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El Presidente : L’as de l’humour burkinabè

Publié le jeudi 16 mai 2019 à 14h12min

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El Presidente : L’as de l’humour burkinabè

Il se fait appeler El Presidente. Il est l’un des humoristes le plus talentueux de sa génération. À la dernière édition des Ouistiti d’or, il a été sacré meilleur imitateur de l’année. C’est un sociologue qui a tout abandonné pour faire de l’humour son métier. À l’étal civil, il se nomme Abdoul Wahab Kaboré. Dans l’interview qu’il nous a accordée en début de semaine, il nous raconte sa vie d’artiste, ainsi que les difficultés liées à son métier. Entretien.

Lefaso.net : Voulez-vous bien vous présenter aux lecteurs de Lefaso.net ?

El Presidente : À l’état civil, je me nomme Abdoul Wahab Kaboré. Je suis plus connu sous le nom d’El Presidente. Je suis artiste humoriste. J’ai 28 ans, célibataire sans enfant.

Pourquoi ce surnom El Presidente ?

El Presidente, c’est depuis le Grand prix national de l’humour organisé par le ministère de la Culture et du Tourisme en 2015. J’y ai participé. C’était ma toute première compétition d’envergure nationale. Je suis allé en finale. Dieu merci, j’étais le troisième lauréat. À l’issue de cela, on était en train de causer en master class avec Adama Dahico. On m’appelait à l’époque « président Abdoul ».

Juste après la compétition, c’est venu comme par hasard. D’aucuns m’appelaient président Abdoul. D’autres sont passés à El Presidente, certains préféraient « président » tout court. Je me suis dit « entre ces trois-là, lequel serait meilleur ? ». De toute façon, j’ai commencé mon humour par l’imitation des différentes personnalités, des présidents. Donc finalement, j’ai adopté le sobriquet « El Presidente ». Voilà comment est venu ce nom.

Pourquoi avez-vous choisi de faire de l’humour votre métier ?

L’humour, c’est d’abord une passion pour moi. Depuis le primaire, on faisait des sketches à chaque fois qu’il y avait des journées culturelles à l’école. Au lycée aussi... J’ai continué avec mes camarades. On s’essayait, on écrivait des sketches qu’on présentait nous-mêmes. Une fois à l’Université de Ouagadougou, j’ai intégré la troupe « Étoile de l’avenir ». Au fur et à mesure, je commençais à faire de petits numéros. Je sortais quand il y avait des journées culturelles à l’université ou encore dans les cités universitaires. C’est une passion pour moi. Je l’ai entamé avec toute ma passion après donc la licence en sociologie.

Donc, vous avez abandonné votre cursus universitaire pour vous lancer dans l’humour ?

Je me disais qu’avec le système Licence-Master-Doctorat (LMD), ça allait être un peu compliqué pour moi. Il n’était pas non plus question d’aller et de reculer. Il fallait bien se préparer. C’est la raison pour laquelle j’ai préféré l’humour. Mais la plupart de mes promotionnaires sont devenus des professeurs de collèges ou encore des officiers de police. Moi, j’ai aimé l’humour, j’ai aimé le théâtre et je suis dedans.

Finalement, que vous rapporte l’humour ?

Aujourd’hui, je vis de l’humour. Je paie mon loyer, je paie tout ce qu’il faut dans une cour. Je ne dépends pas de mes parents depuis belle lurette. J’ai obtenu beaucoup de choses grâce à l’humour. Au début, ce n’était pas simple. On se débrouillait petit à petit. Là, on peut dire qu’on se débrouille, mais je vis de l’humour.

Apparemment, c’est un métier qui est bien payé…

Bon, dire que l’humour est bien payé, ça dépend de là où vous partez. Les cachets de toute façon ne sont pas les mêmes. Aujourd’hui, si j’ai un cachet par exemple de 300 000 F, peut-être que si je viens pour prester à votre évènement, vous n’allez pas me payer ce prix. Peut-être que vous me payerez 100 000 F ou 50 000 F. Tout dépend des négociations. Mais je peux dire que ça va un peu. L’humour commence à prendre de l’ampleur au Burkina. Ce n’était pas comme cela avant. Donc, c’est un processus. Je pense que ça suit son cours.

Qu’est-ce que l’humour peut bien apporter à une société comme la nôtre ?

L’humour rapporte beaucoup. Quelqu’un m’a posé une question une fois. C’était « qu’est-ce que la sociologie t’a apporté une fois dans l’humour ? ». Pour moi, c’est aller toujours analyser l’homme vivant en société. L’homme vivant en société, c’est quel fait qui touche plus l’humanité, quel fait touche beaucoup plus la société ?

J’essaie le plus souvent de partir toucher les faits pour essayer de les travailler en humour. Ce n’est pas du tout facile. Il y a des faits qu’il faut traiter avec beaucoup plus de diligence. Ainsi, pour ne pas aussi trop vexer. Néanmoins, c’est de cette manière-là que je travaille. Je pense que nous avons notre façon de faire l’humour. On sensibilise. On peut avoir des failles. Cela n’empêche que dans nos numéros, il y ait des sensibilisations. Elles peuvent servir quand même à la société.

Pour faire des vannes, il faut de l’inspiration, beaucoup d’imagination. Vous, quelles sont vos sources d’inspiration ? Comment arrivez-vous à trouver vos textes ?
Je suis beaucoup plus l’actualité. Beaucoup de mes vannes viennent de là. On fait des recherches de toutes les façons. Moi, je mets les choses toujours entre les mains de Dieu. On prie à chaque fois et on demande aussi à Dieu de nous accompagner pour trouver donc l’inspiration nécessaire. Pour faire rire quelqu’un, ce n’est pas aisé.

Généralement, certains parents ne veulent pas que leurs enfants soient des artistes. Quand vous vous êtes décidé de faire de l’humour, quelle a été la réaction de vos géniteurs ?

Disons qu’au tout début, ce n’était pas du tout rose. Même si tes parents ne vont pas directement te demander pourquoi tu laisses tout ça pour aller faire de l’humour, il y a l’entourage. Ce sont eux-mêmes qui vont demander que « votre enfant, il devient fou ou quoi ? ». Quelqu’un qui a un diplôme qui ne peut pas aller faire un concours comme une telle ou telle personne, il est en train de se foutre dans l’humour. Qu’est-ce qu’on gagne dans l’humour ? Ou bien qu’est-ce qu’on gagne dans le théâtre ? Je pense que ces choses-là, je les ai vécues par moments. Mais, mes parents ont beaucoup cru en moi. À chaque fois que j’ai quelque chose, ils sont toujours présents pour me soutenir.

Ils sont nombreux, ceux qui rêvent de faire rire les gens comme vous. Quels conseils avez-vous à leur prodiguer ?

Ceux qui veulent emboîter le pas, l’humour, il faut le signaler, c’est une discipline qui est assez compliquée. Elle ne prend pas comme on veut. C’est-à-dire que tu peux te dire que c’est bon, tu es arrivé. Tu fais un numéro ici, ça marche ; tu pars dans un autre endroit avec le même numéro, et ça ne marche pas. Donc ça peut te décourager au fur et à mesure. Mais c’est ta passion pour la chose qui peut te faire résister à toutes ces failles. L’humour n’aime pas la paresse. Moi, de la même façon que je travaillais à l’université, je bosse pareillement dans l’humour quand je cherche des numéros.

Avez-vous des modèles dans l’humour, des humoristes qui vous fascinent ?

Je m’inspire beaucoup de Gad Elmaleh. C’est un modèle pour moi. J’aime beaucoup ses façons de travailler, sa façon de raconter les choses, de construire ses histoires. Aujourd’hui, je n’arrive pas à être comme lui. Mais je m’inspire beaucoup de lui. J’aime beaucoup ce qu’il fait. J’aime beaucoup aussi les improvisations de Jammel Debbouze, même si je ne suis pas trop improvisation, j’arrive à improviser.

Au Burkina Faso, il y a des gens qui m’inspirent aussi. Je prends l’exemple de Génération 2000, Gombo.com, ainsi de suite. Ce sont des gens qui ont démarré la chose pour que nous venions continuer. Je rends toujours hommage à ces personnes qui nous ont devancés.

Quelles sont vos relations avec les autres humoristes burkinabè ?

J’ai une très bonne relation avec mes collègues. J’ai toujours dit que partout où vous êtes, il faut d’abord vous respecter et respecter les autres. C’est ce que j’essaie de faire avec mes collègues qui me comprennent bien. J’ai de très bonnes collaborations avec Moussa petit Sergent avec qui j’ai fait la compétition en 2015.

Gombo.com, ce sont mes aînés et actuellement ils sont comme mes camarades. Quand on est ensemble, c’est comme si il n’y avait pas de différence d’âge. Gérard Ouédraogo, je prends Génération 2000 ou encore les autres de ma génération comme Jaguar ou encore Philomène, ainsi de suite, je n’ai aucun problème avec quelqu’un. Au contraire, ce sont de très bonnes relations. Quand il y a lieu de critiquer aussi, je n’hésite pas. Voilà ! Et c’est dans le bon sens.
Vous avez parlé tantôt d’un prix du ministère de la Culture que vous avez obtenu.

Est-ce qu’en dehors de cela, vous avez eu d’autres prix ?

En 2018, j’ai eu le Ouistiti du meilleur imitateur. Le Burkina n’est pas un pays où les compétitions s’organisent. À l’échelle internationale, on n’a pas encore eu la chance d’obtenir un prix. Mais on se bat toujours et on continue donc notre chemin en espérant qu’on obtiendra des prix.

El Presidente a-t-il des projets ?

Oui. Comme tout artiste qui aimerait évoluer dans le domaine… Déjà, j’évolue beaucoup plus en « One man show ». Ma première fois de tester ce que je fais, c’était à l’université. Je suis reparti à la case départ où je faisais donc un spectacle d’une heure pour m’essayer. Je n’étais pas convaincu de ce que je faisais au début.

Mon premier grand spectacle, c’était l’an passé au CENASA. Il était intitulé « Comportement de la femme ». Pour revenir donc à votre question, j’ai un spectacle cette année. C’est le 14 juin prochain. C’est-à-dire une semaine après la fête de Ramadan, au CENASA. Ce spectacle est intitulé « Du CP1 au CPN ». Donc après, c’est projeter des spectacles pas forcement au Burkina, des sorties pour des spectacles ailleurs.

Si vous aviez le ministre de la Culture, Abdoul Karim Sango, en face de vous, que lui diriez-vous ?

C’est de lui dire de nous accompagner dans l’humour. L’humour, c’est une discipline qui est compliquée. Pour vous dire très sérieusement, c’est un art complexe. C’est très difficile dans la mesure où même pour écrire une vanne, ce n’est pas sûr que ce que tu écris, tu vas faire rire quelqu’un. C’est compliqué et cela demande beaucoup de travail. L’humour est en train de prendre, nous sommes en train de travailler pour faire avancer la chose mais en même temps qu’on travaille, il faudrait quand même qu’on nous accompagne.

Propos recueillis par Dimitri OUEDRAOGO
Lefaso.net

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Vos commentaires

  • Le 17 mai 2019 à 07:55, par PIONG YANG En réponse à : El Presidente : L’as de l’humour burkinabè

    Bravo et courage. Tu nous donnes régulièrement du sourire. Je me rappel de ta video sur les propos du ministre de la culture SANGO par rapport au artites. h HA HA... "YAMB NA WAA N’DOGUI Y BIIGUI PA MIE ? J’en rit toujour. Le meilleur reste à venir. Bon vent.

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