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Monique Ilboudo, dolotière : « C’est une activité qui nécessite beaucoup d’efforts »

Publié le vendredi 17 mai 2019 à 15h32min

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Monique Ilboudo, dolotière : « C’est une activité qui nécessite beaucoup d’efforts »

Monique Ilboudo, affectueusement appelée « Maman Monique », est dolotière au quartier Tampouy de Ouagadougou (à proximité de l’hôpital Paul VI) depuis une trentaine d’années. Elle est fière de son métier qui lui permet de subvenir aux besoins de sa famille. Conscients de l’importance de l’activité de leur mère, ses enfants ne se lassent pas de l’aider dans ses tâches. Dans cette interview, elle nous raconte ses débuts dans le métier, son parcours, comment elle s’occupe de sa famille grâce à la bière de mil.

Lefaso.net : Comment êtes-vous arrivée dans le métier de dolotière ?

Monique Ilboudo : Je n’avais jamais rêvé d’être dolotière, jusqu’au jour où j’ai épousé mon mari, aujourd’hui décédé. Quand je suis arrivée dans mon foyer, j’ai trouvé que ma belle-mère exerçait le métier de dolotière. Alors, je me suis mise à l’aider dans ses différentes tâches. Deux ans plus tard, ma belle-mère et moi sommes devenues presque associées ; ce qui donnait de la consistance au métier.

Malheureusement, mon mari n’a pas eu longue vie et ma belle-mère est devenue inactive suite à la fatigue et aux maladies. Je me suis alors trouvée une parcelle à Tampouy, au bord de la voie, pour continuer mon activité. Au tout début, j’ai vraiment souffert parce que mes enfants étant très petits, il fallait que je m’occupe d’eux, tout en sauvegardant le métier de dolotière ; ce qui n’était pas de tout repos. C’était pour moi un défi à relever, surtout que mon mari venait de nous quitter. Je devais alors trouver de l’argent pour que mes enfants continuent d’aller à l’école. Dieu aidant, la vente du dolo prospérait de jour en jour, du fait de la fréquentation des clients. C’est donc dire qu’au fur et à mesure de cette fréquentation, mon rêve se réalisait.

Qu’avez-vous pu réaliser de concret depuis que vous pratiquez cette activité ?

Sincèrement, je rends grâce à Dieu. Je ne peux pas dire que ce métier ne rapporte pas. Le peu d’argent que je gagne m’a permis de payer la scolarité de mes enfants et dans des écoles professionnelles (un de mes enfants est en formation à l’ENEP et un autre dans le domaine de la santé). J’ai pu me payer une monture pour mes déplacements. Mon mari nous a laissé avec une maison en banco, mais aujourd’hui, j’ai pu construire une maison en ciment.

J’ai à ma charge d’autres enfants qui ne sont pas les miens et dont j’honore les frais de scolarité. Les femmes qui m’aident dans mon activité ont aussi leur pain quotidien. En tout cas, les fruits de mon travail sont utilisés à bon escient. Dans mon cabaret, il m’arrive de vous servir quand bien même vous n’avez pas de quoi payer, mais à la condition que le client en question soit un client fidèle et qui s’engage à régler plus tard. Ce qui est intéressant dans les cabarets de façon générale, c’est l’ambiance, et je m’y plais. Avec mes revenus, j’ai associé à cette activité la vente de la bière et de la soupe.

Vos enfants vous donnent-ils un coup de main ?

Bien sûr. Depuis que les enfants ont grandi, ils ont pris conscience de notre entreprise familiale. Ils savent tous que nous vivons de cette activité et comme ils comptent tous sur moi, ils se donnent à fond, depuis la préparation du dolo jusqu’à la vente. Ce sont les garçons qui se chargent de distribuer le dolo à certaines revendeuses dans les autres cabarets de la place. Les filles, elles, s’occupent de la préparation et de la vente du produit. Aussi bien les garçons que les filles, tous connaissent le processus de préparation du dolo. L’école ne les empêche en aucun cas de m’aider. Une chose qui me rend fière (je sens s’installer la fatigue à 56 ans), c’est que même si je venais par la force des choses à abandonner l’activité, mes enfants sauront assurer la relève.

Monique entrain de servir les clients

Pouvez- vous nous décrire le processus de préparation du dolo ?

J’avoue que c’est un travail très compliqué. Si tu ne t’armes pas de courage, tu abandonneras. La préparation se déroule comme suit : on trempe d’abord le sorgho rouge dans l’eau pendant trois jours pour obtenir du mil germé. Ensuite, on passe à la cuisson proprement dite, qui dure deux jours. Après avoir laissé refroidir, on met de la levure pour laisser « dormir » avant d’obtenir une boisson fermentée.

Donc en tout, il faut pratiquement trois jours pour faire du bon dolo. Les ingrédients que j’utilise sont l’eau, la farine de mil germé et la levure. D’autres dolotières y ajoutent des ingrédients toxiques mais moi je prépare le dolo naturellement. Car je considère que ce qui est malsain pour moi l’est aussi pour les autres. Chaque mois, le bois pour la cuisson du dolo me coûte plus de 20 000 F CFA ; et l’eau me revient également cher. C’est une activité qui nécessite beaucoup d’efforts. La préparation du dolo exige la prudence et l’hygiène, sans quoi ça échoue facilement et tu te retrouves avec des pertes. Je fais le dolo deux fois dans la semaine.

Quelles sont les difficultés majeures de cette activité ?

Les gens aiment boire à crédit et cela entrave beaucoup l’activité. Si je pouvais avoir ce que les gens me doivent, je serais gâtée. Nombreux sont les clients venus commander du dolo pour des mariages, des baptêmes ou des funérailles et qui n’ont pas honoré leur engagement. Très souvent, je vends à perte mais je continue mon œuvre car, en plus de l’argent, il y a des relations ; on bavarde et j’aime la compagnie de mes clients. Lire la suite

Interview réalisée par P.M. OUEDRAOGO

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