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Mauritanie : Qui sème le vent...

Publié le jeudi 11 août 2005 à 08h13min

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Alors qu’il était en déplacement en Arabie Saoudite pour y assister aux obsèques du Roi Fadh, Maorya Sid Ahmed OULD TAYA, le dictateur mauritanien, a été renversé par un coup d’Etat mercredi 3 août 2005. Une fin logique pour un pouvoir qui aura essuyé trois tentatives de coup d’Etat en quinze mois. Reste à la nouvelle junte militaire à « terminer » le travail en ancrant définitivement le pays sur les berges de la démocratie.

Ainsi donc Ould TAYA l’affabulateur qui avait peur de sa propre ombre ( il voyait des coups d’Etat partout, venant de l’étranger selon lui) a fini par être chassé du pouvoir le mercredi 3 août dernier. Sans jouer aux augures infaillibles, force est de reconnaître qu’une telle fin était prévisible en raison de l’incapacité de son régime à s’adapter à l’air du temps dans un pays en pleine mutation sociologique, laquelle mutation n’avait pas eu de répondant politique. Longtemps basé sur le système multiséculaire des castes, le jeu politique mauritanien voulait que les « Blancs » (entendez les Arabes berbères) soient les maîtres du pays alors que les Noirs, leurs esclaves de toujours devaient se contenter des seconds rôles.

Un « partage » léonin issu d’une tradition obsolète en ce début du 21e siècle, surtout que les Noirs, jadis esclaves apeurés avaient désormais les « yeux ouverts » du fait de leur contact avec d’autres pays où ils se rendront compte qu’être noir n’était pas en soit une « malédiction » et mieux que cette condition ne dispensait pas des tâches de commandement. L’intelligentsia noire qui était née principalement à l’Université Cheick Anta Diop de Dakar, acceptait de plus en plus mal cette condition de « sous-hommes » et n’avait de cesse de réclamer toute sa place dans l’échiquier politique.

Pour parer à cette montée « ethno-intéllectuelle » Ould TAYA n’avait pas hésité en 1989, à faire expulser de milliers de Mauritaniens noirs vers le Sénégal, au motif qu’ils étaient originaires de ce pays. Une « chasse aux sorcières » qui a failli dégénérer en guerre ouverte avec le Sénégal, certains nationaux de ce pays ayant été effectivement victimes de cette cabale.

Il a fallu à l’époque l’intermédiation discrète et efficace du Roi Hassan II du Maroc pour que le fleuve Sénégal ne s’ensanglante pas. Et, pour parer à toute éventualité dans son pays même, Ould TAYA fera massacrer de nombreux officiers noirs en 1990- 1992. Le « complot nègre » était étouffé dans l’œuf, mais il aura des répercussions jusqu’à la chute du régime TAYA.

Changer en profondeur

Derrière les « cavaliers du changement » de juin 2003 se cachait en effet cette revendication récurrente d’égalité sociale et politique. C’est-à-dire que le nouveau régime ne pourra pas en faire l’économie, lui dont l’ambition est d’instaurer une « démocratie réelle » en Mauritanie.

La nouvelle constitution qui doit être adoptée par référendum devra pour se faire, prendre en compte toutes les composantes du peuple mauritanien en leur ouvrant le jeu politique. De même, il devra « liquider » tout contentieux juridico-politique, ce qui n’ira pas sans mal, les barons de l’actuel régime ayant été des acteurs de premier plan du défunt. Un régime défunt qui s’était aussi coupé de ses alliés naturels que constitue le monde arabe et géographique avec sa sortie de l’UEMOA.

En renouant avec Israël, Ould TAYA s’exposait au courroux de ses frères arabes principalement des radicaux islamistes. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien, si les milieux islamistes étaient la cible privilégiée d’un pouvoir désireux de prévenir des attentats terroristes sur son sol. Avec la porosité des frontières africaines doublée de l’étendue du Sahara, les Salafistes algériens pouvaient facilement s’infiltrer à Nouakchott et dans d’autres villes, pour y commettre l’irréparable. Cela avec la bénédiction d’Oussama Ben Laden, qui avait qualifié le régime mauritanien « d’apostat » lorsque celui-ci avait renoué avec Israël.

Les dividendes engrangées auprès de l’Oncle Sam du fait de cette prise de position diplomatique se révélaient in fine « explosives » pour un régime contesté jusque dans les milieux arabo-berbères. Autres « bévues » de TAYA, le retrait irréfléchi de son pays de l’espace UEMOA, pourtant vital pour lui pour des raisons évidentes liées à l’histoire et à la géographie.

Comment gérer par exemple l’exploitation du fleuve Sénégal sans Dakar. Le sénégal étant lié par des Accords régionaux, ladite exploitation aurait été plus facile si les deux pays appartenaient au même espace intégrateur. Las, du fait de calculs de bas étage, Ould TAYA a préféré s’asseoir sur les intérêts de son propre pays. Voilà un autre brûlot que la nouvelle junte devra vite circonscrire pour redonner espoir et vie au secteur halieutique de son pays.

Le colonel Ould VALL n’aura donc le bénéfice de la bonne foi que s’il s’attaque à tous ces dossiers brûlants et leur apporte une solution. En libérant quelques vingt islamistes, il montre qu’il l’a, un tant soit peu compris, même si jusqu’à présent il est aphone sur les autres dossiers. C’est maintenant que le plus dur commence pour la Mauritanie.

Par Alpha YAYA
L’Opinion

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