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Ouagadougou : Un sit-in pour dire stop aux « camions de la mort »

Publié le dimanche 12 mai 2019 à 22h45min

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  Ouagadougou : Un sit-in pour dire stop aux  « camions de   la mort »

Suite aux nombreux accidents de la circulation impliquant des véhicules poids lourds, dont le dernier cas est survenu à l’échangeur de l’Est le 3 mai dernier (qui a coûté la vie à Sylvie Moyenga, élève au Lycée technique de Ouagadougou), des citoyens de tous âges ont répondu présents à l’appel du conseiller municipal Yiyé Constant Bazié, via les réseaux sociaux, d’observer un sit-in à la Place de la nation, le samedi 12 mai 2019, pour réclamer la règlementation des heures de circulation des véhicules poids lourds. Des responsables d’associations comme Rasmané Nikiéma et Léopold Kaboré étaient aux côtés des manifestants.

Il était 8h lorsque les manifestants se sont rassemblés à la Place de la nation. L’émotion était visible sur les visages. Assis à même le sol, ils ont crié leur ras-le-bol de voir des camions poids lourds arracher à leur affection leurs enfants et petits-frères, à la fleur de l’âge. Sur des banderoles, on pouvait lire : « Non aux cercueils ambulants ». Par ce sit-in, les protestataires ont revendiqué la règlementation des heures de circulation « des camions de la mort » et ont appelé le gouvernement à réagir fermement pour mettre fin à ce phénomène.

« Nous perdons de brillants jeunes enfants, l’avenir de notre pays. On a montré une élève qui avait 400 points (Ndlr : Sylvie Moyenga). Qui peut savoir si cette enfant n’allait pas un jour être maire, ministre et qu’elle n’allait pas prendre de bonnes ou de meilleures décisions pour ce pays ? Nous ne sommes pas Dieu pour décider à quel moment quelqu’un part et à quel moment quelqu’un ne part pas. (…) Il ne faut pas qu’on s’habitue à mélanger nos bêtises avec Dieu. Moi je ne pense pas que Dieu donne une vie pour la prendre dans un contexte où une loi a été votée », a déclaré Yiyé Constant Bazié, conseiller municipal de l’arrondissement N°2 de la commune de Ouagadougou, par ailleurs président de la Commission environnement et développement local.

Ce rassemblement n’a cependant pas connu une forte mobilisation. Pourtant, l’alerte lancée sur les réseaux sociaux a enregistré plus de 1 000 signatures à Ouagadougou. « Nous avons vu des courriers qui ont circulé par voie de presse et nous avons aussi dénoncé ces courriers en apportant à notre niveau les preuves que normalement ce type de courriers ne devrait pas exister pour le bien de la cause commune, parce que nous nous sommes retrouvés avec des gens qui ont à demi-mot dénoncé ou qui se sont désengagés de ce sit-in, alors qu’ils ont signé cette pétition devant des gens avec beaucoup de fierté », a déploré le conseiller Bazié, avant de se montrer compréhensif : « Il ne faut pas en vouloir à ce type de personnes. Il y a des pressions ; quand ça arrive sur certaines personnes, acceptons que ce n’est pas facile ». Malgré le manque d’engouement, il s’est félicité de la bonne tenue du sit-in.

« Le choix de la Place de la nation n’est pas anodin »

« Même s’il fallait que nous soyons seuls, moins encore que ça, nous allons être là parce que nous allons continuer à être la mauvaise conscience des gens qui ne veulent pas accepter de prendre sur eux des décisions pour défendre la vie de leurs jeunes enfants, de quelqu’un qui part au travail pour venir nourrir sa famille, d’une femme avec son bébé au dos qui tombe sous les roues d’un camion (…) », a martelé le meneur du sit-in.

À l’en croire, le choix de la Place de la nation n’est pas anodin. Il est plein de bon sens. « Quand on écrase les gens, on ne le fait pas dans un cercle fermé. (…) Du coup, on ne pouvait pas se permettre de choisir un autre lieu que la Place de la nation pour interpeller tous les citoyens de ce pays qu’il y a un drame qui sévit. Pratiquement chaque jour, quelqu’un perd la vie dans les grandes villes du Burkina Faso par rapport à ces camions, alors que normalement il y a une loi qui interdisait [la circulation de] ces camions entre 5h et 20h », a-t-il expliqué, soulignant qu’il n’est pas contre l’activité économique de quiconque.

L’action du maire fortement saluée

Yiyé Constant Bazié estime qu’on doit pouvoir allier la recherche de l’argent à la sécurité des citoyens. « À quoi sert la richesse si le citoyen doit être brimé et, dans notre cas, piétiné, littéralement écrasé ? Il y a des morts atroces qui laissent des familles dans des douleurs qu’on ne peut pas décrire. Il y a des corps qu’on ne peut pas laver ; qu’on ne peut pas présenter aux familles pour qu’elles puissent faire un deuil. Comment on peut accepter ce genre de choses et continuer à faire comme si de rien n’était ? », se questionne-t-il.

Fort heureusement, son cri de cœur a été à moitié entendu. Le 7 mai dernier, un nouvel arrêté portant réglementation de la circulation et du stationnement des véhicules poids lourds dans la commune de Ouagadougou a été signé par le maire Armand Béouindé. Selon l’article 4 de l’arrêté, la circulation des véhicules articulés ou des ensembles de véhicules dont le poids total autorisé en charge est supérieur ou égal à 10 tonnes n’est autorisée qu’entre 22h et 5h du matin, sur un certain nombre d’axes routiers. Mais comme disent les commerçants, « c’est bien mais ce n’est pas arrivé ». « L’État doit être exigeant et même très exigeant, en appliquant la loi », selon lui.

Les parents interpellés…

Rasmané Nikiéma, membre-fondateur de la Fédération des associations de promotion de la sécurité routière, rencontré sur les lieux, dira, pour sa part, que parmi les facteurs de la survenue des accidents de la circulation, il y a la méconnaissance du code de la route et l’absence de dispositifs de sécurité dont le port du casque, entre autres. « Nous avons fait une campagne de sensibilisation au port des casques pendant trois ans ici à Ouagadougou.

Il est temps que chacun se protège et protège aussi ses enfants », a-t-il déclaré. Il a par la suite déploré l’absence des membres de sa fédération au présent sit-in. « Je ne suis pas là pour une affaire politique. Je suis là pour mes enfants qui vont à l’école », a-t-il clarifié.

De son côté, Emmanuel Kaboré en veut aux parents : « On ne peut pas aller acheter une grosse moto pour son enfant, lui acheter un gros téléphone et puis prendre le soin de mettre un incassable pour que le téléphone qu’on peut acheter demain ne se brise pas et on ne peut pas acheter un casque pour cet enfant. (…) Tant que nous n’allons pas nous y mettre, nous n’allons pas mettre fin à ce phénomène ».
À l’issue du sit-in, une pétition a été lancée. L’ambition est d’atteindre 15 000 signatures pour demander la règlementation de la circulation des camions poids lourds. À terme, cette pétition sera déposée à l’Assemblée nationale.

Laure G. Sidibé
Lefaso.net

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Vos commentaires

  • Le 13 mai 2019 à 08:26, par lecoco En réponse à : Ouagadougou : Un sit-in pour dire stop aux « camions de la mort »

    Pour ma part je pense particulièrement qu’au délà d’une loi qui réglemente justement la circulation, ce qui est déjà une bonne chose, il faut que l’Etat repense sérieusement le système de transport en commun pour les élèves et les écolier. Je pense personnellement qu’on devrait avoir des moyens de transport fiable et ponctuel pour permettre de sortir de la circulation les enfants du CP1 à la troisième. Parce que quand vous êtes à la maison et que votre petit enfant est dans la circulation, tant qu’il ne rentre pas vous êtes stressé. Imaginez un parent qui a plusieurs enfants, quel niveau de stresse il doit subir chaque jour ? chaque mois ? chaque année ?. Donc je suis conscient que s’il y a des moyens de transport en commun pour ce niveau d’élève, la parents consentiront à payer un abonnement mensuel ou annuel pour permettre aux enfants d’aller à l’école en toute tranquillité. Je pense donc nécessaire de réfléchir à ce modèle de solution supplémentaire. Bravo aux initiateur de cet sit-in

  • Le 13 mai 2019 à 13:51, par Justice En réponse à : Ouagadougou : Un sit-in pour dire stop aux « camions de la mort »

    J’étais à cette marche, mais j’étais dessus.
    Je m attendais à une participation plus grande. Je pense que nous devons être solidaire. L’union fait la force. Tout le monde est concerné par ces camions qui circulent et qui crée des accidents mortels.
    ça n’arrive pas qu’aux autres ! Rien que samedi il y a eu un accident mortel causé par un poids lourds.J’encourage monsieur le maire pour la mise en oeuvre et rapide du décret réglementant la circulation des poids lourds. Chers Burkinabè , soyons unis, l’union fait la force en toute chose. Nous devons nous battre pour nos enfants, nos mères et pères pour qu’ils ne terminent pas leur vie dans la rue.

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