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Enseignement des langues nationales en Afrique : Un facteur essentiel d’efficacité de l’éducation

Publié le mardi 16 août 2005 à 09h33min

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Windhoek, la capitale de la Namibie, a accueilli du 3 au 5 août 2005 une conférence sur l’éducation bilingue et l’utilisation des langues africaines dans l’enseignement.

Organisée par l’Association pour le développement de l’éducation en Afrique (ADEA), la GTZ (Agence de coopération allemande) et l’Institut de l’UNESCO pour l’éducation (IUE) en partenariat avec le ministère de l’Education de la Namibie et l’Association intergouvernementale de la Francophonie (AIF), la rencontre de Windhoek a été une tribune de plaidoyer en direction des décideurs politiques et des populations pour l’utilisation des langues africaines dans l’éducation.

L’utilisation des langues locales dans les systèmes éducatifs constitue un facteur essentiel d’amélioration de la pertinence et de l’efficacité de l’éducation en Afrique", a insisté le ministre namibien de l’Education, Nangola MBumba, à l’ouverture le 3 août dernier de la conférence régionale sur l’éducation bilingue et l’utilisation des langues africaines dans les systèmes éducatifs.

Et il savait de quoi il parlait, lui dont le pays a fait l’option d’introduire les langues maternelles comme langues d’instruction durant les quatre premières années de la scolarité. Tous les autres intervenants à la cérémonie d’ouverture de la conférence, à savoir Mamadou NDoye, le secrétaire exécutif de l’ADEA, Anand Rumajogee, le représentant de l’AIF, Mme Mekedes Edjugayehu, représentante de l’UNESCO et Mme Christiane Kallé, représentante résidente de la GTZ en Namibie, ont été unanimes à reconnaître que l’utilisation des langues parlées par les enfants avant l’entrée à l’école était une des conditions pour réduire sensiblement les abandons, les redoublements et les échecs scolaires au cycle primaire. Des études réalisées au Burkina Faso, au Mali, au Niger, au Nigeria, au Sénégal et en Zambie, montrent que les élèves des écoles bilingues obtenaient des résultats d’apprentissage supérieurs à ceux des écoles monolingues et ceci dans les principales matières comme les mathématiques, les sciences et les langues (français et anglais compris). La compréhension de la langue étant très déterminante dans l’acquisition des connaissances et des compétences.

Le représentant de l’AIF observera à ce sujet que "la fonction d’accueil, de communication et d’affirmation de soi dans la langue dans laquelle l’enfant a appréhendé son monde avant d’arriver à l’école est fondamentale". Les meilleurs résultats obtenus dans les classes utilisant les langues nationales des enfants ont pu être expliqués par certaines recherches.

Dans les écoles où la langue officielle est utilisée comme langue d’instruction, les méthodes d’enseignement sont centrées autour de l’enseignant ; c’est-à-dire que l’enseignant parle et les enfants écoutent et l’apprentissage est alors basé sur les répétitions et la mémorisation.

Par contre dans les classes où la langue maternelle est utilisée comme langue d’instruction, on assiste à une véritable interaction entre l’enseignant et les élèves.

La classe est alors vivante et les enfants sont détendus. Quand l’enseignant parle, les enfants réagissent.

Un continent fertile en langues

L’Afrique abrite près d’un tiers des langues vivantes du monde avec 1200 à 2000 langues autochtones qui sont parlées sur le continent. Le Burkina Faso par exemple possède environ 60 langues pour une population de 11 millions d’habitants dont la moitié est moréphone, c’est-à-dire qui a le mooré comme langue maternelle ou qui parle le mooré en plus d’une autre langue maternelle.

Le dynamisme linguistique des pays africains aurait donc pu constituer un puissant levain pour le développement de l’enseignement. Malheureusement les colonisateurs relayés ensuite par certaines élites africaines ont déformé cet atout pour le considérer comme une menace pour l’unité nationale des nouveaux Etats.

Aujourd’hui encore, les hésitations persistent au niveau de nombreux acteurs de l’éducation et certains ministres de l’éducation continuent de douter de la pertinence de l’enseignement dans les langues locales. Plusieurs raisons, plutôt des alibis sont souvent avancés pour expliquer les réticences.

On peut citer entre autres les coûts supplémentaires de formation des enseignants et des matériels pédagogiques, la situation multilingues des pays, l’utilité et l’utilisation de l’apprentissage des langues locales, les risques de marginalisation des apprenants en langues locales, les perceptions dévaforables des parents et des communautés vis-à-vis de l’instruction en langues nationales.

La rencontre de Windhoek qui a réuni quelque 70 experts et professionnels de l’éducation, experts en communication, éditeurs, hauts-fonctionnaires des ministères de l’Education et représentants d’agences de développement, ambitionnait de faire avancer le dialogue politique sur la question de l’utilisation des langues nationales dans l’enseignement.

S’appuyant sur les résultats d’une étude menée dans treize pays africains (Afrique du Sud, Burkina Faso, Cameroun, Ethiopie, Ghana, Madagascar, Malawi, Mali, Niger, Ouganda, Sénégal, Tchad, Zambie), les participants ont débattu sur plusieurs questions touchant les politiques linguistiques actuelles, les coûts et le financement de l’enseignement en lanques nationales, les pratiques pédagogiques, les modèles d’éducation bilingue et d’utilisation des langues locales pour l’éducation formelle et non formelle, l’édition en langues nationales et l’importance de la communication pour accompagner les réformes linguistiques.

Les travaux de la conférence ont débouché sur la nécessité d’utiliser les langues africaines comme langues d’enseignement dans les pays. Conscients des obstacles politiques, idéologiques et socioculturels qui ne manqueront de surgir, les participants ont préconisé l’approfondissement de la question de l’enseignement des langues nationale tout en développement une approche basée sur la participation de tous les acteurs.

Le plaidoyer sur la question des langues africaines et de leur utilisation dans les systèmes éducatifs devrait se poursuivre à la prochaine biennale de l’éducation prévue en mars 2006 au Gabon et auprès de l’Union africaine et du NEPAD.

Hamado NANA
Sidwaya

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