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Will B Black, artiste musicien : « Il n’y a pas un vrai showbiz au Burkina »

Publié le lundi 17 juin 2019 à 22h30min

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Will B Black, artiste musicien : « Il n’y a pas un vrai showbiz au Burkina »

Le Kundé de l’espoir 2017, Will B Black, a-t-il disparu des radars ? Non, à en croire l’intéressé. Au cours d’une interview qu’il nous a accordée le 10 juin 2019, celui qui se nomme à l’état civil Benkeba Wilfrid Tiono dit être toujours dans la musique sauf que ses prestations ne font pas l’objet de médiatisation. Au cours de l’entretien, il a également donné son point de vue sur le showbiz burkinabè. Pour lui, beaucoup reste à faire.

Le Faso.net : Voulez-vous bien vous présenter aux lecteurs de Lefaso.net ?

Will B Black : À l’état civil, je me nomme Benkeba Wilfrid Tiono. Mon nom d’artiste, c’est Will B Black. Je suis célibataire sans enfant.

Pourquoi le choix du surnom Will B Black ?

Will B Black, à cause du style de musique que je fais. Will B Black, ça fait plus urbain. Will vient plutôt de mon nom. Le Will c’est de Wilfrid qui est mon prénom. Le B c’est Benkeba, qui est le prénom de mon papa. Le Black, c’est juste pour ma fierté d’être Noir. C’est quelque chose que je voulais que tout le monde sache. Si je suis connu dans le monde entier, qu’on sache que je fier d’être black.

Dans quel genre de style musical évoluez-vous ?

Je ne sais pas si aujourd’hui on peut nous mettre dans un carcan. Les styles sont un peu dans une sorte de fusion. Moi je fais du hip-hop. Mais, il y a de la fusion avec la venue des styles comme l’afro-trap, l’afro-pop. Tous ces styles font qu’aujourd’hui, il n’y a plus un style à lui seul. On ne peut plus dire je fais du hip-hop. Je fais un peu de la fusion.

En fait, quand on dit musique urbaine, le reggae c’est de la musique urbaine, la salsa c’est de la musique urbaine. Les gens ont souvent une mauvaise appréciation de la musique urbaine. Quand on dit musique urbaine, pour beaucoup de gens, c’est une musique qui n’est pas bien travaillée. Pourtant, des grands comme Bob Marley faisaient de la musique urbaine. Alpha Blondy fait de la musique urbaine. Je suis dans le style de la musique urbaine.

On a l’impression que Will B Black fait marche arrière. On vous a connu avec des dreadlocks, aujourd’hui vous avez une tête rasée.

J’aime à dire que les artistes n’aiment pas être enfermés dans un carcan. Ils aiment être libres. Donc à un moment, j’avais comme l’impression que les gens m’identifiaient trop par rapport à la coiffure. Pourtant, Will B Black, c’est au-delà de l’apparence. C’est plutôt les thèmes. C’est plutôt la manière de chanter, de rapper. Je voulais revenir à l’essentiel en fait. Et puis les dreads, je les avais faits sur un coup de tête. Quand je faisais le featuring avec la Slamazone et pour le clip, je me suis dit qu’il me fallait une coiffure qui touche. J’ai fait les dreads. Ça m’a plu et c’est resté quelque temps avec moi. Mais ce n’est qu’une coiffure.

Après le Kundé de l’espoir en 2017, Will B Black semble avoir disparu des radars.

Je ne dirais pas que Will B Black a disparu. C’est à peu près le commun des artistes burkinabè. Quand un artiste apparaît et fait l’unanimité, les gens t’aiment bien, tu es sous la lumière. Il n’y a pas en fait du vrai showbiz au Burkina. Il n’y a pas de système qui permette de rester au niveau. Les artistes peuvent toujours exister. Je peux donner des exemples de plusieurs artistes burkinabè qui font des tournées dans le monde que les Burkinabè ne connaissent pas forcément. Mais, ils sont connus dans le monde entier. Donc ce n’est pas parce qu’on ne le connaît pas ou on ne le voit pas chaque fois à la télévision que l’artiste a disparu.

On a comme l’impression que tant que les médias ne relaient pas, le mélomane ne cherche pas en fait à savoir. Dans d’autres pays, les mélomanes cherchent à savoir. On voit des mélomanes qui font un looking pour attendre l’album d’un artiste ou le concert d’un artiste. Ce qui n’est pas encore possible dans notre pays. C’est ce qui explique cela. Sinon, Will B Black est toujours là. J’ai fait un projet avec Koumba Gawlo. Je sais que plein de personnes ne sont pas au courant. Ceux qui suivent, savent qu’il est là.

Parlez-nous de votre projet avec l’artiste sénégalaise…

C’est un projet sur l’immigration, on va dire la mauvaise immigration plutôt, celle des jeunes africains qui quittent le continent par la mer et autres. C’est un projet avec des jeunes artistes de l’Afrique de l’Ouest. Les initiateurs ont regardé sur YouTube plusieurs artistes dans la sous-région et au Burkina Faso, et c’est moi qui ai été choisi. Je me suis rendu au Sénégal où j’ai séjourné pendant deux semaines. On a fait une chanson de conscientisation et un concert qui a été clipé.

Vous avez été lauréat aux Kundé 2017. Qu’est-ce que cela vous a rapporté ?

D’abord il faut dire que le Kundé est une bonne chose. Il y a des pays qui n’ont pas de prix pour les artistes. Le fait qu’il y ait un évènement qui prime les artistes pour ce qu’ils font, c’est bien. Mais, est-ce que le Kundé est arrivé à vraiment déployer ce qu’il voulait faire ? Parce que moi je me dis, à la base, que le but du Kundé, c’était de révéler les artistes burkinabè, de les faire connaître dans la sous-région et peut- être dans le monde entier.

Ce qui peine aujourd’hui encore. À partir de chaque Kundé, ce qui est triste, c’est qu’il y a toujours des débats, des polémiques à n’en pas finir sur la raison même du Kundé. C’est bien qu’il y ait le Kundé. Mais, il y a des choses à revoir. Il n’y a pas de suivi des artistes. Plusieurs artistes ont eu le Kundé d’or, mais n’ont même pas de partenariat. Je donne un exemple : Imilo le Chanceux qui gagne un Kundé d’or et n’a pas un partenariat avec les chaînes de télévision et les radios nationales. Il n’a pas de partenariat avec des promoteurs nationaux pour faire de grands concerts. Il n’y a aucun suivi après le Kundé.

L’artiste est laissé à lui-même. Il doit se battre avec ses sous pour qu’au prochain Kundé, on puisse le regarder. Le Kundé, c’est l’artiste qui a le plus de vues, qui a le plus misé sur son album, qui a fait un album de belle facture. Tout cela vient de tes fonds propres. Il n’y a pas de suivi après qui permette à l’artiste de pouvoir rayonner.

Pourquoi vous avez choisi d’être artiste musicien ? Vous auriez pu faire autre chose…

Je trouve que c’est un peu comme celui qui décide d’être médecin. C’est d’abord une vocation. Je ne veux pas me fâcher avec les policiers, mais il y a plein de nos frères policiers qui n’y entrent plus par vocation. C’est parce qu’il faut chercher du travail. C’est aussi un peu comme dans le domaine du show-biz. Il y a plein de gens aussi qui entrent, qui n’ont pas un chemin bien tracé. Tout le monde cherche du travail. Tout le monde cherche son gagne-pain.

On ne va pas les juger, mais faire de la musique, moi je dis que c’est d’abord faire passer un message. C’est un peu comme le docteur qui soigne avec les médicaments. Le musicien, lui, il soigne avec des mots. Au début, tu le fais par amour, tu te dis, oui, c’est quelque chose que tu aimes. Et puis un jour, tu es étonné que des gens te disent qu’ils ont écouté une de tes chansons et ça les a soignés. D’une certaine manière, tu as raconté quelque chose qui les a touchés au plus profond d’eux. Quand tu entends cela, tu te dis aussi que tu as ta place dans la société.

Est-ce que Will B Black vit de son art ?

J’arrive à joindre les deux bouts. J’arrive à m’habiller, à manger, à subvenir à mes besoins. Mais, il ne faut pas oublier que les choses ne sont pas faites comme elles devraient être. Si les choses étaient bien faites, le combat de plusieurs artistes depuis quelque temps au Burkina Faso, c’est de dire à tout le monde, que ce soit les mélomanes ou les acteurs du show-biz, qu’il y a un grand marché international. Nous sommes toujours dans un marché qui est national. Cela ne rapporte pas vraiment.

D’autres pays comme le Nigeria et le Cameroun dernièrement, sont en train d’entrer dans un marché international, c’est-à-dire que de l’argent va quitter ailleurs pour entrer dans le pays. Ce n’est pas, contrairement à ce que certains promoteurs du pays font, en faisant venir des artistes, de gros calibres d’autres pays qui viennent prendre de l’argent pour sortir du pays. Nous on demande à ce que on crée le système de star-mania qui permette aussi à ce que des artistes des communautés d’autres pays invitent des artistes burkinabè. Je pense qu’on peut vivre de la musique puisque c’est une industrie, et toute industrie peut nourrir son homme.

Si vous aviez votre ministre de tutelle en face, que lui diriez-vous ?

C’est d’abord lui dire qu’il y a des choses qui sont faites mais il y a beaucoup à revoir. J’ai fait une formation de monteur vidéo. Je suis dans le cinéma aussi, et même quand je fais le parallèle cinéma-musique, c’est à peu près les mêmes problèmes. La culture est mise au second plan. Les gens ne s’intéressent pas vraiment à la culture. On considère les artistes comme des gens qui ne veulent pas travailler. Pourtant, aujourd’hui, nous respectons les puissances comme les États-Unis à cause de la culture. Ils ont su imposer d’une certaine manière leur culture.

Aujourd’hui, si on se plaint de certains comportements de nos frères et sœurs, c’est à cause d’une culture qui a été imposée. Toute cette culture passe aussi par les artistes. Ils peuvent véhiculer des messages. Je pense que la place des artistes devait être vraiment prise au sérieux dans le développement du Burkina Faso. On ne va pas dire qu’on a juste besoin de bailleurs de fonds. Je pense qu’un artiste qui est capable de remplir un stade d’un pays le nombre de fois qu’il veut, est aussi un pourvoyeur d’emplois. C’est quelqu’un qui peut avoir des maquilleurs, des ingénieurs de son, des réalisateurs, et tout cet argent reste dans le pays et participe au développement du pays.

D’où Will B Black tire-t-il sa source d’inspiration pour écrire ses textes ?

J’ai toujours eu l’inspiration facile. J’ai fait une série littéraire. J’ai eu un Bac A. J’ai toujours aimé le côté créatif, donc je n’ai pas de souci. La plupart du temps, mes thèmes sont assez sociaux. Je parle de la jeune fille, du garçon, du courage, de la tristesse et aussi de l’espoir. C’est un peu comme l’écrivain. Tout de suite quand on demande à un écrivain ce qu’il veut écrire, il n’a pas peut-être toute l’histoire dans la tête, mais une fois qu’il commence à écrire, les choses coulent.

Quels sont les projets de Will B Black ?

Pour le moment, je suis en train de préparer des singles, qui vont sortir d’ici-là. Je ne sais pas si pendant les vacances, ils seront prêts parce que je suis en train de mettre un peu plus de sérieux dans la qualité sonore de la musique. Mais ces derniers temps, il y a des petits featurings avec des artistes. Je pense que la moindre des choses qu’on puisse faire, c’est de tendre la main aussi aux jeunes. Parce que le but, c’est que demain, dans le concert des nations, le Burkina Faso soit présent.

Vous avez collaboré avec Malika la Slamazone sur une de ses chansons. Comment s’est faite votre rencontre ?

On se connaissait depuis belle lurette, depuis le lycée. On s’était perdu de vue. Je savais qu’elle slamait. À l’époque, nous on faisait partie des groupes de danse. On se croisait la plupart du temps. J’ai été étonné de voir qu’elle a continué dans le slam, elle voulait faire même un album, et c’est au même moment que moi je rencontrais mon ex-producteur. Et elle a voulu qu’on fasse un travail ensemble.

Elle m’a proposé de la suivre sur une chanson sur son album. C’était risqué. Sur l’album, il y avait Smarty, il y avait Greg, et moi j’étais le seul artiste qu’on ne connaissait pas. On est parti, on a dit qu’on va faire un truc simple. On ne va pas se prendre la tête. Et puis Dieu merci, c’est un morceau que les mélomanes ont apprécié, ils ont aimé. Grâce à ce morceau aussi, j’ai pu me placer un peu.

On vous voit très peu sur scène

J’ai eu cette remarque-là. Ce qui est compliqué aussi, c’est que chaque fois que j’ai des scènes, j’invite les gens et ils disent qu’ils n’ont pas pu venir. On a déjà fait plusieurs lives. On a fait un live au Faso Hip Hop, au Siao, aux Nuits atypiques de Koudougou. On a fait un live à la fête de la musique. Je pense qu’il y a eu plusieurs scènes où Will B Black a pu se défendre. Il y a des gens qui étaient présents. Il y a des gens qui n’étaient pas présents.

Est-ce que Will B Black fait autre chose que la musique ?

Je fais de la musique, des montages vidéo, mais je ne me suis pas encore essayé sur un vrai long métrage. Je n’ai travaillé que sur des courts métrages, et dernièrement au Fespaco qui vient de passer, le 2e prix des écoles, c’est un film que j’ai monté. On a monté aussi un film qui a eu le 1er prix au Togo. J’aime bien la vidéo. C’est pour cela qu’en faisant la musique, je me suis dit que j’allais faire le montage vidéo.

J’aime le cinéma et souvent même pour mes clips, je participe aussi un peu au montage. À côté de la musique, je fais aussi le montage. Mais à temps plein, c’est la musique. Pour moi, on ne peut pas poursuivre deux lièvres à la fois. Il faut mettre tout son esprit et toute sa tête sur un projet pour bien le faire.

Est-ce que Will B Black est un cœur à prendre ?

Je ne sais pas pourquoi on me pose à chaque fois cette question-là. Je dirais que Will B Black n’est pas un cœur à prendre. Ça ne veut pas dire qu’il est en couple, qu’il est marié. Mais Will B Black, pour le moment, est tellement investi dans ce qu’il fait que c’est un peu compliqué. Les relations amoureuses et tout ça, le but c’est de faire vraiment de grandes choses. Donc pour le moment, les distractions, on les a un peu stoppées.

Quels conseils avez-vous à donner à vos jeunes frères qui veulent emboiter vos pas ?

Il y a eu un moment où j’avais commencé à beaucoup m’expliquer sur les réseaux sociaux. J’ai eu des messages qui me disaient : « Will B Black, tu parles trop, il y a des grands-frères qui peuvent te bloquer, etc. ». Quand tu fais la musique, tu as tes fans, le reste ça ne te regarde pas. Mais, quand chaque jour tu te réveilles, et qu’il y a plein de jeunes qui t’écrivent des messages, qui te demandent de les aider à pouvoir enregistrer une chanson, tu te rends compte qu’en fait, il n’y a pas un chemin pour un artiste qui veut faire de la musique aujourd’hui. C’est ce qui est triste.

Avant, on disait au moins que si tu chantes bien, ou si tu rappes bien, tu peux réussir, parce que des gens vont te voir, des gens vont te prendre. Mais, aujourd’hui, le système de producteur n’existe plus. Il n’y a plus vraiment de producteurs. Donc, ce que je peux dire aux jeunes, c’est de ne pas lésiner sur la qualité du travail. Car même si tu fais du bon travail, que tu n’es pas reconnu à ta juste valeur, au moins tu fais du bon travail.

Il y a plein de jeunes artistes que je vois qui n’ont pas le niveau. Souvent sur les réseaux, on insulte plein de jeunes artistes. Les gens ne sont pas indulgents avec certains jeunes artistes. Mais moi je dis, il faut un début à tout. Nous tous on a commencé à un moment et on a pu évoluer avec le temps. Donc, c’est toujours encourager les jeunes à apprendre, à chercher à connaître d’abord la musique burkinabè et connaître ce qui se fait ailleurs pour pouvoir trouver comment impacter le monde entier aussi.

Comment est gérée la carrière de Will B Black ?

J’étais avec une maison de production. C’était la maison de production qui se chargeait de ma carrière. Normalement, c’est le manager qui se charge de trouver les prestations. C’est ainsi que ça marchait. Mais depuis peu, Will B Black travaille en solo. Je travaille avec un communicateur qui n’est pas encore mon manager. Peut-être finira-t-il par devenir mon manager.

Interview réalisée par Dimitri OUEDRAOGO
Lefaso.net

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