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Burkina : L’introuvable cohésion sociale

Publié le dimanche 26 mai 2019 à 11h00min

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Burkina : L’introuvable cohésion sociale

Nous mesurons chaque jour un peu plus les conséquences désastreuses du péché originel du “Burkina post-insurrectionnel” : avoir obstinément refusé d’exercer un droit d’inventaire sur l’insurrection dite populaire des 30 et 31 octobre 2014…

Or autant Blaise Compaoré, par son entêtement autiste n’a laissé aux Burkinabè que le choix entre se soumettre une fois de plus ou le démettre ; autant il y a eu des débordements hélas inévitables en pareilles circonstances, mais qu’il aurait fallu avoir le courage de dénoncer dès les premières heures de l’après -Blaise.

Cela, aucun parti politique n’a eu le courage de le faire. Et cinq ans après, l’arrogance et l’outrance d’un CDP requinqué et de son faux nez la CODER n’encouragent nullement à une telle démarche qui serait perçue comme une trahison supplémentaire de l’insurrection.

Et pourtant, il faudrait bien le faire. Pour dénouer cette crise de l’autorité de l’État, il faudra bien commencer par le commencement, c’est- à -dire l’immédiat après -Compaoré.

Le délitement de l’État avait commencé bien avant la chute de Compaoré. Au minimum en 2011.
Seulement voilà. Depuis, il y a eu une alternance, et le nouveau pouvoir, bien qu’issu d’une scission du CDP de Blaise Compaoré, est arrivé au pouvoir porté par une insurrection, puis légitimé par les urnes.

Il pouvait par conséquent remettre les compteurs à zéro, et repartir sur de nouvelles bases. Il ne l’a pas fait. Bien au contraire, il a légitimé les méthodes de revendications insurrectionnelles et séditieuses. Au droit se sont substitués la prime à la capacité de nuisance et les petits arrangements crapuleux et iniques.
Or, une société qui évacue le droit produit l’anarchie et la violence.

L’anarchie et la violence, nous y sommes. Il serait fastidieux, voire impossible, mais surtout extrêmement pénible de faire l’inventaire du nombre de situations dans lesquelles, depuis janvier 2016, la loi a été non seulement foulée aux pieds, mais carrément jetée par dessus bord dans le vain espoir d’acheter la paix sociale.
Comment peut-on espérer acheter la paix sociale en multipliant les injustices, les iniquités et les dénis de droit ?

Cependant, au point où nous en sommes, que peuvent encore faire ces "autorités"- là ?
Tout le monde demande de la fermeté, mais s’insurge lorsque cela s’approche de son voisinage...

Ce pouvoir a déjà trop cédé à la dictature des minorités bruyantes et violentes pour pouvoir commencer à sévir. Les Burkinabè ont une certaine aversion pour l’injustice, le deux poids deux mesures. Ils justifient toujours les fautes des uns par celles des autres… Surtout lorsque ces derniers n’ont pas été sanctionnés, eux...

Ils ne nous reste donc plus qu’à prier pour que le pays arrive cahin-caha aux élections de 2020 avant de s’effondrer totalement comme le Mali en 2012, et à espérer qu’avec une légitimité toute neuve obtenue des urnes, celui ou celle qui sera élu. tournera enfin la page post-insurrectionnelle.

Le hic, c’est que l’opposition qui encourage toutes ces jacqueries sera elle aussi bien en mal de les combattre si elle venait à être au pouvoir en 2021. Elle sera piégée par sa clientèle électorale comme le MPP l’est aujourd’hui avec la sienne !

Par ailleurs, plus que son prédécesseur, le président actuel ne semble jurer que par les “personnes ressources”. En clair, les chefferies coutumières et religieuses qui sont encore, dans bien de nos campagnes, les vrais détenteurs du pouvoir effectif, et accessoirement grands pourvoyeurs de voix lors des élections.

Or, il apparaît que ce dernier rempart qui nous protégeait de l’abîme est aujourd’hui profondément rongé de l’intérieur.

Les chefferies religieuses, à force de louvoiements, ont laissé l’amalgame se faire entre elles et des charlatans et des prédicateurs de tout poil.

Quant aux chefferies coutumières, chose extraordinaire, inouïe au pays de Thomas Sankara, dans leur course aux prébendes et aux honneurs, elles ont elles aussi laissé s’installer l’amalgame entre elles et les chefferies traditionnelles qui prolifèrent depuis l’avènement de la 4ème république.

Nombre de bonnets rouges new look faut-il le rappeler, ne sont en réalité qu’une résurgence des chefs de cantons créés par l’administration coloniale française afin d’assurer la collecte de l’impôt de capitation et le recrutement forcé de tirailleurs et de main d’oeuvre pour les travaux forcés !

Par ailleurs et dans le Soum notamment, Malam Ibrahim Dicko et son association islamique baptisée Al-Irchad devenue plus tard le groupe terroriste Ansarul Islam doivent en partie leur succès à des conflits de classe et de génération qui se passent parfois avec beaucoup de violence dans leur communauté. Mais cet aspect du terrorisme dans le Soum est très peu évoqué ouvertement. Surtout depuis Yirgou et Arbinda...

Les filets de sécurité, les verrous sautent donc les uns après les autres.

Et pourtant, il nous faut tourner la page du “Burkina post-insurrectionnel” et revenir au droit. Et le plus tôt sera le mieux. Pour tous et pour chacun.
Comme toute oeuvre humaine, le droit est certes imparfait. Mais jusque -là, on n’a encore rien trouvé de mieux pour bâtir une société moderne et ordonnée.

Du fait de son histoire, la justice burkinabè ne peut avoir un fonctionnement normal sans être purgée des magistrats politiques et des magistrats corrompus qui sont d’ailleurs souvent les mêmes. Mais ce qui est vrai de la justice l’est également des FDS et de l’administration en général.

Il nous faut bâtir un État de droit. Il nous faut absolument avoir cette ambition et en prendre résolument le chemin. Et cela commence par une administration et une justice dépolitisées.

Maix.

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Vos commentaires

  • Le 26 mai 2019 à 15:15, par Bebeto En réponse à : Burkina : L’introuvable cohésion sociale

    Rien qu’en sachant qu’il y a encore des gens qui pensent de la sorte au BF, l’espoir est permis.
    Grand merci a vous et continuer avec vos écrits qui sont très riches comme voies à suivre..

  • Le 27 mai 2019 à 09:45, par Pierre Claver Ouédraogo En réponse à : Burkina : L’introuvable cohésion sociale

    DE MON OBSERVATOIRE

    DÉCLASSEMENT DE LA FORÊT DE KUA : DES SAUTES D’HUMEURS ANTAGONIQUES DE TROP A BOBO-LA-BELLE ?

    Bobo-Dioulasso, capitale économique du Burkina Faso, chef-lieu de la Région de l’ouest et de la province du Houet : telle une traînée de poudre, la très triste nouvelle de sautes d’humeur antagoniques entre un groupe de jeunes manifestants et des membres d’Organisations de la société civile (OSC) s’est répandue aux quatre coins du monde ce dimanche 26 mai 2019.

    Très en colère, ces jeunes auraient fait irruption au "Jardin Kaboré ", local officiellement retenu pour l’organisation d’une conférence de presse inhérente au projet de déclassement de la forêt de Kua de 350 ha (classée depuis 1936). Un déclassement portant sur une superficie de 16 ha jugée suffisante pour l’implantation du futur CHU.

    Ce projet, importe-t-il de le noter ici, fait depuis quelques jours des gorges chaudes, les choux gras de la presse ainsi que le buzz sur la toile. Because, si plus de 95% des Burkinabè souhaitent voir leurs amis Chinois construire ce CHU dans la commune de Bobo-Dioulasso, le site proposé par les pouvoirs publics ne rencontre pas encore l’assentiment de tous, faute d’explications convaincantes.

    Du fait donc qu’ils soient divisés sur le choix du site dans une ville du Sya regorgeant d’espaces libres appropriés pour l’implantation d’un deuxième hôpital (après celui dénommé Sanou Sourou), les débats vont bon train. Chaque camp tente, avec forces arguments, de convaincre démocratiquement les autorités que le site qu’il préconise ne mettra pas en péril une partie du patrimoine forestier bobolais.

    Ceci fait donc croire aux observateurs nationaux et étrangers du Burkina Faso que les soubresauts survenus ce matin font juste partie des avatars de la démocratie ! Il va donc falloir que nous apprenions à nous tolérer mutuellement si nous voulons voir notre jeune processus mûrir d’année en année et au bénéfice de tous !

    En effet, molester des membres d’OSC régulièrement réunis et commettre des dégâts au seul motif que l’on ne partage pas les mêmes points de vue sur une question en débat public, très ouvert, n’a aucun sens. En effet, ils ont beau être hostiles au mouvement pour la protection de la forêt de Kua, ces manifestants auraient du agir autrement. Ainsi, arguments contre arguments, ils seraient parvenus à mieux se faire comprendre des autorités municipales, du pouvoir central de Ouagadougou et de l’opinion publique.

    Pousser l’outrecuidance jusqu’à vouloir agresser le député Moussa Zerbo, coordonnateur du mouvement organisateur de la conférence ne contribue pas non plus à cimenter notre démocratie qui est pourtant citée en exemple presque partout dans le monde.

    S’employer à vouloir incendier le domicile d’un élu de la nation parce qu’il a juste exprimé une opinion contraire est un acte d’incivisme fort regrettable. Rien, absolument rien, ne saurait justifier de tels débordements, dans la mesure où le régime MPP au pouvoir va très bientôt siffler la récréation.

    Pour le moment, il est sans doute en train de capitaliser les avis, les critiques, les suggestions, les idées, les propositions et contrepropositions des populations. Plus tard, il va devoir les confronter, requérir probablement l’intervention du parlement puis prendre une décision sensée favoriser l’érection du futur CHU sur un site non querellé.

    En attendant que le gouvernement Christophe Dabiré prenne cette décision finale en vue de permettre à la partie chinoise de démarrer les travaux de construction, il nous est tous loisible de continuer à faire éclore nos arguments.

    Mais cela devra se faire dans la courtoisie, le respect des règles démocratiques, sans le moindre calcul, sans amalgame, sans apriori, sans injures. Pour la bonne et simple raison que même les adversaires au régime MPP et les ennemis du pays des hommes intègres souhaitent tous la construction de ce CHU dans la commune de Bobo-Dioulasso.

    Seulement voilà, comme ils savent que cela peut se faire sans emblaver forcément 16 des 350 ha de la forêt de Kua classée depuis 83 ans, ils souhaitent vivement que les autorités fassent d’une pierre deux coups : donner un coup de fouet salvateur à la santé et à l’environnement !

    Fort heureusement, cela est tout à fait possible, pour peu que Rock Marc Christian Kaboré et le gouvernement veuillent bien rompre le suspens qui entoure un débat de clocher dont la solution est plus facile à trouver qu’il n’y paraît !

  • Le 27 mai 2019 à 12:08, par Mlotov En réponse à : Burkina : L’introuvable cohésion sociale

    ’’’’
    Nombre de bonnets rouges new look faut-il le rappeler, ne sont en réalité qu’une résurgence des chefs de cantons créés par l’administration coloniale française afin d’assurer la collecte de l’impôt de capitation et le recrutement forcé de tirailleurs et de main d’oeuvre pour les travaux forcés !’’’’
    Vraiment des descendants de collabo des colons,des descendants de valets locaux..qui s ;excitent dans tous les sens et se prétendent chefs, naabas et chefaillons de tout poils.
    Sankara a vraiment raison sur ces forces rétrogrades .Ces forces obscures qui biaisent notre jeune démocratie. Il faut les supprimer tous sinon rien de bon ne peut être fait dans notre pays.
    Mais attention, il ne faut jamais confondre ’’ CHEFS COUTUMIERS’’ et ’’ Chefs traditionnels’’
    C ;est les seconds qui sont corrompus et dangereux pour la cohésion nationale car trop partisans et cupides.

    #MOLOTOV

  • Le 31 mai 2019 à 10:36, par koamsa En réponse à : Burkina : L’introuvable cohésion sociale

    Quand on laissait un Salif tenir des discours d’exclusion devant les autorités politiques et coutumières, quand on tolérait le mépris de certaines ethnies, ... ce sont les graines de la rupture sociale. Il faut une volonté politique et une humilité de certains tribuns pour nous sortir de cette broussaille.

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