. C’est un perpétuel recommencement. La bataille engagée pour la mobilisation des ressources et le paiement des dépenses dure douze mois. Elle ne s’arrêtera jamais au fil des ans. J’invite donc mes collaborateurs et les services de mon département à cultiver le souci du bien public, à ne pas se décourager afin que le département soit très cohérent dans ses activités grâce à leur appui. Le ministre des Finances et du Budget joue le rôle qui est le sien dans la vie de toute nation. Nous souhaitons pour cela beaucoup plus de compréhension. Ce n’est pas une période facile pour les uns et les autres.

Etant donné que le pays est à la croisée des chemins en ressources et en dépenses, beaucoup ont l’impression que nos services sont trop présents dans le contrôle en observant une lenteur dans certaines luttes (fraude, corruption). Nous les appelons à s’informer sur le fonctionnement de nos mécanismes, à comprendre le travail mené par le département. Nous comptons sur leur appui à travers des critiques constructives pour procéder à des réajustements. Car sans recettes publiques, l’Etat ne peut pas dépenser. Il faut donc mobiliser ce qui lui revient. C’est ce qui explique notre devouement dans l’exécution des tâches dévolues au ministère des Finances et du Budget. Il appartient donc à chaque citoyen de cultiver un civisme fiscal et accepter nos services à ses côtés.

Interview réalisée par Rabankhi Abou-Bâkr ZIDA
Jolivet Emmaüs
Sidwaya

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